Le Cerveau est allé à la rencontre de Mig et Franck Thilliez à l’occasion de la sortie de Puzzle, une Bande Dessinée tirée du polar éponyme, parue chez Ankama le 2 décembre dernier.
Nous sommes en décembre, et qui dit fin d’année, dit fatalement Noël. Les grandes bouffes, les pulls moches qui grattent….les bises de tante Jaqueline sous le gui – qui grattent également – les horribles chansons kitch qui usent vos oreilles à longueur de journée… et surtout, l’épuisante course aux cadeaux, tellement moins fun sans un Arnold Schwarzenegger, allant et venant en exigeant qu’on repose ce bon dieu de cookie.
Autant dire qu’à cette époque de l’année, deux types de personnes se révèlent : les prévoyantes, ayant déjà emballé tous leurs présents et qui sont, il faut le dire, un peu agaçantes ; et puis il y a les gens dits “normaux”, qui ont frollé l’arrêt cardiaque ce matin en voyant qu’il ne leur restait que 3 jours pour trouver un cadeaux sympa à offrir à leurs proches. On aurait du mal à vous le cacher, la rédaction du Cerveau fait plutôt partie de la seconde catégorie.
Or, s’il se trouve que les livres sont toujours une très bonne alternative lorsqu’on est un peu dans le rush infernal des cadeaux de Noël, encore faut-il choisir le bon. Vous voilà donc perdu dans les rayons de votre librairie, écumant les étagères à la recherche de la perle rare… On ne va pas se mentir, vous êtes dans une position délicate. Le Cerveau le sait. Le Cerveau ne vous laissera pas tomber. Le Cerveau a même une bonne alternative à vous proposer. Un polar, c’est chouette. Une Bande Dessinée, c’est chouette aussi. Une Bande Dessinée tirée d’un polar écrit par un romancier qui a déjà fait ses preuves, retranscrite graphiquement par un dessinateur talentueux et prolifique, c’est le summum du chouette.
Un jeu mystérieux dans une paranoïa pesante
Dans cette histoire de chasse au trésor grandeur nature flirtant entre le réel et l’imaginaire, les amateurs de thriller de la première heure comme les nouveaux adeptes de l’escape game se retrouveront certainement conquis.
Ilan, personnage au passé flou et ermite de son état, vit seul et loin de tout dans une grande maison vide, remuant une histoire impénétrable. Lorsque son ex petite amie Chloé frappe à sa porte pour lui dire qu’elle a des infos sur Paranoïa, un jeu secret dont personne ne connaît les règles, Ilan décide de se remettre dans la course de cette partie ultime afin d’en percer les mystères et de toucher le gros lot : 300 000 €. Rapidement, les deux compères se retrouvent pris dans les mailles d’une bien étrange organisation à l’image de leur insigne, un cygne noir. Alors qu’ils se font enfermer dans un hôpital désaffecté en compagnie de plusieurs autres participants, les premières règles du jeu leur sont communiquées : Règle n°1, Quoi qu’il arrive, rien de ce que vous allez vivre n’est la réalité ; Règle n°2, l’un d’en vous va mourir. Inquiet parmi ses camarades moins crédules – ou plus insouciants – les craintes d’Ilan commencent à prendre sens lorsqu’il découvre un premier cadavre.
Le jeu peut alors commencer…
Mig et Franck Thilliez : La Brainterview
Intrigué par ce synopsis prometteur du romancier Franck Thilliez, auteur de best seller tels que Le Passage, récompensé du Prix des lecteurs “Quai du Polar” de Lyon et lauréat du Prix du polar SNCF en 2005 ; charmé par les travaux du dessinateur et animateur Mig, artiste pluridisciplinaire qui s’est illustré principalement en appliquant sa patte à l’univers Wakfu en rejoignant l’équipe d’Ankama ; le Cerveau s’est laissé surprendre par cette Bande Dessinée étonnante et ce polar dont les fils invisibles tiennent un récit intelligent et bien ficelé.
Attrapez votre loupe, enfilez votre parka noire la plus discrète et dégotez-vous une belle paire de lunettes de soleil pour garantir votre total anonymat : le Cerveau vous plonge dans l’univers de Puzzle, parue chez Ankama le 2 décembre dernier, en compagnie de ses auteurs, Mig et Franck Thilliez.
Avant de vous lancer dans ce projet d’adaptation, aviez-vous eu l’occasion de lire les romans et Bandes Dessinées de l’un et de l’autre ?
Mig : Effectivement, j’avais déjà lu ses romans, mais c’est véritablement avec l’initiative de mon éditrice chez Ankama, Audrey Bonnemaison, que la rencontre avec Franck s’est réellement faite. A ce moment là, j’étais en train de lire un de ses romans : lorsqu’on m’a proposé de le rencontrer pour un projet collectif, j’ai sauté sur l’occasion.
Franck : Personnellement, je ne connaissais pas le travail de Mig, peut être simplement parce que je ne suis pas un grand lecteur de Bande Dessinées. Ankama était à la recherche d’un auteur de polar pour travailler sur un projet de Bande Dessinée, et m’ont contacté dans le cadre de cette initiative. Notre éditrice m’a parlé du travail de plusieurs auteurs avec lesquels je pourrais travailler, et j’ai été particulièrement intéressé par le style de Mig : c’est ainsi qu’on s’est rencontré. Ankama nous a alors laissé le choix de concevoir un projet d’adaptation ou inédit. De mon côté, je sortais de mon roman Puzzle, que je trouvais très visuel, possédant une réelle atmosphère et une ambiance particulièrement intéressante. A cela s’est ajouté l’univers du jeu qui a fini de me donner envie d’adapter ce roman en particulier. De plus, lorsqu’on s’est rencontré, Mig avait déjà préparé quelques idées de visuels, ce qui m’a définitivement conquis. On peut dire que Puzzle, c’est avant tout une rencontre entre nos univers respectifs.
Vous avez, l’un comme l’autre, déjà eu l’expérience d’un travail collectif. Comment s’est passé votre expérience collaborative ?
Franck : Il faut savoir que le roman est lui-même très cinématographique. Lors de sa transition vers le format Bande Dessinée, la collaboration s’est faite naturellement. Mig s’est imprégné de l’univers, à créé des visuels forts, à l’image de l’hôpital, et mon côté, j’ai apporté le squelette
Mig : J’ai commencé sur Puzzle avec la recherche de personnages, aidé de Toshi sur le découpage, avec qui j’ai déjà réalisé plusieurs projets, qui n’était pas perdu, puisqu’il connaît bien l’univers du polar. J’ai particulièrement aimé travailler sur les cases panoramiques, qui traduisent bien l’aspect cinématographique du roman. Au final, nous rebondissions chaque fois sur nos idées respectives. On s’est posé la question de diviser le récit en deux tomes, mais cela aurait desservi l’histoire. On a donc préféré un format en un seul opus très dense, qui, malgré la nécessité d’un pré-découpage pour évaluer la quantité d’informations par pages, était bien plus percutant.
Même si je travaille avec Ankama sur des projets de dessin animés, lorsque que je suis sur une Bande Dessinée, je pense Bande Dessinée. J’aime beaucoup travailler seul, et dans le cas de Puzzle, même si je n’étais pas en solitaire sur le projet, je restais le chef d’orchestre graphique de l’entreprise.
Vous avez l’un comme l’autre suivit des études qui ne sont pas liées directement à l’écriture de roman ou de Bande Dessinée : ingénieur en nouvelles technologies pour Franck, animateur diplômé de l’ESAAT pour Mig. Est-ce que vous imaginiez travailler sur un projet de livre un jour ?
Mig : Pour ma part, bien que j’aime faire varier les genres et les styles dans mon travail, la Bande Dessinée et l’animation sont des domaines proches, qui peuvent facilement se croiser à un moment donné. Et d’autant plus facilement en travaillant avec une maison comme Ankama, elle-même pluridisciplinaire.
Franck : Mes études mises à part, j’ai toujours aimé raconter des histoires. J’ai grandi en lisant des livres, bien sûr, mais surtout avec le cinéma. Je pense que c’est pour cela que j’écris des romans très visuels : la plupart de mes influences trouvent leurs sources dans le cinéma, même si mes études me suivent toujours. Le style du thriller exige une construction réfléchie, une trame et une intrigue bien pensée. C’est sur cet aspect que je retrouve ma formation de scientifique et d’expérimentateur. La science reste présente dans le travail de l’écrivain, et se couple particulièrement bien avec l’univers de Puzzle, du jeu et de l’intrigue.
Avec Puzzle, la Bande Dessinée propose un twist final : on se demande ce qu’il se passe et cela incite le lecteur à reprendre le récit depuis le début, de faire attention à la moindre cases, pour rechercher des indices qui laisseraient présupposer de la fin.
Mig : D’ailleurs, sur ce point, je me suis amusé à cacher pleins de petits détails, liés ou non à l’intrigue, sur l’intégralité de la Bande Dessinée. Ce qui accentue encore l’esprit de jeu de piste !
Mig, tu es à la fois polyvalent sur la forme, oscillant entre Bande Dessinée, animation, illustration ; mais également sur le fond, puisque tu as travaillé sur des projets destinés aux enfants et d’autres beaucoup plus matures, à l’image de Puzzle. Y a-t-il un professionnel du grand écart qui se cache derrière le dessinateur ?
Alors, pour être tout à fait honnête, je ne suis pas souple du tout ! Ou peut être seulement dans ma tête, mais ce n’est pas le même exercice d’assouplissement. En fait, je lis beaucoup et beaucoup de choses différentes. En revanche, j’ai trop peu de temps pour voir des films : j’ai mis 10 ans pour voir des films comme E.T ou Fight Club, j’assume totalement ! Souvent, je regarde des films que j’ai déjà vu, que je n’ai donc pas besoin de “re-voir” : je les regarde un peu distrait, ça me permet de travailler en même temps. Je suis définitivement plus branché lecture.
Le fait de travailler sur différents types de projets, que ce soit sur Puzzle ou avec des ouvrages comme Un petit livre oublié sur un banc, me permet d’équilibrer mon univers, entre passages sombres et élans de joie. Cela fait office de thérapie personnelle, ça me donne l’occasion de toucher graphiquement à plein de choses. Dans le cas de Puzzle, j’ai eu envie d’une écriture graphique spéciale, avec une couleur unie. En effet, je pense que le passage du polar à la Bande Dessinée exige une mise en page pas trop chargée, plus épurée. Sur ce point, je souhaitais instaurer un graphisme qui soit le plus clair possible, afin de laisser une place privilégiée à l’imagination et à l’intrigue.
Franck, de ton côté, le grand écart, ce n’est pas vraiment ta tasse de thé, puisque tu es principalement connu pour tes polars. Est-ce que ton public te retrouvera un jour aux commandes d’un livre pour enfant ?
Disons que la Bande Dessinée, c’est déjà un domaine très nouveau pour moi. C’était un média que je n’avais pas encore exploré, ce qui m’a valu quelques appréhensions de prime abords, n’étant pas un lecteur de Bande Dessinée. Néanmoins, comme je restais dans un média visuel, comme le cinéma, je me suis finalement bien adapté.
On s’est mutuellement accommodé de cette liberté qui nous a été donné et que nous nous sommes accordé. Mig étant assez indépendant, je faisais principalement de la description action par action, page à page… Une chose qui m’a vraiment changé de mon expérience dans la télévision, c’est l’absence de limitation de budget. Avec une Bande Dessinée, on peut faire absolument ce que l’on veut ! C’était tellement différent de ce que j’avais vécu à la TV.On peut tuer tout le monde si on a envie, avoir les décors les plus fous, quelle liberté ! Je pense que j’aimerai retenter l’expérience à l’avenir, ça complète mon univers.
Franck, ce n’est pas la première fois qu’un de tes romans est porté par un autre média, puisque la Chambre des Morts a été adaptée au cinéma en 2007. Cette expérience de la Bande Dessinée te donne-t-elle envie de renouveler l’expérience ?
Quand on s’était vu la première fois, on n’avait pas seulement parlé de Puzzle : nous avions évoqué ensemble plusieurs autres possibilités d’adaptation de mes romans. Je pense donc qu’en plus de l’envie, on aurait la possibilité de le faire.
En l’occurrence, on a produit ensemble un ouvrage conséquent, mais rien ne nous empêche de travailler sur une Bande Dessinée plus courte. Je pense notamment à Vertige, qui pourrait très bien être adaptée dans un format 48 pages, par exemple. Même si la grande question subsiste : est-ce que ça va fonctionner ? On attend tous les deux les retours des grands lecteurs de Bande Dessinée avec impatience ! Par ailleurs, les polars sont souvent très liés à l’action. Avec Puzzle, on a voulu s’attarder sur l’aspect plus psychologique de ce type de récit, en gardant le côté paranoïaque afin d’intéresser le lecteur, le faire rentrer dans l’histoire.
Lorsqu’on écrit un roman, on est très seul. Certes, on a une liberté totale, mais on est tout seul face à sa feuille : quand on est bloqué, on est bloqué ! A l’inverse, l’écriture pour la télévision est extrêmement collective. Tout ce qu’on écrit nous échappe et passe dans un nombre impressionnant de mains. Le récit ne doit pas seulement plaire à l’auteur, mais une une équipe entière, ce qui force parfois à changer l’histoire. Avec la Bande Dessinée, on retient le positif sans le négatif dans les deux domaines ! D’autant qu’avec Mig, on était vraiment sur un rapport d’égalité, de respect mutuel. On était deux artistes à travailler ensemble, chacun ayant ses compétences propres. Lorsqu’il y avait un blocage, les deux parties étaient sur le pied de guerre pour solutionner le problème.
En fait, on avait plus un rapport de collaboration que de subordination. Et dans le cadre d’un projet à plusieurs, et lorsque chacun est très impliqué, tout s’imbrique correctement. Et en cela, c’était vraiment une excellent expérience pour nous deux.
Crédit : Ankama
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