Lors du Festival International de la BD d’Angoulême 2017, le Cerveau est allé à la rencontre des enfants terribles du Label 619 responsables de Monkey Bizness, Pozla et ElDiablo.
Des Bandes Dessinées déjantées, avec un univers tordu et des personnages à la fois créatifs et complètement fous, il y en a. Mais il n’y a qu’un Monkey Bizness de Pozla et ElDiablo.
Si les aficionados du Label 619 connaissent bien cette série, bon nombres de lecteurs de Bande Dessinées se sont déjà régalés avec les aventures composées d’arnaques et de coups bas dans le milieu de la pègre animale aux côtés des deux protagonistes de Monkey Bizness, Jack Mandrill le babouin et Hammerfist le gorille. Alors que la race humaine s’est éteinte à force d’être trop stupide pour survivre, le monde animal à repris ses droits. Manque de pot, ils ne sont guère mieux que leur prédécesseurs. Ainsi, dans un néo Los Angeles déglingué où les échanges se font contre des bananes et de cacahuètes, la faim justifie tous les moyens.
Pour mener avec brio une pareille histoire, il fallait au moins le talent des deux auteurs Pozla, récompensé à Angoulême en 2016 pour Carnet de santé foireuse chez Delcourt, mais surtout connu pour son travail sur les Lascars ; et Eldiablo, également aux manettes sur Les Lascars, mais aussi connus pour sesBande Dessinées telle que Pizza Roadtrip. A eux deux, ils ont su concocter un univers décalé et loufoque jouissif que nous pourrons bientôt voir s’épanouir en vidéo, Monkey Bizness faisant l’objet d’une adaptation en série animée.
Chers lecteurs, laissez votre instinct animal reprendre le dessus et munissez-vous d’un bon milkshake à la banane : le Cerveau vous emmène dans l’univers post-apocalyptique animalier et trash de Monkey Bizness en compagnie de Pozla et ElDiablo !
S’il n’est plus nécessaire de vous présenter, pouvez-vous nous parler de votre parcours personnel?
Pozla : De mon côté, je suis toujours resté entre le monde de l’animation et celui de la Bande Dessinée. En anim, j’ai bossé sur les Lascars, Persepolis, le Chat du Rabbin, Ernest et Célestine… Mais j’ai toujours ressenti le besoin de faire de la Bande Dessinée en parallèle. Ce sont des domaines assez différents du point de vue de la création : la BD est beaucoup moins étriquée que l’animation. Quand tu travailles en équipe sur des productions animées, c’est toujours plus complexe d’être libre de tes mouvements. Pour moi, la BD répond à un besoin de liberté graphique et scénaristique.
ElDiablo : Bon, alors de mon côté, c’est très simple : j’ai jamais aimé bosser ! Ou, plus précisément, je ne fais que m’amuser. Je suis un peu un psychopathe là dessus… Pour moi, ce que je fais, ce n’est pas du “boulot”, c’est avant tout du plaisir. Quand je me suis lancé sur les Lascars ou les Kassos, c’était surtout parce que ça me plaisait de le faire, sinon, je n’y serais jamais allé. Je considère que pour toucher les gens, il faut avant tout que ça nous touche nous même. Je suis un jouisseur en fait. Personnellement, au niveau du parcours, je suis rentré aux Gobelins… et puis j’me suis fait viré. Ce qui ne les a pas empêché de me rappeler plus tard pour que je devienne prof. C’est à ce moment là que j’ai rencontré Pozla : j’étais son prof ! Depuis, on est devenu pote, et notre travail ensemble, avant d’être une collaboration, c’est du plaisir. En plus, ça marche, alors on n’est pas près de s’arrêter.
Pozla : Ouais, après moi j’ai l’impression de bosser quand même !
Lorsqu’on lit Monkey Bizness, une question vient rapidement à l’esprit : “Mais ils se dopent à quoi les auteurs?”, suivie bien entendu de la question : “Mais où est-ce que je peux pécho la même came?!”. Dites nous tout, quel est votre fournisseur?
Pozla : En fait, on prend rien… Si on prenait quoi que ce soit, ça partirai rapidement en couilles!
ElDiablo : Si Monkey Bizness semble aussi barré, c’est parce que pour nous, c’est un exutoire. On en a besoin ! Comme disait Pozla, lorsqu’on bosse en animation, on se sent rapidement étriqué, donc dès qu’on à l’occasion de faire un truc pour nous, on se lâche totalement.
Pozla : C’est ça, une convergence d’envies de se laisser aller !
ElDiablo : Après, sur la série animée de Monkey Bizness, on ne se retient pas pour autant. Le changement de média ne nous a pas enlevé l’envie de faire les choses à notre idée. Mais c’est certains que sans le succès de la BD avant, on n’aurait pas pu avoir la liberté qu’on a là. On avait besoin de faire nos preuves. Lorsqu’on se lance dans un projet de série, vu l’argent qu’il y a en jeu, le besoin d’une fan base solide n’est pas un luxe.
L’un comme l’autre, vous dessinez et scénarisez. Comment vous êtes-vous répartis les tâches sur Monkey Bizness, que ce soit sur la BD ou sur la série à venir?
ElDiablo : A la base, je m’occupe du scénario et Pozla du dessin. Mais, dans les fait, notre collaboration ressemble plus à une partie de ping-pong permanent où l’un est constamment la béquille de l’autre. Là encore, le fait qu’on y prenne du plaisir et qu’on soit amis avant tout nous permet d’avancer au mieux. Après, c’est vrai que si Pozla doute beaucoup, moi je suis un peu trop sur de moi… L’un dans l’autre, on s’équilibre assez bien !
Pozla : En fait, le fait d’interagir sur le travail l’un de l’autre, ça nous permet d’avoir plus de recul sur ce qu’on fait. De tirer le meilleur de chacun.
Qu’est-ce que ça vous fait d’arriver au terme de votre série de Bande Dessinée Monkey Bizness ?
Pozla : En soit, on n’en a pas encore fini avec Monkey Bizness avec la série qui arrive derrière. On est plus dans la continuité… Perso, quand j’ai terminé les dernières planches du dernier tome, j’ai voulu faire une sieste. Au final, j’ai reçu trois appels et j’ai pas fait ma sieste ! Pour le moment, on est ravi d’avoir terminé la trilogie. On laisse le temps au temps, ça nous fait une petite période de “calme”.
Est-ce que ça vous donne envie de vous lancer sur d’autres projets ensemble ?
ElDiablo : Ce qui est certain, c’est qu’on aimerait – et qu’on va – re-bosser ensemble. Sur la série, d’abord, mais ensuite peut-être sur un autre projet BD. On réfléchit notamment à un potentiel spin-off de Monkey Bizness, en restant sur le même univers tout en explorant de nouveaux personnages, de nouvelles situations. On est en discussion avec Fluide Glacial en ce moment, par exemple.
Pozla : Après, il faut se rendre à l’évidence : la BD, c’est pas viable financièrement à long terme. C’est peut être son seul défaut par rapport à l’animation.
En parlant d’animation, est-ce que vous pouvez nous parler de celle de Monkey Bizness ?
ElDiablo : On va suivre un peu les même choses que dans la Bande Dessinée. On a un peu écrit la série comme un album ½, avec un système de chapitrage. Pour la réalisation, Pozla est accompagné de Jack Antoine Charlot.
Pozla : Côté animation, il était hors de question pour nous de faire de la 2D classique, parce que ça aurait été forcément moins bon que la BD. Difficilement faisable, on serait arrivé à un résultat très aseptisé. C’est pour ça qu’on a eu l’idée d’avoir recours à un mélange entre des marionnettes 3D et des passages en 2D. C’est plus original et ça nous permet de faire autre chose de Monkey Bizness.
Vous avez des projets ensuite, en dehors de Monkey Bizness ?
Pozla et ElDiablo : Plein !
ElDiablo : Pour moi, le processus de création se divise en trois temps : ingestion, digestion, déjection. Alors ça sort, ça sort, ça sort … Bref, c’est les tripes qui parlent ! C’est comme une logorrhée sans fin, on ne s’arrête jamais de créer. Après, je switch de média en fonction de ce que j’ai envie de faire – rapport au plaisir, toujours – mais je suis toujours sur quelque chose.
Pozla : Pour ma part, je suis sur différentes choses. Je déteste de refaire un truc que j’ai déjà fait. Du coup, en ce moment, je suis en train de penser que j’aimerai bien me lancer sur un projet jeunesse. A côté de ça, je vais bien sur continuer de bosser sur la série ! Il y a beaucoup de travail à fournir dessus, de développement scénaristiques à faire. Mais comme ElDiablo, je pense qu’un travail sur une BD, ça part avant tout d’une rencontre. La BD, c’est vraiment un travail humain avant tout.
MONKEY BIZNESS TEASER
Crédits : Ankama
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