Critique de la saison 3 partie 1 de la Casa de Papel : bilan mitigé pour un concept qui se réinvente difficilement et avec moins de tension.
Le 19 Juin, Netflix mettait en ligne sa très attendue 3ème saison de La Casa de Papel. Phénomène espagnol découvert sur nos écrans en 2017, cette production européenne originale du géant du streaming, qui rivalise avec les mastodontes américains, revient pour une nouvelle saison, une nouvelle première partie et un nouveau casse. Bilan d’une saison mitigée qui ne déçoit pas complètement malgré ses airs de redite.
Le nouveau casse du siècle
El Professor et ses villes sont de retour pour le plus grand plaisir des amateurs d’action, de cambriolages, mais surtout de rébellion. La famille aux masques Dali propose une nouvelle itération du casse du siècle, après avoir accroché ses spectateurs pendant deux saisons à son premier braquage de toutes les grandeurs. Un nouveau casse dans la même recette, revisité dans un nouveau lieu et avec de nouveaux enjeux.
Lors du premier casse en deux parties de La Casa de Papel, la bande du Profesor laissait suggérer que ses actes n’étaient pas qu’intéressés. Si bien évidemment les personnages parlaient souvent de leur futur état de millionnaire après leur fuite, l’intrigue laissait entendre que cet acte envers la fabrique de la monnaie était un acte de rébellion et résistance envers les puissances établies. Notamment avec le chant révolutionnaire repris au fil des épisodes : Bella Ciao. Un chant désuet, popularisé à nouveau grâce à la série (au point d’être remixé même par un certain Maître Gims…)
Un casse prouvant que ce qui dirige le monde n’était qu’un bout de papier, qu’il suffisait d’imprimer. Un bout de papier dans les mains d’institutions pas souvent nobles. Ce que la série avait réussi à dénoncer avec brio, faisant de la police, enquêteurs, équipe de raids et autres organes et forces de l’ordre, les antagonistes détestables de la série.
Cette saison, le discours de rébellion n’est plus en filigrane. Il est au cœur de l’intrigue, tout du moins dans les premiers épisodes de cette partie qui ne va pas à nouveau se dérouler comme prévu. Alors que Rio est aux mains d’Interpol, et d’une interrogatrice un peu folklo, le seul moyen de pression pour mettre à nue les pratiques d’un gouvernement qui n’applique pas les droits fondamentaux et joue de l’ordre à son avantage. A l’instar de notre équipe de cambrioleurs, ce braquage de la banque d’Espagne et de son coffre d’or massif, est un moyen de pression. Tout du moins aux premiers abords.
Même recettes, avec plus d’ambition
On reprend les mêmes et on recommence, sur les notes du chant révolutionnaire associé à la série. Tokyo, Helsinki, Nairobi, et Denver, ainsi que Stockholm et leur petiot se retrouvent donc dans un plan millimétré du Profesor (enfin pas vraiment quand on en comprend les origines).
Comme on le sait bien, plus de Berlin. Pourtant Berlin n’est pas loin. Clairement, cette saison 3 est un hommage au personnage ambivalent de la série, parfois monstre, parfois frère loyal. L’ambition du nouveau braquage de la saison, c’est lui. Et même si beaucoup pensaient qu’il ne serait plus là, suite à sa mort, dans cette nouvelle saison de braquage, les flashbacks sont là pour donner la part belle au personnage iconique de la série, qu’il incarne jusqu’au bout de la cravate.
Réinvention du concept
Si les deux premiers épisodes laissaient croire que les braqueurs allaient nous resservir la même histoire sans réellement réinventer cette dernière, dans le même rythme, on se trompait. En effet, très vite, passé l’exposition et la mise en place des deux premiers épisodes avec la prise de la nouvelle forteresse et des otages, on comprend que les enjeux sont plus élevés, avec de belles surprises.
Toujours dans un rythme qui pourrait rivaliser avec les productions de Soderbergh, ce nouveau casse de La Casa de Papel étonne et met sous tension dès son épisode trois. Le Cerveau avait peur de rester en terrain connu, mais ce n’est pas le cas. Tout du moins concernant le casse. Encore plus fou, toujours plus tendu, avec des enjeux qui se révèlent au fil de l’intrigue… Le braquage fonctionne, immerge à nouveau le spectateur dans cet univers, sans que ce dernier n’ait l’impression de revivre ce qu’il a vécu en saison 1, bien que le chemin de fer soit ressemblant.
Problemas para siempre
Bien évidemment, le plan ne se déroulera pas sans accrocs, comme en saison 1 et 2 de La Casa de Papel. Le braquage et la prise d’otage ne vont pas être aussi simples, d’autant que cette saison le chef d’orchestre, le donneur de leçon, est bien moins sûr de lui qu’auparavant.
Les problèmes se succèdent, le jeu du chat et de la souris avec les autorités se lance dans le même contexte qu’au premier braquage. Et avec presque les mêmes visages, tant côtés braqueurs, que police. Un jeu du chat et de la souris qui laissait croire que ces derniers étaient dans la maîtrise totale, surtout après un premier casse aux petits oignons et des aspirations, au delà du vol, plus qu’honorables et inspirées par des envies de révolution. Malheureusement, au delà du casse, l’intrigue de cette saison 3 peine sur certains aspects narratifs, notamment dans l’écriture de certains personnages.
Tout n’est pas rose rouge dans la fabrique….
Les nouveaux visages sont les premiers problèmes de cette nouvelle saison de La Casa de Papel. Si Marseille est et reste un « fantôme » énigmatique, puisqu’on le voit très peu, les nouvelles têtes masquée ou non de la série ne sont pas aussi charismatiques que celles que nous connaissons. Commençons d’abord par Palermo, la nouvelle figure de proue du groupe qui succède à Berlin.
Comme une caricature du personnage qu’on a adoré abhorrer précédemment, il est difficile d’adhérer à Palermo quand on a l’impression qu’il est une doublure caricaturale du personnage le plus iconique de la série, à savoir Berlin. Rustre, agressif, misogyne et tout aussi misanthrope, il est un problème car il n’est pas crédible tant dans le jeu d’acteur de celui qui l’interprète (Rodrigo de la Serna) que dans son écriture.Il apparaît au fil de ses interventions à l’image, comme un Berlin du pauvre, surtout quand ce dernier est très présent dans les flashbacks, avec tout le charisme qui lui revient.
Si dans les flashbacks, sa backstory fonctionne, dans le casse, le personnage est agaçant au possible, imposant une barrière avec le spectateur qui se détache de lui, et ainsi des enjeux de ce derniers, dénué du lien affectif qu’il avait établi avec les cambrioleurs deux saisons plus tôt. Au fil des niaiseries et sautes d’humeurs à l’écran de ce personnage, il devient même agaçant au possible. Les échanges animés avec ses confrères n’aident pas non plus ce dernier, puisqu’ils semblent superficiels et parfois même calqués sur ceux que Berlin avait pu avoir avec son équipe dans la saison 1 de la La Casa de Papel.
Sierra : la Cruella d’Enfer hispanique
L’autre caricature cette saison 3 de La Casa de Papel est le personnage de la négociatrice enceinte, Alicia Sierra, ancienne camarade de formation de celle qui se fait désormais appeler Lisbonne (Raquel Murrillo). Cette Cruella d’Enfer version espagnole est risible à chacune de ses apparitions, rendant son importance dans l’intrigue plus que désagréable. Caricaturale au possible, gratuitement méchante, le personnage n’est pas crédible. Le manque de backstory n’aide pas la crédibilité de cette dernière, ni à l’humaniser, comme avec Raquel l’an passé, qui avait un bagage intéressant, entre son ex-mari, sa mère malade et sa fille.
Quand Murrillo et El Profesor proposaient une tension dans leurs échanges téléphoniques et une véritable chasse, au-delà d’une alchimie sexuelle plus que crédible, avec Sierra, la partition n’est pas la même. Son attitude amusée et faussement calculatrice, doublée d’une grossesse qui apparaît plus de l’ordre du gag qu’un véritable aspect important du personnage, casse le rythme et envoie la tension aux abonnés absents. Si avoir une femme à nouveau à la tête d’une intervention policière de cette envergure est à saluer, nul besoin cette saison d’en faire un personnage aussi cartoonesque et tape-à-l’œil.
A quand la révolution ?
En somme, on peut dire que cette première partie de La Casa de Papel édition Banque d’Espagne, n’est pas des plus égales, même si elle reste correcte. Si l’on a plaisir à retrouver nos cousins espagnols dans une série de grande facture, à la production sans faille – de la réalisation, à la mise en scène en passant par les effets spéciaux et décors, ainsi que la musique – on est un peu déçu par le sentiment de redite (bien qu’il soit le concept inhérent à la série) et le manque de profondeur concernant le discours autour de la Résistance et du peuple.
Une inévitable rébellion que le spectateur attend depuis 3 saisons, nourrie par le rejet des pouvoirs établis et le rapport entre les braqueurs et le peuple. Surtout que cette saison, de nombreuses séquences, notamment de manifestations, sont montrées aux spectateurs. On aurait aimé que les secrets gouvernementaux soient un peu plus exploités et non balayés dès l’épisode 5 par exemple, pour mettre en avant le jeu intellectuel entre Sierra et le duo Professor & Raquel.
Notamment quand dans cette saison 3, le peuple prend plus place comme s’il était membre annexe de l’équipe de cambrioleurs. Si la fin de saison nous laisse sur un cliffhanger bien choisi, avec nos protagonistes en danger et peut-être proches de la défaite, il faudra attendre de voir la suite pour savoir si la Casa de Papel peut nous surprendre au-delà de l’action, avec un véritable discours de fond socio-économique, moins en filigrane et plus central. Car la vraie force de la série au delà de ses ressorts dignes du cinéma d’action ou d ‘une série de blockbuster, reste dans son discours engagé, comme le rappelle si bien son modo : Una mattina mi sono svegliato… E ho trovato l’invasor…
Crédit photos : ©Netflix
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