Critique pour la sublime première saison de Jessica Jones, sombre, avec un méchant effrayant et une héroïne fascinante.
Le ton était déjà donné dans le premier épisode de Jessica Jones : la série sera sombre. Cela se confirme et empire tout au long des treize épisodes de cette première saison magnifique. Une saison difficile, noire, parfois insurmontable dans sa violence morale mais sublime.
Avec Jessica Jones, Marvel continue le travail commencé avec Daredevil : montrer un monde de super-héros très personnel et pas aussi manichéen que dans les films. On ne parle plus vraiment de super-héros ici, mais d’humains, ou la difficulté de survivre, même quand on a des super-pouvoirs.
Déjà noté pour le premier épisode, Jessica Jones est une héroïne à la fois forte et fragile. Traumatisée, elle se bat au jour le jour pour continuer à vivre sa vie, mais la façade forte qu’elle présente s’effrite d’épisodes en épisodes. On voit ainsi une femme fragile, toujours hantée par ses démons. Des démons qu’elle laisse parfois prendre le dessus sur elle, mais qu’elle finit toujours par battre, et pas forcément grâce à ses super-pouvoirs. Le téléspectateur assiste à la descente aux enfers d’une personne traumatisée et tourmentée par son bourreau. La série donne avec ce personnage, un exemple réaliste de la vie lorsque l’on souffre du syndrome du stress post-traumatique tout en essayant tant bien que mal de garder la tête hors de l’eau.
Métaphore de l’abus
Jessica Jones plus qu’une histoire de super-héros est l’histoire des relations abusives. Aussi bien les relations amoureuses, que des relations parents-enfants, de plusieurs manières, entre frère et soeur et même entre époux. Les abus ne sont pas tous les mêmes et ne prennent pas toujours la même forme, mais la racine du mal est toujours la même : l’un exerce trop de contrôle sur l’autre, qui est assujetti à son pouvoir. Dans un seul des cas présentés dans la série, ce pouvoir est surnaturel. Le résultat est tout aussi destructeur.
Le pire est bien sûr Kilgrave et son obsession avec Jessica Jones. Kilgrave est un pervers narcissique manipulateur classique. Tout ce qu’il fait au long de la série pour attirer l’attention de Jessica, un jeu de séduction dans son esprit malade ressemble de très près à ce qu’il se passe dans la réalité. Chantage émotionnel, harcèlement, sappage de la confiance en soi de la victime… Kilgrave, comme n’importe quel autre manipulateur est persuadé qu’il est dans son droit, qu’il n’a rien fait de mal et même qu’il répondait aux volontés et désirs de Jessica. Il confond le viol et l’amour. Dans son délire, il croit qu’elle l’aime en retour, et qu’il a une chance de la séduire à nouveau.
Grand David Tennant
Ceci est déjà effroyable dans la réalité. Dans Jessica Jones c’est empiré par Kilgrave, l’un des méchants les plus horribles du MCU. On le doit en partie au jeu impeccable de David Tennant, qui sait être effrayant, dérangé, menaçant quand il le faut. Plus effrayant encore, il arrive à nous faire parfois ressentir de la compassion pour son personnage, en particulier quand il confronte ses parents. Tennant donne beaucoup de dimensions à son personnage, jouant sur de nombreuses nuances. Bien sûr c’est un psychopathe, mais c’est aussi un homme amoureux, dans sa définition très perturbante de l’amour et un enfant abandonné et blessé. Tennant arrive à nous convaincre de chacune de ces facettes.
Mais il est aussi glaçant dans son manque de compassion. Comme il le dit lui-même, il ne prend pas particulièrement de plaisir à faire du mal. Il n’a simplement pas de scrupules et s’en fiche éperdument. Et c’est là où il est plus effrayant, plus horrible que les autres méchants de la franchise. Il présente un visage très humain, avec des défauts humains assez reconnaissables. Ses pouvoirs ne sont qu’un instrument. Il arrive même à manipuler et faire du mal sans ses pouvoirs..
Le mal séducteur
Jessica Jones se permet tout de même de la légèreté et un humour noir hors du commun dans cet univers. On ne riait pas beaucoup dans Daredevil. Le reste des œuvres ne sont jamais aussi sombres. Ici le rire est là, même si parfois, il est franchement jaune, voire honteux, comme le fameux “bonjour, Hank”. Les scénaristes nous permettent de rire avec Kilgrave. L’horreur vient aussi du fait qu’ils arrivent à faire toucher du doigt l’utilité du pouvoirs de Kilgrave, dans un épisode où il joue au héros à la demande de Jessica.
Ne serait-il pas agréable de pouvoir obtenir un peu de silence dans une salle surpeuplée où on tente d’avoir une conversation ou de se concentrer ? Ne serait-ce pas bien de pouvoir éviter à nos prochains de faire des erreurs et de commettre des crimes uniquement par une commande de la voix ? Le pouvoir de Kilgrave séduit, aussi bien les personnages que le téléspectateur. Mais même avec les meilleures intentions du monde, cela reste du contrôle mental. Cela revient purement et simplement à priver un autre de son libre arbitre. C’est mal, mais dans plusieurs circonstances, la série fait toucher du doigt combien on aurait du mal à résister à utiliser un tel pouvoir. Et c’est là où la série devient encore plus perturbante.
Belle écriture
Jessica Jones arrive à construire la psychologie de son excellente héroïne et de son superbe méchant grâce à une écriture parfaitement mesurée. D’épisodes en épisodes, on en apprend un peu plus sur les personnages. C’est par fines couches que leur passé et leur psyché nous sont révélés. Cela s’applique également pour les personnages secondaires. S’ils sont un peu transparents dans les premiers épisodes, ils prennent de plus en plus d’importance au fil de la saison. Ils ont chacun leur rôle à jouer, parfois très étonnant, comme Malcolm par exemple.
La fin de Kilgrave parait un peu rapide néanmoins, mais ne montre là que la folie d’un homme ivre de son propre pouvoir. Ce n’est pas réellement Jessica Jones qui gagne, même si elle fait plus que sa part du boulot. C’est plutôt Kilgrave, par excès de confiance qui commet des erreurs qui mèneront à sa fin.
Et après ?
Pour une première saison très centrée sur un unique méchant qui meurt à la fin, Jessica Jones prépare malgré tout sa suite potentielle. D’abord avec Luke Cage, qui va bientôt avoir sa propre série, mais aussi pour une éventuelle seconde saison. Deux pistes sont à suivre. D’abord Jessica est désormais reconnue comme une héroïne qui sauve le monde et est très demandée. Mais surtout, le mystère autour de ceux qui semblent avoir fait des expériences sur elle et lui ont donné ses pouvoirs.
Netflix propose encore une excellente série avec Jessica Jones. Elle est dure, sombre, violente psychologiquement, pose certaines bonnes questions dérangeantes. Bref Jessica Jones une série définitivement à voir.
Crédits Images : ©Netflix
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