Retour sur une saison 10 en demi-teinte pour Doctor Who, entre twists capillotractés et fan service à outrance. L’ère Moffat arrive à sa fin, et ce n’est pas plus mal.
Hier soir, saison 10 de la plus vieille série de la BBC a fait ses au-revoir au peuple british avant le traditionnel épisode de Noël de Doctor Who. Un épisode sensé marquer le départ de Peter Capaldi, tout en explosion comme le laissait présager la bande annonce de ce dernier, et les évènements encourus dans l’épisode précédent.
Mais c’est sans compter sur les retournements (faciles, ou pas) du Showrunner de la série qui jusqu’à la fin jouera avec la franchise et ses codes pour son bon plaisir. Après avoir radicalement changé le ton et le fond de la série, la rendant beaucoup trop adulte et sérieuse parfois, voire faussement compliquée… Faisant même disparaître le tournevis sonique pendant une saison – marque de fabrique et code de la série originelle – et s’excusant de ses choix à coup de fan-service, histoire de ne pas trop s’attirer les foudres des fans. Voici que même la régénération ne se déroulera pas comme le veut les usages et la tradition Doctor Who.
Bilan numéro 10
Avant d’attaquer le gros du sujet, à savoir le – pseudo- départ de Capaldi, retour sur une saison qui propose un peu de fraîcheur. Fraicheur apportée par la nouveauté de Nardole aux côtés du Docteur, un personnage drôle au caractère bien trempé et empoté, mais surtout de Bill Potts, véritable tourbillon de positivité et joie de vivre, tout en émotion.
Comme si Steven Moffat cherchait à effacer tout ce qui le caractérisait, ou peut-être le cœur n’y étant pas puisque dernière saison, ces nouveaux épisodes de Doctor Who proposent moins d’effets spéciaux surdosés, pour des intrigues inédites plus ou moins recherchées et intéressantes. On pense à Smile, Thin Ice ou Oxygen par exemple, qui renouent avec une image et un ton proche de la saison 5. Mais aussi le duo d’épisodes The Pyramid at the end of the world ou The land of The Lie, qui, à sa propre manière adresse subtilement un message sur les fake-news et ce que peut être un régime totalitaire.
Almost back to the basics
Et même si certains épisodes peuvent paraître peu recherchés ou aboutis, on apprécie ce retour à la simplicité qui valorise l’émotion et la comédie. Car ne l’oublions pas Doctor Who, la nouvelle série de 2005, a réussi à fédérer bon nombre de spectateurs de par le monde pour son émotion, avant sa réalisation dopée visuellement, à l’ère Moffat.
Ce qui nous avait séduit étaient ses personnages attachants et ses intrigues profondes face à des monstres en « papier-mâché ». Cette nouvelle saison propose dans bon nombre d’épisodes ce style un peu oublié, des grands jours de la série avec Tennant, ou la première saison de Matt Smith. Moins de complications et d’intrigues alambiquées bazardées par des faux twists et plus d’histoires simples mais qui fonctionnent tout en restant divertissantes.
De quoi conclure le voyage de Capaldi sur une note bien plus positive que la saison précédente, qui pour beaucoup fait office d’hérésie. Même sa musique retrouve un semblant orchestral, loin des thèmes mécaniques pour Capaldi, et offre son lot d’émotions auditives à des scènes tout aussi émouvantes.
Fun Pearl
Cette saison, on a l’impression que le Docteur passe en second rôle face au personnage de Bill auquel le spectateur adhère sans réserve. La jeune femme est un véritable tourbillon de fraîcheur, entre sa découverte de l’univers avec des yeux d’enfants, et sa remise en question assez régulière des choix et décision du Docteur. Radicalement différente de Clara, Bill est un personnage entre élève et aventurière, un peu comme Donna, qui n’hésite pas à s’exprimer quand il le faut, toujours avec bienveillance.
Mais là où Moffat se perd sur la construction du personnage, se voit sur les derniers épisodes : une fois de plus le showrunner de la série propose quelque chose de radical pour la sortie de cette dernière de l’aventure Doctor Who sans pour autant aller jusqu’au bout (un peu comme Clara qui meurt, mais qui en vrai ne meurt pas parce que bon la Mort c’est nul et c’est pas pour les amis du Docteur, même quand c’est inévitable. Voilà voilà).
Fan service superstar
Cette saison, comme il est devenu coutume avec le showrunner depuis sa nomination à la tête de la série, et encore plus depuis le 50ème anniversaire, le fan-service est à son apogée jusqu’au final de saison. Un final qui offre un bel étalage de fan-service en termes de nostalgie et de facilité, pour faire plaisir aux fans de la première heure, et ceux qui ont connu la série originelle. On fait constamment référence aux épisodes et monstres passés, et, rare fois où les cybermen ou daleks ne sont pas de la partie, on ressort des vieux monstres d’antan : comme la Reine Ice Warrior, inventée en 1967, dans l’épisode The Empress of Mars.
On passe trop de temps à nous réexpliquer la mythologie de la série, le Tardis, ce que c’est, les enjeux des aventures du Docteur, et qui est le Docteur, sa fonction dans l’univers…. Comme si l’on tentait de faire du remplissage avec l’excuse de l’arrivée d’une nouvelle aventurière aux côtés du Docteur.
On essaie aussi tant bien que mal de créer du mystère avec la chambre forte et son mystérieux prisonnier, qu’on comprend très vite être Missy d’ailleurs, et qui, après tout le développement dédié à la rédemption du personnage, périt sans y arriver…. Comme qui dirait : « Tout ça pour ça ! Su-Per ». Si Missy est toujours un retour bienheureux, et Michelle Gomez toujours aussi énorme dans la peau de cette psychopathe, Moffat aurait pu éviter d’en rajouter une couche avec son double du passé, en la personne de John Simms, en pleine figuration plus qu’autre chose dans ces deux épisodes.
Maître du passé
L’avant dernier épisode, quant à lui, avec cette histoire de temps qui passe et des débuts des cybermen, aurait pu être un bel au revoir pour Capaldi, à hauteur du Seigneur du Temps mais aussi de l’acteur de renom, capable du meilleur à l’écran, comme du moins bien selon la direction de Moffat. Dans ces deux derniers épisodes, priorité au fan-service et à l’ellipse, histoire de ne pas trop se fouler pour finir sur un faux twist, bien énervant d’ailleurs. Comme si Moffat voulait prouver qu’il était le Maître jusqu’au bout de « sa » série.
Alors que le secret n’avait pas été gardé, l’arrivée de John Simms, alias le Maitre, alias « caution-fan-service-pour-faire-kiffer-les-fans », arrive comme un cheveu sur la soupe, après un long passage déguisé (où l’on devine un peu que c’est lui quand même). Si les séquences dans l’hôpital Mondasian, dans lequel Bill découvre les origines des cybermen et son état avaient un côté intéressant, avec un style visuel proche des saisons 4 et 5, le fond, lui, est très décevant malgré le twist.
Faux adieux
Bill et sa transformation en cyberwoman (oui on accorde tout chez brain damaged, même les monstres) aurait pu proposer un véritable questionnement sur l’humanité et peut-être une lueur d’espoir en ce qui concerne cette nouvelle race. Dans ce final bien au contraire, pourquoi se concentrer sur Bill quand l’intérêt du scénariste est de jouer avec le spectateur qui attend une régénération en fin d’épisode ?
Bill devient un side-kick inutile dans le final, qui ne fait que résoudre les rares impasses que le docteur, agonisant, ne peut régler. Mais surtout au lieu de la laisser mourir ou se sacrifier (comme le docteur aime se sacrifier) pour offrir au personnage une fin digne de ce nom, on fait revenir le monstre/copine du premier épisode de saison pour lui créer un au revoir mielleux digne d’un téléfilm de l’après-midi de M6, et on s’en sert aussi pour remettre avec une facilité déconcertante le Docteur dans son Tardis. Sacré WTF elliptique : parce qu’elle pleure, sa copine aquagalactique (ami du néologisme, celui-ci est pour vous), la change en eau et pouf « elles vécurent heureuses et amoureuses dans l’espace »… What The..F…. ? N’est-ce pas ?
Quant au Docteur et ses adieux : il n’y en aura pas. Comme les rumeurs le suggéraient, point de régénération : le Docteur est bien agonisant, mais refuse de se regénérer… PARCE QUE. Et le peu de régénération qui se lance est un condensé de tous les derniers mots des précédents Docteur comme le célèbre « I don’t wanna go » de Ten, ou le « No No No No No ». Pourquoi créer une réplique unique quand on peut s’amuser à reprendre celles qui ont touchées les spectateurs avant ?….
Jusqu’au bout Moffat aimera jouer avec les codes de la série, au point de détruire tous ses fondements. Surtout que cela fait un an que tout le monde attend la révélation du visage du successeur de Capaldi, grand évènement dans la série mais aussi dans la culture britannique, qui n’arrivera donc pas avant Noël. Si vous avez le sentiment d’une arnaque là maintenant tout de suite, c’est normal.
Bis-repetita… again
Là où ce dernier arrive à faire pire, c’est en introduisant David Bradley, remplaçant William Hartnell (décédé en 1975) dans la peau du premier Docteur. Ainsi le 12ème Docteur (ou 13 c’est comme on veut, enfin pas vraiment… Et puis Zut posez la question à Moffat parce que c’est le bord**!) est face à sa première incarnation alors qu’il doit partir. Non seulement son arrivée est juste incongrue, mais surtout… Ne vous rappelle-t-elle rien ? Cette séquence est juste quasi similaire à la fin de la saison 7 avec John Hurt, qui se révèle en Docteur. Le recyclage et Moffat, une grande histoire…
Pour conclure ce bilan, le Cerveau dira qu’il est vraiment temps que le relais passe dans les mains de Chris Chibnall qui va avoir beaucoup à faire pour rattraper les libertés et arrangements que Steven Moffat s’est permis avec Doctor Who, comme si elle était « sa » série.
En espérant que l’épisode de Noël ne propose pas encore des ressorts et twist faciles ou « n’importe-quoi » notamment avec cette rencontre entre le premier et dernier docteur en date, un peu comme le soufflé retombé du « choc » Missy-Le Maître. Plus que 6 mois à attendre avant le véritable renouveau. Il tarde au Cerveau de tourner la page de cette ère qui aurait presque pu détruire une aussi belle série de science-fiction.
Crédit photos : ©BBC
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