Critique de la série En Thérapie, adaptation française de la série Israélienne BeTipul, qui suit les patients d’un psychanalyste au lendemain des attentats de novembre 2015.
Treize ans après la version américaine In Treatment (En Analyse en VF) et plus de quinze ans après l’originale israélienne BeTipul, la France s’attaque enfin à l’adaptation de cette série psychologique culte. Avec En Thérapie, c’est Arte qui a misé dessus et qui a fait confiance aux réalisateurs Olivier Nakache et Eric Toledano, généralement connus pour leurs films de comédie. Le duo de cinéastes, qui a développé la série, est à la réalisation et à la production, tandis que les scénaristes David Elkaim et Vincent Poymiro sont chargés en grande majorité de l’écriture.
A l’origine, ce format a été créé il y a plus de 15 ans par le scénariste et réalisateur israélien, primé aux Golden Globes, Hagai Levi. Depuis, la série a été adaptée dans plus de 15 pays. Aux États-Unis, Gabriel Byrne a incarné le psy entre 2008 et 2010 durant 3 saisons et bientôt, ce sera Uzo Aduba qui jouera la psy pour une nouvelle version de la série sur HBO. Mais aujourd’hui, c’est Arte qui s’y met et elle fait un travail remarquable d’adaptation.
Un psy et ses patients
Le format d’En Thérapie est très simple : un spy fait face à cinq patients qui défilent jour après joue dans son cabinet et chaque semaine, nous suivons leur thérapie en huit clos. Chaque épisode (35 au total) dure entre 22 et 28 minutes et permet d’entrer en profondeur dans la psyché de chacun. La version américaine était absolument brillante et on peut dire que la version française est à la hauteur. Si vous avez déjà vu au moins une des nombreuses versions BeTipul, vous remarquerait que la version française s’en rapproche énormément dans les personnages et dans la formule, mais elle y met sa propre saveur.
Dans l’adaptation française, parmi les patients, on trouve Ariane (Mélanie Thiery) une chirurgienne qui doute de sa relation avec son fiancé et qui avoue être amoureuse de quelque d’autre. Il y a également Adel (Reda Kateb) un policier de la BRI, traumatisé après son intervention au Bataclan ; Camille (Céleste Brunnquell) une adolescente sportive blessée après un accident et un couple qui se déchire – Damien (Pio Marmaï) et Leonora (Clémence Poesy). On découvre aussi la vie privée du psy Philippe Dayan (Frédéric Pierrot), qui, lui-même, consulte Esther, un référent incarné par Carole Bouquet, avec qui il renoue après 12 ans de silence.
Recontextualisation
En Thérapie aurait pu être une pale copie de BeTipul ou de In Treatment et s’il y a beaucoup de points commun (la trame de chaque personnage est similaire à leurs homologues étrangers), la version française se détache en mettant les personnages dans un conteste très français. Avec intelligence, les scénaristes ont décidé de placer la série juste après les attentats de novembre 2015. Ce fut une période très difficile pour les français et l’angoisse et la peur qui régnait à l’époque se ressentent dans la série. La série est ainsi recontextualisée dans la société française et à un moment bien précis de notre histoire. Tout est transposé avec soin.
Les attentats ne sont pas aux cœurs de la série, ce n’est qu’un point de départ pour mettre les choses en situation et comprendre ce qui se passe dans la tête des personnages. Ariane était à l’hôpital la nuit même où ont eu lieu les attaques du Bataclan et elle a dû opérer des victimes et Adel faisait partie de l’équipe d’intervention. Cet événement n’est pas la source de leur trauma mais il y contribue grandement et a déclenché des angoisses. En ça, la série pose un véritable regard sur la société à travers la thérapie de ces patients perdus et parfois brisés.
Chaque semaine, le Dr Dayan absorbe les témoignages, les colères et les maux intenses de ses patients. Il les analyse, les scrute, les conseille et tente de ne jamais les juger, même s’il est parfois difficile de rester partial ou de ne pas s’impliquer personnellement. Sans trop en dire sur ce qu’il se passe, il risque d’en payer le prix.
Des acteurs brillants
Comme l’a dit Eric Toledano durant une rencontre avec la presse, « L’idée, c’est de raconter comment un événement extérieur fait remonter des traumatismes intérieurs » et c’est exactement ce que fait la série. Tout comme ses patients, les attentats, qui sont un événement extérieur, vont déclencher quelques choses chez Dayan et il va retourner consulter. Il reste humain et il n’est pas immunisé par rapport à ce qui se passe autour de lui..
Les acteurs sont tous brillants. Ils incarnent leur personnage avec énormément de conviction, ce qui n’est pas évident parce que tout est dépouillé, c’est très cru, à fleur de peau. En Thérapie n’est pas une série comme les autres, il n’y a pas d’action, tout repose sur les dialogues et le jeu des acteurs. La mise en scène très épurée, mais efficace, se rapproche plus d’une pièce de théâtre que d’une série. On est enfermé la plupart du temps dans le bureau du Dr Dayan et c’est presque une mise à nu pour les personnages qui parlent de leurs traumatismes les plus profonds. Des traumatismes qui pourraient bien résonner avec le public qui les regarde.
C’est pour cela qu’il est vraiment déconseillé de regarder les 35 épisodes de la série d’une traite. Cinq épisodes à la fois est vraiment le rythme conseillé pour éviter de plonger dans la déprime. Evidemment la série est déjà disponible dans son intégralité sur Arte.tv et il est vrai que les épisodes s’enchainent facilement, on se laisse vite happer. Mais pour votre santé mentale, il est conseillé de faire des pauses au moins tous les 5 épisodes histoire de reprendre vos esprits et de ne pas sombrer.
En Thérapie est disponible en intégralité sur la plateforme Arte.tv. La série sera diffusée à l’antenne tous les jeudis à 20h55 à partir de ce soir, 4 février à raison de 5 épisodes par semaine.
Crédit ©Arte
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