Critique de la mini-série de Woody Allen, un beau raté d’Amazon, qui est loin de son potentiel ni même des codes de la Série-TV.
La frontière entre le cinéma et la télévision n’est plus. Pour preuve, même Woody Allen s’y met. Le réalisateur New-yorkais de renom a proposé sur Amazon sa première série originale : Crisis in Six Scenes. Une série produite et écrite par ce dernier aux allures assez décalées et rocambolesques qui peine à réussir à créer une œuvre cohérente mais surtout réussie.
Créée et réalisée par Woody Allen, Crisis in Six Scenes se déroule dans les années 60, durant une période turbulente aux Etats-Unis. La série suit un couple de deux intellectuels, Sidney et Kay Munsinger, l’un scénariste pour la publicité sur le point d’écrire son premier sitcom, l’autre conseillère maritale, dont la vie va être chamboulée avec l’arrivée d’un drôle de visiteur chez eux.
Ce visiteur n’est autre que Lennie (Miley Cyrus), une activiste violente recherchée par les fédéraux, à l’heure de grands bouleversements contestataires aux USA. Cette dernière va semer la zizanie chez les Munsinger, entre Sidney, paranoïaque de première, et Kay, aspirante rebelle vivant dans une banlieue conservatrice. Un petit monde bouleversé qui souhaite aussi bousculer les codes et l’ordre établi, le tout avant de terminer dans un brouhaha gigantesque, et un retour à la vie normale.
Trouble en banlieue New-Yorkaise et faux-activisme
On pensait que Crisis in Six Scenes serait un moyen pour Woody Allen de revenir aux sources de ce qui a fait son nom, aux psychodrames décalés qui étaient sa marque de fabrique dans les années 80 à aujourd’hui, comme dans Midnight in Paris ou Annie Hall. Le réalisateur et scénariste renoue ici avec un cinéma une intrigue historique, incapable de créer un œuvre pour son temps. Si au premier épisode, le spectateur reconnaîtra le style inimitable du maître Allen, au fil du visionnage de la « série », il déchantera, car l’écriture et l’évolution de l’intrigue ne se fait pas comme une série traditionnelle, mais surtout parce que la série n’exploite pas du tout son potentiel.
Crisis in Six Scenes aurait pu être une bonne série si Woody Allen ne sombrait pas dans les écueils de ce qu’il sait faire : à savoir jouer avec des personnages aux semblants intellectuels pour critiquer une certaine classe américaine et sa psychologie, avec dérision et humour noir. Ici, les personnages, au-delà d’être caricaturaux ou peu convaincants, ne sont pas du tout développés comme ils devraient l’être pour une série télévisée. Celui campé par Miley Cyrus est plus que désagréable, bien que l’actrice n’y soit pour rien.
Quand à Sidney, joué par Woody Allen en personne, au-delà d’être risible et classique de l’auteur, est surtout inintéressant et agaçant au bout de six épisodes. Un vieux shnok qui n’aime rien, ni le changement, ni personne, et qui vit dans son monde de scénariste écrivain looser, à la recherche de la notoriété alors qu’il a atteint un âge avancé. Un rôle qui ne semble pas être de composition pour Woody, comme un miroir de sa condition actuelle.
Pièce de théâtre, ou film en six actes ?
A l’heure de Transparent, Louie, Atlanta, Master of None, High Maintenance, et après des séries à l’humour noir et bourrées de second degré comme Curb your Enthusiasm (et le Cerveau en passe), Crisis in six scenes passe complètement à côté de son potentiel et de ses thèmes : comme la guerre du Vietnam ou les Civil Rights Movement, l’activisme grandissant des sixties et les grands bouleversements de la vie moderne.
Crisis in Six Scenes, qui n’est pas vraiment une série mais plutôt un film divisé en six parties, avec un début, un milieu et une fin, ne propose rien de transcendant dans cette ère où la frontière entre série et cinéma se fait de plus en plus fine. Si tous les cinéastes pensent qu’écrire une série est à la portée de tous, ce n’est clairement pas à la portée de Woody Allen, qui nous prouve qu’il ne connaît aucune règle d’écriture pour le petit-écran.
Crisis in Six Scenes se termine un peu à la manière d’une pièce de théâtre ou d’un film chorale. Une pièce qui aurait mieux fait d’être écrite au format d’un téléfilm ou long-métrage, permettant au réalisateur et scénariste de faire ce qu’il sait faire et non s’aventurer en terrain inconnu comme s’il en était capable. Ce n’est pas parce qu’Amazon donne carte-blanche que cela veut dire : « je fais ce que je veux avec mes codes et mes capacités en faisant fi de la norme, parce que la norme j’aime pas ça ».
Un nom ne fait pas tout
Le géant de l‘e-commerce qui s’installe comme un réel concurrent à Netflix prouve qu’à l’instar de ce dernier, Amazon mise sur tout ce qu’on lui propose et sans hésiter sur les grands noms du cinéma pour créer des produits d’appel pour de nouveaux abonnés ou clients.
Cependant avec celle-ci, Amazon, contrairement à Netflix qui commence à dessiner des enjeux sur plusieurs années, n’a clairement pas de stratégie en termes de production de séries, si ce n’est d’attirer des grands noms ou de miser sur des projets que d’autres ne veulent pas. Ce qui est bien dommage car un grand nom ne fait pas tout, et surtout pas de la grande télévision.
Crédits photos : ©Amazon
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