L’humanisation du vampire
Cependant, d’un coup, en 1968, Roman Polanski bouleverse tout. Les vampires deviennent plus humains que cruels. Entre un homosexuel, un sourd ou un juif, on retrouve ici un schéma social très proche du notre. Ils ne sont plus de solitaires créatures emmitouflées dans une cape de soie noire. C’est en groupe qu’ils s’organisent et vivent. Le bal des vampires est ainsi donc l’esquisse d’un retournement de situation qui ne s’arrêtera pas là : les vampires gagnent. Ils passent du statut de pur méchant à abattre à celui de héros, de personnage à part entière voire de personnage principal. Au-delà de l’érotisme de la figure, maintenant ancrée dans les esprits, se rajoute la compassion, et même l’humour. Cette nouveauté s’accentuera au fil du temps, le vampire devenant peu à peu un être qui, malgré sa perte d’humanité physique, reste capable de sentiments.
Une nouvelle adaptation de Dracula, en 1992, illustre bien l’évolution du genre. Gary Oldman, sous la direction de Francis Ford Coppola, nous joue un être seul et sinistre, pouvant prendre la forme d’une bête affamée. Et pourtant, c’est l’amour qui le fait sortir de sa Transylvanie natale. La belle Mina, fiancée de Jonathan Harker, envoûte sans le vouloir le sombre comte, ressemblant trait pour trait à sa défunte épouse. Jetant aux ordures ses ongles crochus et sa coupe de cheveux douteuse, il débarque en parfait dandy : costume et haut de forme. Si Van Hellsing, scientifique mal rasé et un peu obsédé par les chauves souris suceuses de sang, vient présenter le comte comme un monstre, il reste dur de ne pas verser une larme devant la tendresse dont il fait preuve près de sa douce. Mais les humains restent encore les personnages principaux, bien que ce cher Dracula gagne en importance.
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