Claude, vous avez été journaliste à l’écran fantastique avant de devenir scénariste. Comment voyez vous l’évolution de la fiction française, d’un point de vue journalistique ?
Claude Scasso : Je l’ai espéré depuis tellement de temps cette évolution. Je voyais que les idées étaient là et on arrivait pas à les faire déboucher et qu’en même temps la presse nous tapait dessus.
Je la trouvais terriblement injuste en disant « y a pas de scénaristes en France » alors que c’était faux. On était bridé et on se bridait nous-même parce qu’il fallait bien vivre. Ca été surtout le discours sur la distribution à l’étranger qui a fait bouger un petit peu les producteurs et les chaines et enfin on a pu simplement être nous-même
On n’a jamais cessé d’être bon. Avant on faisait de la dramatique télé et puis on a vu des séries américaines on s’est dit « tiens, si on essayait » et maintenant on se rend compte que les codes ont les a naturellement.
Le savoir faire on l’a, il suffit simplement de l’organiser économiquement.
Est-ce que pour vous, les alternatives à la télévision « classique », Netflix et ses fictions originales ou des webseries créées grâce au crowdfunding, change votre façon de voir et de concevoir la fiction française ?
Claude Scasso : je n’ai pas beaucoup de vision sur ça parce que c’est encore loin de nous. C’est un mode de diffusion qui n’est pas encore sur les séries françaises.
Mais il va y avoir des productions françaises comme l’annoncée « Marseille ».
Claude Scasso : oui il va y en avoir mais laissons- leur le temps d’arriver. Pour l’instant ça concerne tellement peu d’auteurs et de gens que ça ne rentre pas encore dans nos habitudes. C’est exactement comme il y a trois ans quand on nous parlait de la fiction de Canal. Ceux qui faisait de la fiction à Canal avaient l’habitude, les autres étaient encore un petit peu en retard sur la fiction française.
Bertrand Arthyus : j’ai l’impression qu’il y a une sorte d’internationalisation des choses et que tout le monde s’enrichit, se cherche et que tous les formats enrichissent les autres et font bouger. Nous on regarde plein de séries de tous les modes qui nous donne envie , qui nous donne du courage pour avancer des idées plus originales. Non ?
Claude Scasso : oui. Et pour revenir à cette saison de Caïn, quand on écrit sur toute la partie feuilleton,on l’écrit comme une globalité donc ca serait diffusé à la Netflix avec des gens qui regardent les huit épisodes d’un coup on se dit « très bien » parce que tout notre feuilletonnant est parfaitement cohérant. Mais pour l’instant dans notre écriture on pense « soirée », on pense mode de diffusion français qui est de deux épisodes donc on sait que si on a une noirceur très forte dans un épisode on va essayer de le disposer en deuxièmement épisode de soirée. Le découpage de la diffusion implique des choses dans l’écriture. Si demain Netflix arrive et nous dit on va tout diffuser d’un bloc alors oui forcement notre réflexion changera légèrement. Maintenant dans le fond et l’originalité, ca ne va pas changer grand-chose.
Fleur Pellerin, la ministre de la Culture, a récemment déclaré qu’elle souhaitait que la fiction française prenne plus de risque et se rapproche plus de ce que fais la BBC.
Est-ce que à l’heure actuelle, c’est possible ou au contraire, la fiction française doit avoir sa propre identité ?
Claude Scasso : il y a un accélérateur qui est donné. Après, entre le moment où on propose un projet à une chaine et le moment ou il aboutit il se passe déjà au moins un an et demi, deux ans. Donc on assiste a quelque chose qui donne comme un coup de booster comme la diffusion de Les Témoins. C’était totalement improbable à priori que France 2 fasse ce projet et qu’il reporte un tel succès public. Oui forcement ça va changer des choses dans le sens qu’attend Fleur Pellerin.On va pouvoir oser de plus en plus. La prise de risque qu’on a continuellement avec Caïn c’est qu’on doit garder cet aspect quand même rassurant du polar du vendredi soir qui est quand même que c’est un flic positif, qui aboutit ses enquêtes, qui va jusqu’au bout.
Bertrand Arthyus : d’ailleurs Les Témoins n’est pas diffusé le vendredi soir. C’est une autre case. La fiction française répond encore à des cases et notamment sur France Télévision. Peut-être que la BBC fabrique moins pour des cases.
Claude Scasso : Dans ces cases peut-être qu’il y a des choses qui bougent légèrement. C’est vrai que par exemple dans Caïn on est contraint à une chose qui est dans l’ADN de la série policière, du procédural. Donc on rentre dans toute une lignée de polar américain. L’an dernier, on a essayé pour la première fois un double épisode qui était Abel et Caïn qui faisait une soirée entière pour une seul enquête et ça a super bien marché au niveau des audiences. La chaine a souhaité de renouveler cette expérience cette année avec le dernier épisode qui est un double épisode et où on prend le risque avec ça qui est que ce double épisode est à la fois la réponse à tout le feuilletonnant de la saison et qui en même touche de plein fouet les personnages.
En parlant de fiction étrangère, est-ce que certaines vous inspirent ? D’autres où vous vous dites « j’aimerais bien travailler dessus » ? Pourquoi ?
Claude Scasso : je suis resté très Dexter. C’est la grande série qui m’a scotché, qui m’a plu dans tout son déroulement, dans toute son avancée à part la dernière saison un petit peu décevante comme pour tout le monde.
Dans toutes les séries c’est peut-être LOST que j’aurais aimé écrire. Qu’est ce que j’aimerais bien encore aller fouiller ces mystères et ses personnages d’une richesse incroyable.
Bertrand Arthyus : moi à chaque fois que je regarde une série, je pense a ce que je peux voler pour ramener chez Caïn (rires)
Crédits photo : © François Lefebvre , NBC, DR
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