Spike Lee offre une adaptation en série fraîche et intéressante de son film She’s Gotta Have it ou Nola Darling n’en fait qu’à sa tête.
Cette semaine, Netflix a lancé She’s Gotta Have It, une série basée sur Nola Darling n’en fait qu’à sa tête, un des premiers films devenu culte de Spike Lee sorti en 1986. Le réalisateur a décidé de revisiter son personnage iconique en série. Si on pouvait être réticent à l’idée, surtout à cette époque de reboots et remakes en pagaille, le résultat est plus que satisfaisant pour le Cerveau. Spike Lee a gardé tous les éléments du film qui ont fait son intérêt et il élargit ses horizons et surtout ceux de Nola Darling avec de nouvelles perspectives.
She’s Gotta Have It suit Nola Darling, une jeune femme artiste d’une vingtaine d’années vivant à New York, dans le quartier de Brooklyn qui s’embourgeoise de plus en plus, poussant les habitants à quitter les lieux. La jeune femme a ainsi du mal à joindre les deux bouts mais elle tente de vivre de son art. Nola a aussi trois hommes dans sa vie…et une femme. En effet, elle fréquente Jamie un homme plus âgé et stable; Greer qui est l’épidémie du narcissisme et Mars, un garçon excentrique et amusant. Elle a aussi une relation avec Opal, une femme responsable et maman d’une pré-ado. Cette relation est effleurée dans le film, mais jamais approfondie. Dans la série, Nola ne cache pas sont attirance pour les femmes. Toutes ces personnes sont très différentes les unes des autres, chacune avec ses qualités et ses défauts. Elle tente ainsi de jongler toutes ses relations mais surtout de garder cette indépendance qu’elle chérie tant.
Passage du grand au petit écran réussi
Un peu comme l’adaptation de Dear White People, la série est un parfait complément au film. Spike Lee prend les mêmes personnages que dans son film et en ajoute d’autres pour donner plus de relief à la vie de Nola. Sa carrière d’artiste est aussi bien plus creusée que dans le film qui se concentrait essentiellement sur ses relations personnelles. Son monde est élargi, sa personnalité est bien plus intéressante. Si la Nola de 1986 était en avance sur son temps, celle de 2016 est dans l’air du temps mais une chose ne change pas : Nola est sa propre personne et ce n’est pas un homme qui va dicter sa vie. Elle n’est pas là pour choisir entre eux, elle vit sa vie comme elle l’entend sans se poser de limites. Comme elle le dit elle-même, elle est “sex-positive, polyamoureuse et pansexuelle.”
La série aborde ainsi tout un tas de sujets pertinents et qui se reflètent complètement à l’époque dans laquelle nous vivons. Elle traite notamment de l’image de la femme en général dans la société et celle de la femme noire en particulier. Si sa vie est chaotique, Nola sait qui elle est. C’est une femme noire, un être avec des désirs et une artiste avec des ambitions mais elle est loin d’être parfaite. Ses amies sont aussi importantes dans sa vie et la série développe des personnages qui avaient moins de place dans le film (voire qui n’hésitaient pas) et qui sont très intéressants. Ils offrent une autre perspective de la vie moderne à New York notamment le combat de mère célibataire à travers le personnage de Shameeka. Sans entrer dans les détails, son histoire fait mal au coeur mais elle représente beaucoup de femmes qui ont une piètre opinion d’elles-mêmes et dont le regarde des autres les détruit.
Belles écriture et réalisation
Si Spike Lee a réalisé tous les épisodes et créé la série, il a fait une grande place aux femmes dans sa salle d’écriture. Ce n’est ainsi pas uniquement sa voix, c’est aussi celle de femmes qui ont réussi à capter l’essence de la Nola originale. Elle a ainsi plus de substance que dans le film, elle est bien plus réalisée. Elle subi notamment une agression qui va la perturber et dont elle refuse de parler pendant un moment mais elle va se servir de son art pour extérioriser ce qu’elle ressent. L’écriture de la série arrive à rendre Nola crédible et incroyablement identifiable pour beaucoup de femmes, tout en étant unique.
Lee est aussi un réalisateur qui sait exactement ce qu’il fait. Dès le début, on sait qu’on est face à un “Spike Lee joint”, c’est du Spike Lee pur et dur mais il a aussi su évoluer avec le temps et surtout, il a réussi à s’adapter au format télévisé. Contrairement à Woody Allen qui a fait un passage raté au petit écran, Spike Lee a réussi à faire une oeuvre, certes avec sa patte qui a fait sa réputation au cinéma, mais il a surtout fait un objet télé. Il arrive aussi à tirer le meilleur de son casting. DeWanda Wise est sublime dans le rôle de Nola qu’elle a récupéré des mains de l’excellente Tracy Camilla Johns qui fait d’ailleurs une petite apparition très touchante dans un épisode.
Musique pertinente et conscience politique
La musique dans She’s Gotta Have It est très importante. Elle habille parfaitement l’histoire et ponctue des moments importants. Spike Lee s’est lui-même occupé de compiler chaque chanson qu’on peut entendre dans la série. Chaque artiste a été choisi par ses soins et les paroles se mêlent parfaitement au rythme de l’histoire. De manière créative, pour leur rendre hommage et souligner leur importance, la série dévoile l’album dont la musique est tirée avec une pancarte qui vient ainsi servir de passage entre les scènes. Si ce processus aurait pu être un peu lourd, on finit par s’habituer et ça fait complètement partie du concept créatif de la série.
She’s Gotta Have It a aussi une certaine conscience politique parce que nous sommes dans une oeuvre de Spike Lee. Il s’est toujours servit de ses films pour faire passer des messages et n’oublie jamais sa conscience sociale. La série se déroulant en 2016, l’élection de Trump est abordée, non pas à travers des débats mais en chanson et en images. Il y a aussi la question des vétérans sans abri ou encore de la gentrification qui pousse les plus pauvres hors de leurs quartiers. La série est clairement ancrée dans la réalité et Spike Lee n’oublie pas d’où il vient restant toujours honnête avec son art.
Composé de 10 épisodes, She’s Gotta Have It est disponible sur Netflix.
Crédit ©Netflix
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