Le Fan : « Admirateur enthousiaste, passionné de quelqu’un ou de quelque chose » ou « si j’existe, c’est d’être fan, je suis fan » pour ceux qui préfèrent la définition de ce poète philosophe Grand Sage des temps modernes à la définition concise du Larousse.
Je suis fan, je vis ma passion et j’ai beaucoup de chance de vivre de ma passion. Au moment où j’écris ces lignes, je porte un t-shirt « Dunder Mifflin Paper Company » et j’écoute la BO de Misfits. Au boulot, chez moi, je revendique haut et fort ma « positive fanattitude », sans honte, sans complexe, en totale osmose avec la réalité.
Être fan m’a permis d’élargir mes horizons, de faire des rencontres insoupçonnées avec des gens de milieux, de classes et de pays différents. Des gens avec qui, de prime abord, je n’avais rien en commun et pourtant une simple référence à Doctor Who ou Kaamelott lâchée dans une phrase nous a réuni, nous a fait discuter, débattre, rire et au final a forgé des liens d’amitié solides et durables.
Malheureusement, dans mes nombreuses balades sur le net et autres rencontres (festival, convention, métro : grâce à mon super sac Doctor Who), j’ai pu constater avec effroi que pour une petite poignée de fans, les limites entre une admiration saine et une idolâtrie aveuglement obsessionnelle se brouillent facilement. Ces gens là sont ce qu’on appelle communément dans le jargon des communautés internet les fans « Hardcore ». Prenons le temps de comprendre comment évolue le fan Hardcore au milieu de ses congénères et surtout sa passion à travers une étude comportementale réalisée sans trucage et uniquement basée sur mon expérience à travers diverses inscriptions sur forum et autres conglomérats virtuels de fans.
Une sacralisation de l’œuvre et de l’acteur
Pour le fan Hardcore, l’acteur n’est plus un être humain avec ses humeurs, ses qualités et ses défauts, sa mauvaise haleine du matin et sa gastro hivernale. Tutututut. Il est beau naturellement et sans artifice (la maquilleuse n’est qu’un emploi fictif, Photoshop n’existe pas), trop intelligent et cultivé –« Whaaaaa, il a cité Shakespeare. Trop intello le type, je craque ! »-, généreux –« OMG, il a fait don à une oeuvre de charité ! T’as vu comment qu’il est généreux ! »– et trop trop cool –« Il a acheté une lampe chez IKEA, trop génial, y a un IKEA à 300 km de chez moi, je vais y aller pour voir la lampe en vrai et acheter la même ! ». Un véritable cadeau des Dieux bien mieux que les Ferrero Rocher d’or, nous ne méritons pas de respirer le même air que lui, pauvres mortels que nous sommes ! D’ailleurs, chaque action de l’Idole nourrira la passion du fan Hardcore bien plus qu’une tartiflette.
- Elle porte un poncho miteux et horrible façon « Le Père Noel est une ordure » ? Ce vêtement sera désormais considéré comme le paroxysme du style et ne sera abandonné que lorsque l’Idole le lâchera.
- Elle mange des algues tièdes ? Pas grave si le fan Hardcore habite à 500 km de la mer, il ira prendre l’herbe de son jardin : ce sera le meilleur repas de sa vie.
- Critiquer un film ou un épisode de façon constructive et objective ou pire, exprimer un avis négatif sera la meilleure façon d’obtenir un ticket VIP aux première loges du bûcher.
Appropriation : Danger !
Dans son monde de Bisounours, le fan Hardcore vivra dans ce doux fantasme, dans l’idée totalement logique (enfin, pour lui) qu’il connait son Idole sur le bout des doigts, qu’il la comprend et que finalement, ils iraient bien ensemble ! Vivement les dimanches midi à manger le poulet avec papa-maman, les balades à la plage avec le labrador et le gilet autour des épaules. Le parfait amour quoi, comme celui de l’après-midi sur M6.
Et un jour, une terrible nouvelle tombe et perce la bubulle rose : l’Idole a une moitié. Effondrement total. Mais comment a-t-elle osé ? Le monde du fan Hardcore s’effondre sous la lave de cette découverte comparable à la chute de Rome, ou l’explosion du volcan islandais dont personne ne connait le nom ou du moins sait l’écrire ou le prononcer correctement. Que va-t-il faire de tous les faire-parts déjà imprimés ? Déchéance, sentiment de trahison, tristesse extrême et dépression clinique. Le seul réconfort du fan Hardcore sera d’aller rejoindre tous ses semblables sur son forum favori et de lyncher publiquement cette nouvelle moitié qui « sert à rien » et est « grave trop moche ». « Vivement la séparation » deviendra le nouveau mantra de ce dernier.
Business is not business
« J’ai vu Matt Smith au Comic Con, il répondait aux questions et signait des autographes. Il est vraiment trop sympa et accessible ce mec, je l’adore graaaaaaave !!! »
Oui, c’est vrai…Et en même temps…FAUX. C’est un mec payé pour bien faire son boulot, nuance. Loin de là l’idée de dire qu’il n’y prend pas du plaisir. Bon nombre d’acteurs d’ailleurs déclarent adorer participer au Comic Con et autres conventions, la plupart s’y amusent vraiment comme des petits fous mais n’oublions pas qu’ils y figurent d’abord pour promouvoir un produit, le vendre au maximum et faire de la com’.
Mais non, pour le fan Hardcore avec ses petites oeillères de passionné, l’acteur y sera et sourira parce qu’il les aime vraiment de tout son coeur (ou de ses 2 coeurs, s’il s’agit de Matt Smith)…
Être fan, ca vaut tout l’or du monde
On continue dans l’excès avec ces fans qui se saignent jusqu’à la dernière goutte pour offrir un cadeau démesuré à leurs idoles. Hein ? Quoi ? Pourquoi ce serait aux fans de remercier les acteurs, les scénaristes avec des cadeaux qui seront jetés dans une pile avec tous les autres ? Ce que je veux dire, si les séries sont renouvelées d’années en années, c’est parce que le fan est assidu derrière son écran, fait monter l’audience et engendre pas mal d’argent, argent qui leur permet de ne pas se désintéresser du produit dans lequel ils jouent.
Donc si un acteur gagne en un jour ce que le petit peuple ne gagne pas en trois ans plus bonus et a du boulot les 2 années à venir, c’est un peu grâce à nous. Si on suit cette logique, ne serait-ce pas plutôt à eux d’être reconnaissant et nous faire des cadeaux (Matt Smith si tu m’écoutes j’aime bien le chocolat et les chaussures chez ASOS, pointure 38.5, merci bien) ?
Club Med
Dernièrement sur un forum de fans, je suis tombée sur une organisation de voyage bien particulière. Et assez flippante, en fait. Non pas pour aller à une convention, ou voir une pièce de théâtre dans laquelle joue leur idole, ce serait trop mondain, trop basique, pas assez Hardcore. Mais bien un périple pour aller observer de loin le tournage d’un film avec leur « chouchou trop beau, trop mignon qui est trop génial d’intelligence » et qu’il faut « absolument se trouver dans le même hôtel que lui, ce sera trop cool !!! »…
Tant pis si pendant deux mois, le menu du matin sera pain sec avec du sel pour donner l’illusion du jambon, celui de midi et soir se résumera à des pâtes au beurre accompagnées d’une grande carafe d’eau du robinet. Pas grave si on doit porter 2 pulls en plus pour faire des économies de chauffage et d’électricité parce qu’on se rend compte qu’on a plus assez de thunes pour payer les factures et vivre de façon décente. Après tout, qu’est ce que le confort de vie quand on a eu la chance d’apercevoir celui ou celle à qui on voue un culte sans limite à 500 mètres de nous et pendant au moins 5 secondes ?
Ah c’est beau le fanatisme, ça change une vie….
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