Réalisateur : Gareth Edwards
Acteurs : Aaron Taylor-Johnson, Bryan Cranston, Elizabeth Olsen, Juliette Binoche
Genre : Action / Science-fiction
Durée : 2h30
Distributeur : Warner Bros.
Année de production : 2014
Sortie en salle le 14 mai 2014
Le réalisateur Gareth Edwards s’empare du mythe de Godzilla et l’actualise dans une vision symbolique de la relation entre l’Homme et la Nature.
Tout le monde connait Godzilla. Son origine, ses films, ses ennemis et les inspirations qui en ont découlé. Naissant d’une catastrophe nucléaire sans précédent, le lézard géant a passé les 20 dernières années à ravager les grandes mégalopoles de la planète sans jamais penser à nettoyer derrière lui. Fable anti-nucléaire en réaction aux terribles événements d’Hiroshima et Nagasaki, le célèbre Kaiju avait nettement perdu de sa superbe quand les studios Toho à l’origine du monstre ont commencé à le faire combattre contre tout et n’importe quoi avec des effets spéciaux à la Be Kind Rewind. Sans parler de la version américaine de 1998 avec Jean Reno en bidasse insupportable. La lourde mission de Gareth Edwards, réalisateur n’ayant qu’un film à son actif pour l’instant (Monsters), était donc de redonner de la superbe à ce sublime monstre. Entre hommage et actualisation, le résultat est plutôt une réussite.
Family affair
Joe Brody (Bryan Cranston) travaille dans une centrale nucléaire au Japon en tant qu’ingénieur. Un matin, il est préoccupé par d’étranges relevés sismique et demande à ce que le réacteur soit arrêté, ne serait-ce que par précaution. Alors même qu’il n’a pu terminé sa phrase, toute la centrale s’éteint. Sa femme, Sandra (Juliette Binoche) court vérifier si le réacteur et intact sauf qu’une brèche est détectée. Joe est donc contraint de sceller le sas de confinement, condamnant à contre-coeur la femme qu’il aime à agoniser dans d’atroces souffrances radioactives.
15 ans plus tard alors que la ville a été entièrement mise en quarantaine, Joe y retourne pour découvrir la vérité. Son fils Ford (Aaron Taylor-Johnson) désormais adulte, va tenter de lui faire entendre raison mais l’ancien ingénieur est persuadé que tout n’a pas été dit autour de cet événement et compte bien découvrir la vérité et à cause de qui ou quoi Sandra est morte…
Ma famille d’abord
Pardon ? Aucune mention quelconque d’un lézard géant dans le synopsis ? Etrange… Pourtant sur l’affiche il y marqué en gros Godzilla avec la silhouette du monstre en fond. Rassurez-vous chers Hannibal Lecteurs, le cousin rageux de Casimir est bel et bien de la partie. Et il fait tout ce qu’il sait faire de mieux : agrougrou je détruis des immeubles, agrougrou je démembre du vilain kaiju. Mais on y reviendra plus tard.
L’important dans le film de Gareth Edwards et ce qu’il a su brillamment mettre en scène, c’est l’aventure à l’échelle humaine. Contrairement à la majorité des films catastrophes où une famille est éparpillée aux 4 coins du globe à cause de [placer ici un cataclysme lambda lié à la vanité humaine], Godzilla ne met clairement pas en scène des héros. Joe est devenu monomaniaque depuis l’incident à la centrale et vire conspirationniste et va même jusqu’à se fritter contre les autorités pour découvrir la vérité. Et non pas parce qu’il veut avoir raison ou parce qu’il veut voir un gros monstre. Il le fait pour comprendre la disparition de sa femme, pour sa mémoire et enfin en faire le deuil. Ford quant à lui a désormais une famille qu’il veut protéger, d’où le fait qu’il tente de ramener son père dans le droit chemin. Vous l’aurez compris, il ne s’agit pas ici de sauver le monde d’une menace planétaire (enfin si, mais c’est pas le plus important) mais d’un drame familial dont la symbolique va prendre des dimensions… Gargantuesques.
Voici venu le temps…
Bon et alors le gros lézard ? C’est quoi son rôle dans tout ça ? A première vue, il est là pour rééquilibrer l’ordre naturel en bottant le train de 2 vilaines bébêtes (les MUTO), monstres préhistoriques se nourrissant de l’énergie nucléaire et cherchant à se retrouver pour faire des bébés. Enfin ça, c’est la théorie de Ichiro Serizawa (Ken Watanabe), expert de l’organisation Monarch qui traque les bébêtes depuis les années 50. Théorie qui, dans un schéma de film catastrophe classique, serait mise à mal par la vilaine armée qui veut juste faire panpan boumboum sur la menace, qu’il s’agisse d’extra-terrestres ou de cyclones. Hé bien là non, point de manichéisme militaire. Enfin jusqu’à un certain point où, désespéré , le général en charge du dossier décide d’appâter les MUTO au large de la Californie avec une grosse bombe nucléaire avant de tout faire péter. Ce à quoi Serizawa s’opposera franchement en demandant de laisser Godzilla se charger de l’affaire. Le général admettra très vite son erreur et tentera de rectifier le tir. Mais trop tard la bombe est armée et en chemin.
L’Echelle de Gareth
Vous voyez le motif maintenant ? 2 conflits à 2 échelles différentes : Godzilla contre les MUTO nucléaires et les humains contre leur propre bombe. De là à dire qu’il s’agit des mêmes enjeux avec 150 mètres de différence, il n’y a qu’un pas. Ford, protagoniste principal de ce conte anti-nucléaire, a perdu ses deux parents à cause de la centrale / des MUTO. Sa rage et son engagement contre les bestioles ne seront égalés que par la violence dont fait preuve Godzilla dans ses combats. L’intégralité de son voyage pour désamorcer la bombe (oui parce qu’il est démineur dans l’armée. Le hasard fait bien les choses.) et suivi en parallèle par la traque du gros lézard.
Et c’est là que le film de Gareth prend toute sa dimension. Il ne s’agit pas QUE d’un drame familial ni QUE d’un film de monstres. Godzilla n’est plus la peur du nucléaire d’antan, mais au contraire son dépassement. Si la logique du film suit celle de Serizawa, Godzilla/Ford (qui est ici monsieur tout le monde) marque la fin de l’ère du nucléaire pour passer à autre chose. Quoi que l’on fasse, le nucléaire viendra à disparaître naturellement si tout le monde met autant de rage monstrueuse que Ford dans sa quête pour protéger sa famille, ou plus simplement le futur.
Magnifique réinterprétation du mythe de Godzilla, bien plus qu’un simple divertissement, le film de Gareth Edwards est une ode à la famille, au futur, à la nature humaine qui n’est pas si noire que ça et surtout à la filmographie de Spielberg, autant dans son traitement que dans ses thématiques. Un film qui ravira autant les fans de la première heure que les nouveaux venus. Les cyniques trouveront toujours quelque chose à redire sur les rares facilités de scénario ici et là, mais on les pardonnera vite. Parce que l’Homme peut se tromper.
Godzilla : Bande annonce
Crédits : ©Warner Bros.
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