Réalisation : Lana Wachowski
Casting : Keanu Reeves, Carrie-Anne Moss, Yahya Abdul Mateen II, Jessica Henwick, Neil Patrick Harris
Genre : Science Fiction, Fantastique, Aventure
Titre Original : Matrix Resurection
Durée : 2h28
Pays : Etats-Unis
Année de Production : 2021
Distribution : Warner Bros
Sortie en salle le 22 décembre 2021
Découvrez l’avis du Cerveau pour le retour de Néo et Trinity dans la Matrice pour la quatrième fois depuis 1998. Un Cerveau conquis pour un retour réussi avec Matrix Resurrections
C’est peut-être le film qu’on n’aurait jamais cru voir : un quatrième volet de la trilogie culte Matrix. Un volet inédit, actuel et moderne, signé Lana Wachowski sans sa sœur Lilly, alors que ces dernières avaient juré ne jamais revenir sur ce qu’elles avaient créée il y a 24 ans.
Et pourtant, ce 22 décembre, Matrix revient d’entre les morts, comme son titre le suggère : Matrix Resurrections. Une véritable renaissance inattendue, qu’on pourrait redouter à l’heure du tout reboot et de la franchise à foison.
Une renaissance 17 ans après Matrix Révolutions, conclusion de la saga. Deux décennies après le missile Matrix en 1999, que personne n’a pu éviter tel un agent de la Matrice, cette nouvelle itération du monde irréel imaginé par l’esprit de deux jeunes cinéastes, est peut-être l’exception à la règle de l’over-franchise.
Wake up Neo
Un retour dans la Matrice, qui l’aurait cru ? Souvenez-vous, il y a 17 ans, on quittait Néo et son monde après son sacrifice qui permettra une vie en symbiose entre humains et machines. Ceux qui souhaitent se libérer de leur contrôle pourront quitter ce monde virtuel, Zion, quant à elle, était sauve.
Nous voici des années plus tard, 60 ans après, dans ce monde mis à jour, coloré et moderne. Un monde dans lequel Néo existe, mais loin de Trinity, loin de son petit job de programmateur, et loin de ses potos en simili cuir.
Un monde qui le rend un peu dépressif, car oui, ce dernier ne va pas très bien. Angoissé et solitaire, Néo – ou Thomas Anderson c’est comme on veut – a du mal à faire la différence entre ce qu’il ressent et ce qu’il voit. Entre le réel et l’irréel. Il a même un thérapeute pour l’aider à supporter sa vie à coup de cachetons. Les fameuses petites pilules bleues. Mais très vite, son passé va le rattraper.
Rewind
Dès la première note de la mélodie d’ouverture de Matrix Resurrections, on sait qu’on va retrouver un monde que l’on connait. Un retour dans un monde familier, qui va nous proposer une nouvelle réflexion sur cet univers, au-delà de ce qu’on a pu voir.
Si les notions inhérentes à l’univers Matrix sont de retour, comme le réveil de l’esprit, le refus du contrôle et de l’asservissement, le rejet du conformisme social, ou la réflexion sur ce qui détermine un être vivant et de conscience, le rapport au réel et à l’irréel, ce nouveau film nous propose cette fois-ci de réfléchir sur notre rapport à l’autre, les connexions de l’âme et le pouvoir des sentiments.
Meta
Une grosse partie du film se joue du réel ainsi que de son passé, entre humour, satire, dérision et nostalgie assumée, dans une mise en abime intelligente et recherchée. Un film meta, tant dans son architecture narrative que visuelle. Certains plans nous rappellerons, de manière assumée, le premier Matrix, quand d’autres pousseront certaines prouesses techniques à leur paroxysme tout en s’en moquant.
Car oui, le film, au-delà de jouer du sentiment « madeleine de Proust », s’amuse à reprendre des effets ou des chorégraphies de corps à corps, pour mieux les déconstruire ou réimaginer. La réinvention étant le maitre mot de cette nouvelle intrigue, loin de la revisite simple.
Montage nerveux et innovant
Ainsi, le montage, un peu à l’image de celui de Cloud Atlas ou de Sense8, dans ses échanges de visages, ou de scènes surprises en pleine action, ses splits de corps et ses bastons chorégraphiées, s’amuse avec la notion visuelle de réel et d’irréel. Car oui, désormais sans filtre vert, la réalisatrice s’amuse d’échos visuels, comme elle sait si bien le faire, tout en réinventant la gestion du cadre de certaines images dans des séquences d’action assez bluffantes.
Un jeu visuel souvent énergique et nerveux, notamment dans ses nouvelles séquences d’actions poussées bloc, empruntant autant à son univers originel qu’au cinéma dans son sens le plus large.
Mention spéciale à la séquence très « Nuit des morts vivants » d’une grande inventivité, tant narrative que visuelle, comme jamais vu dans l’univers de Matrix. Car oui, qui dit Matrix dit univers référencé. Le premier film était lui-même un véritable trésor de références, celui-ci ne déroge pas à la règle.
Update…
Si Matrix est une franchise culte, elle n’est pas exempte de défauts. Des défauts notamment dans ses suites, Reloaded et particulièrement Revolution. Défauts qui sont même devenus de véritables concepts ou tropes d’écriture scénaristique, comme le Syndrome Trinity.
Ce retour d’entre les morts, au-delà d’offrir aux spectateurs une suite inédite et une nouvelle réflexion sur le monde de la Matrice et son rapport à la réalité, ou le sens de notre existence entre destinée ou fatalité et libre-arbitre, propose beaucoup de corrections des erreurs et faiblesses des Matrix précédents.
… et Correctifs
A commencer par la résurrection de Néo, à référence biblique, ainsi que son rapport à l’héroïsme, son statut de sauveur et son héritage messianique. Dans Matrix Resurrections, son retour, contrairement à ce qu’on aurait pu imaginer, est moins spectaculaire, loin du prophète sauveur réincarné. Première surprise.
Quant aux nouveaux visages, interprétés par Neil Patrick Harris, en passant par Jonathan Groff, Jessica Henwick, ou Yahya Abdul-Mateen II en Morpheus décontracté (vous comprendrez), chacun de ces personnages s’imbriquent dans ce monde avec beaucoup d’aisance et de justesse, comme s’ils avaient toujours existé, pour même parfois voler la vedette à l’Elu.
Bye Trinity Syndrome
Matrix Resurrections corrige même le plus grand problème d’un point de vue féministe de la précédente trilogie : à savoir le Syndrome Trinity. Pour les méconnaisseurs, même si l’on peut deviner plus ou moins le concept, le Syndrome Trinity peut se résumer ainsi : il consiste à introduire un (ou des) personnage(s) féminin(s) particulièrement compétent(s) et intéressant(s), pour finalement le(s) réduire à la fonction de bras droit du héros masculin ou servir ses enjeux. Un peu comme Trinity, dans les Matrix.
20 ans plus tard, Lana prend le temps de déconstruire complètement ce qu’on attend de son personnage féminin principal, loin de ce syndrome. Elle pousse même les choses plus loin. Le Cerveau n’en dira pas plus pour vous garder la surprise, mais le film joue brillamment avec le trope de la demoiselle en détresse pour mieux le casser. Sans spoiler, Trinity est au centre de ce nouvel opus, mais loin de ce que la bande-annonce suggère. Une correction bienvenue, pour un film qui célèbre le pouvoir féminin une bonne fois pour toute.
New patch : Déconstruire pour mieux recréer
La plus grande force de Matrix Resurrections réside dans sa capacité à démanteler toute sa mythologie pour mieux la récréer, sans pour autant la spolier grâce à sa Meta-textualité, pour jouer avec l’intrigue originelle, un poil trop complexe parfois pour certains.
Une réinvention peut-être moins spectaculaire en scènes d’action, ici plus éparses, pour mieux dénuder le concept « Matrix » et l’amener vers l’essentiel. Un essentiel qu’on retrouve dans les dernières œuvres de Lana, de Cloud Atlas à Sense8, nourri par une mise en avant de ce qui résume notre humanité : la capacité de sentir et ressentir.
Une mise à nue qui renoue avec des thèmes chers à la réalisatrice, qui a travaillé à nouveau avec ceux qui partagent cet amour de l’émotion : de Tom Twycker à la musique (mêlant mélodies des oeuvres citées plus haut à celles de Matrix), en passant par David Mitchell et Alexander Hamon au scénario. On retrouvera même des visages connus de la série de Netflix au casting du film.
Multi-genre toujours
Une réunion de techniciens pour mieux créer une œuvre multi-genre, qui jouent avec les tons de l’intrigue et mettent en avant ce qui les importe le plus : célébrer l’amour et les sentiments. Ce lien indescriptible, intarissable et particulier, symbolisé par le retour de Neo et Trinity, mais aussi chez les machines.
On parle même d’union et de symbiose, peu importe son statut d’Homme ou de Machine. Un thème symbolique en filigrane de la trilogie, amené ici au cœur des enjeux. Une union nécessaire, au-delà de la différence, contre ce qui nous contrôle.
Symbolique
A l’heure des extrêmes et de l’ultra division, que ce soit en société ou en virtuel sur les réseaux sociaux, Matrix nous appelle une fois de plus à repousser l’ordre établi et le conformisme, à l’union au delà des différences, tout en célébrant l’émotion.
Si elle s’amuse dans le premier quart du film à jouer des divers messages et interprétations de la saga Matrix – à puncher gentiment et ironiquement Hollywood et sa fabrique à blockbusters, ses contraintes et son marketing – elle nous rappelle l’essence même de ses oeuvres : à savoir la célébration de l’humanité dans ce qu’elle a de plus beau.
Et c’est ce qu’on aime ! Matrix n’est plus simplement une franchise qui fait réfléchir, elle est devenue une franchise qui parle à l’âme. Qui émeut, certes pour sa nostalgie, mais aussi pour ce qu’elle exprime de profond sur nous. Elle est à l’image de sa créatrice. Une œuvre humaniste et profonde, qui vous transporte et vous habite bien après son visionnage.
Une exception au temps de la franchise à gogo
Lana Wachowski nous offre non seulement de l’action et une histoire qui a du sens, mais surtout beaucoup d’âme et d’émotion, en cohérence avec ce qu’elle aime raconter qui nous définit et unit depuis la nuit des temps. Une exception dans la marée des films à franchises, notamment de super-héros.
Et même si l’on sait que cette nouvelle itération de la Matrice divisera ses spectateurs, comme toutes les œuvres de la réalisatrice, elle aura le don d’engager ces derniers dans une discussion. Un débat, qu’on ait adhéré ou non à cette nouvelle intrigue, apprécié ses couleurs, ses enjeux, ses thématiques…
Il y aura les conquis et les déçus, les amusés ou les désintéressés, c’est certain. Et c’est là qu’on sait qu’un film a réussi son objectif premier : celui de générer de l’émotion, qu’elle soit positive ou négative tout comme de l’engagement. A partager son public, loin d’une unanimité facile avec un film consensuel.
Matrix Resurrections laissera sans aucun doute sa marque auprès de ceux qui le verront, encore pour les 20 prochaines années. Une marque assurément positive pour le Cerveau, habité par ce film, depuis sa projection.
Matrix Resurrections : Bande-annonce
Crédit photos ©Courtesy of Warner Bros. Pictures
Connecte tes Neurones à Brain Damaged sur