Le nouveau Superman débarque avec son lot d’espoir et de couleurs à l’heure de grands conflits internationaux. Mais derrière l’optimisme de façade, Superman version Gunn a beaucoup de choses à dire sur notre monde actuel. La Critique

Ce mercredi est arrivé en salles la nouvelle itération de Superman sous l’égide de James Gunn. Un film qui détonne avec ce qu’on connaît des univers de super-héros récents, mais dans la lignée de la créativité débordante du réalisateur féru de comics.

Un retour pop haut en couleur, qui ne manque pas de rappeler les comics divers dédiés au personnage de 1933, qui fait du bien, avec un Superman fondamentalement bon, heureux, et gentil. Un super-héros qui sourit, même si derrière ce sourire se cachent quelques problématiques bien contemporaines.

Géopolitique pour les nuls

Superman se retrouve impliqué dans des conflits aux quatre coins de la planète et ses interventions en faveur de l’humanité commencent à susciter le doute. Percevant sa vulnérabilité, Lex Luthor, milliardaire de la tech et manipulateur de génie (tiens, ça nous rappelle quelqu’un tout ça…), en profite pour tenter de se débarrasser définitivement de l’Homme d’Acier.

Lois Lane, l’intrépide journaliste du Daily Planet, ainsi que beaucoup d’autres héros vont s’allier à lui pour défier les plans du milliardaire chauve, qui n’a plus de limite face à sa jalousie, et son envie de faire capituler le superhomme.

Foutoir organisé version Gunn

Amoureux des personnages et super-héros obscurs voire oubliés de l’univers DC, Gunn s’est littéralement fait plaisir en reprenant un Superman méconnu du grand public accompagné d’autres personnages que seuls les fans de comics reconnaîtront d’emblée. A commencer par le premier atout du film : à savoir Krypto, son super-chien indompable mais tellement attendrissant.

Un Superman qui n’est d’ailleurs pas le seul superhéros de son film solo, puisqu’introduit dès le début dans un monde où les méta-humains sont légion. Le résultat ? Un film très chargé, bourré de séquences de combats et de références pop-culture qui frise parfois l’indigestion, mais qu’on pardonne volontiers à Gunn, tant sa passion est communicative.

Une passion qui se voit à chaque acte du film, entre séquence comique ou d’émotion, pour un film de super-héros dopé à l’action et au VFX qui ne manque pas d’âme ni d’émotion.

Positif

Ce qu’on aime dans ce Superman, c’est son optimisme et ce retour aux valeurs bienveillantes du héros imaginé dans les années 30. Un héros humain, fondamentalement bon, produit d’une éducation simple et de parents aimants.

Un homme qui se bat pour les hommes, peu importe qui ils sont. Des valeurs positives loin des Superman plus récents, notamment celui de Zack Snyder, plus ancrés dans notre monde, réaliste, sombres et terre à terre pour un homme élevé au rang de messie.

Le meilleur des hommes ?

Mais attention, ne nous y trompons pas : derrière cette bienveillance colorée se cache une critique politique peu subtile. Quand Superman débarque dans des zones de conflit pour « sauver » des populations, on ne peut s’empêcher de penser aux interventions militaires américaines déguisées en missions humanitaires.

Cette image d’un Américain (même si alien) qui débarque partout dans le monde pour « rétablir l’ordre » selon sa propre vision du bien interroge, au-delà de l’ingérence de son antagoniste dans ces mêmes affaire politiques.

Dénonciation d’une élite dangereuse

Que dire de ce Lex Luthor, milliardaire de la tech qui manipule l’opinion publique contre Superman ? Difficile de ne pas y voir une allusion aux Musk, Bezos et autres magnats qui façonnent notre réalité via leurs plateformes. Luthor transforme la méfiance légitime envers un être tout-puissant en haine populiste à coup de fake news et de réseaux sociaux… On a déjà vu ça quelque part…

Le plus malin dans le film de Gunn, c’est qu’il pose la vraie question : que se passe-t-il quand un sauveur autoproclamé décide de ce qui est bon pour nous ? Même avec les meilleures intentions du monde (et Superman en a), cette figure aux super pouvoirs illimités qui impose sa vision reste problématique. Car qui décide de ce qui est juste ? Et selon quels critères ?

Une réalisation qui assume ses couleurs

Visuellement, Gunn nous livre du grand spectacle avec une direction artistique dans ce qu’il sait faire pour un film d’ensemble dans la veine des Gardiens de la Galaxie ou Suicide Squad. Fini le gris terne et les filtres sombres du Snyderverse, place à une palette colorée qui fait plaisir à l’œil et rappelle l’ADN du réalisateur mais surtout les comics du personnage.

Les séquences d’action sont chorégraphiées avec une fluidité remarquable, mêlant destruction spectaculaire et moments d’émotion pure. Le seul point faible : un peu de déjà vu (Mr Terrific et Yondu : même combat).

Gunn maîtrise parfaitement l’équilibre entre grand spectacle et intimité, séquences burlesques et légère autour des héros de la future Justice League et tension, passant des batailles épiques aux scènes de dialogue avec une aisance déconcertante.

DC et les VFX : Try Again

Seul bémol : les divers effets numériques encore perfectibles qui manquent de réalisme ou d’aboutissement, que ce soit dans les séquences d’actions ou certains plans grand angle.  Des défauts qui peuvent parfois nous sortir du film (certes, on parle d’un monde dans lequel le héros vole dans le ciel, a des yeux laser et porte une culotte rouge sur sa combinaison lycra bleu… mais quand même).

Des VFX symptomatique de l’univers DC, souvent alimentés par du Bullet Time (même si moins que Snyder) souvent bâclés ou mal gérés, surtout lors de séquences d’actions avec une multiplicité de plans rapides qui s’enchainent : on pense par exemple parmi tant d’autres au bébé Joey, qui aurait mérité un peu plus de réalisme, tout comme le Kaiju.

Un super-héroïsme qui fait du bien

Dans un monde coloré typique de ce qu’on connaît de l’univers Gunn, Superman essaie de trouver sa place face à ceux qui l’envient ou se méfient de ses actes profondément altruistes. Mais cette méfiance est-elle si irrationnelle ? Un être quasi-divin qui décide unilatéralement d’intervenir partout… est-ce possible dans un monde où la démocratie est à la base de ses institutions ?

James Gunn nous livre finalement un Superman plus complexe qu’il n’y paraît. Un héros plus léger mais qui ne manque pas d’offrir de la substance avec nuance. Mais un Superman qui va largement diviser puisque plus proche de son incarnation dans les comics que ce qu’on a pu voir au cinéma dans le monde des super-héros, qu’il soit DC ou Marvel.

Un retour au source qui ne manque pas de plaire cependant avec un optimiste en surface, mais qui interroge nos rapports au pouvoir, à l’autorité et à l’ingérence. Un film qui assume ses couleurs primaires tout en posant des questions bien grises sur notre époque.

Superman : Bande-annonce (VOST)

Crédit photos : © Warner Bros/DC Studios