Metal Hurlant Chronicles : rencontre avec le créateur de la série

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A l’occasion de la diffusion de la nouvelle série française Métal Hurlant chronicles sur France 4, le Cerveau a rencontré Guillaume Lubrano, son créateur, producteur et réalisateur pour une Brainterview exclusive autour de la série.

Metal Hurlant Chronicles est une nouvelle série de science-fiction adaptant les histoires du magazine culte créé en 1975 par Jean-Pierre Dionnet, Philippe Druillet et Moebius (Les Humanoides associés). Des comics qui se sont exportés à l’international, dont les différentes intrigues ont déjà été portées à l’écran 1982 et 2000 et dont le fil rouge suit le dernier fragment d’une planète réduite en poussière par la folie destructrice de ses habitants, condamné à errer dans l’univers pour l’éternité. Fragment qui apporte souffrance et tromperie à ceux qui croisent son chemin.

Avec Metal Hurlant Chronicles, le réalisateur et producteur Guillaume Lubrano souhaite lancer pour la première fois une série d’anthologie (chaque épisode propose une intrigue unique) et de genre à la française. Série qui s’inscrit comme une héritière d’autres séries d’anthologie comme La Quatrième Dimension, Au-delà du réel, ou Les Contes de la crypte, véritable âge d’or de la science-fiction à la télévision.

Avec des droits de diffusions d’ores et déjà vendus dans une trentaine de pays avant même sa production, la série accueille un casting de renom et international : Scott Adkins (The Expendables) et Michael Jai White, James Marsters, Kelly Brook, Joe Flanigan, David Belle, Dominique Pinon, Eriq Ebouaney, Rutger Hauer, Michelle Ryan… ainsi qu’en bonne surprise : Grégory Basso, que l’on connait tous comme Greg le Millionaire de TF1, au générique et dans un rôle qui en surprendra plus d’un, que l’acteur assume avec finesse (et sans être dur de partout, et ça c’est un exploit !). Pour sa bande originale, pas moins que Jesper Kyd, compositeur des bandes sonores de la saga vidéo ludique Assassin’s Creed et Soulcalibur. Metal Hurlant Chronicles a de l’ambition, il certain.

Avec une première saison, Metal Hurlant Chronicles débarque sur les écrans de France 4 juste après Doctor Who le 27 octobre prochain avec 3 épisodes inédits de 26 minutes à découvrir. L’occasion de revenir sur la genèse de la série et sa conception, les challenges encourus dans la réalisation de cette première série SF française à travers une rencontre avec son créateur : Guillaume Lubrano.

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BRAINTERVIEW Guillaume Lubrano réalisateur et créateur de la série

D’où vous est venue l’idée d’adapter Metal Hurlant Chronicles ? Racontez-nous un peu la genèse de cette nouvelle série de science-fiction française.

En fait Metal Hurlant c’est un magazine que j’ai découvert assez tard avec la nouvelle édition au début des années 2000. Et quand j’ai découvert cette BD je me suis dit qu’il y a vraiment matière à faire une série intéressante parce que ces petites histoires fonctionnent bien. Pour une fois il y existe un véritable sens à raconter tout ça à la télévision. Quand j’étais petit je ne connaissais pas Métal, même si mes grands frères le lisaient, mais j’avais quand même eu un choc avec le dessin animé des années 80. Dessin animé où pour la première fois on voyait une fille se dénuder, chose bizarre qui change de Disney et des princesses. Ça m’a marqué et plus tard en grandissant je me suis replongé dans d’anciens numéros alors que je développais d’autres projets personnels. En même temps, je me disais que pour pouvoir avancer sur un projet concret et unique, le mieux était d’arriver avec quelque chose que les gens connaissaient parce qu’ils pouvaient se faire une idée et y adhérer plus facilement. C’est à partir de là que j’ai décidé de tenter de récupérer les droits de Métal hurlant. Ça m’a pris du temps mais finalement en 2009 on nous a autorisé à développer un pilote qu’on a terminé mi-2010. Et c’est la que les choses ont commencé à s’enchaîner avec des demandes de chaînes étrangères qui ont choisi de se positionner sur la série. Il faut rappeler aussi qu’on avait décidé de le tourner en deux langues : en français et en anglais parce que j’étais de toute manière certain que si les choses devaient avancer en France ça allait prendre beaucoup de temps, qu’il fallait aussi miser sur l’étranger. C’est plus facile de convaincre en France avec un programme qui pourrait marcher en dehors de nos frontières. Car à partir du moment où un programme est exporté les risques deviennent plus faibles, c’est donc plus simple de continuer la production.

C’était vraiment plus pour des raisons budgétaires alors ?

L’idée était d’aller chercher des fonds à l’étranger. Finalement c’est ce qui a fonctionné, la série a pu commencer à se monter avec un budget qui était loin d’être complet mais on s’est dit on a cette partie autant se lancer.

On dit que la série ressemble beaucoup dans l’esprit et même visuellement à d’autres séries cultes, un peu comme Au-delà du réel, est ce vrai ?

On reste avant tout au plus proche de ce qui est paru dans la magazine. Il faut que les gens qui connaissent Metal Hurlant, quand ils regardent la série se rendent compte qu’on n’a pas voulu dénaturer le matériel et se disent qu’on a voulu tout simplement le porter à la télévision. Ce que les gens voient dans la série vient totalement des bandes dessinées. Après ce qui est certain, c’est qu’il y a des influences visibles tirées de séries comme La quatrième dimension, les contes de la cryptes ou Au-delà du réel, qui pour moi représentent une époque bénie de la science-fiction à la télévision. L’anthologie a plus de force qu’une série où on suit les personnages. Quand on regarde une série de ce type, généralement on a du mal rester surpris puisqu’on sait que les personnages vont revenir la saison prochaine. C’est beaucoup plus difficile de créer de la surprise vis-à-vis du destin de ces personnages. Alors qu’une série d’anthologie, c’est un peu comme un bonbon, on ne sait pas quel gout un épisode va avoir, c’est la découverte. C’est ça qui est intéressant. Rien qu’aux retours qu’on a du public, ce qu’on retient c’est que personne n’a jamais les mêmes épisodes préférés. Chacun trouve ses affinités avec des intrigues que généralement on n’a pas sur une série classique et linéaire. En tant que réalisateur c’est passionnant, j’ai fait six mini films différents dans l’année. On a pas d’ennui qui se créer, c’est une richesse de la série d’anthologie comparée à d’autres. C’est purement génial !

Les épisode ont un format très court et la saison n’en compte seulement six, est-ce un choix délibéré ou imposé en pré-production ?

Le format de 6 épisodes par saison a été une demande au départ des discussions qu’on avait avec les chaines françaises, qui n’acceptaient de se positionner que sur un programme de 6 épisodes. On a commencé alors à raisonner sur cette base en gardant ce format-là, surtout parce que 6 épisodes c’était jouable. Par contre chercher le double du budget pour d’autres épisodes supplémentaires, on n’y arriverait pas. C’est pour cela qu’on a préféré se lancer comme ça même en prenant le risque de finir sans fonds. Le choix du format de 26 minutes, quand à lui, permettait à notre sens de rester dans l’esprit de la BD qui comptait généralement 5 ou 6 pages par histoire. Un format idéal et plus facile de diffusion qu’un format classique de 43 minutes. Finalement, On a eu la chance de raccrocher les wagons un à un et ça a pris du temps. C’est pour cela que la série a pris plus d’un an pour se faire.

Le résultat est là avec cette première véritable série de science-fiction française où on essaye de faire en sorte que pour une fois les choses soient tranchées. Les quelques fois où on a eu des séries de genres en France, on sentait que les auteurs ou les chaines acceptaient le genre mais seulement sous certaines normes, comme la mini série Mystères ( TF1) qui reste une saga de l’été avec très peu de SF. Mais si on veut que le spectateur étranger puisse rentrer dans la série il faut que toute de suite quand il tombe dessus il se dise « Oh c’est de la SF ça m’intéresse ». Avec Métal Hurlant, on a essayé de créer cette imagerie pour générer cet effet auprès du spectateur et marquer le style de la série.

Vous travaillez plus donc à l’américaine qu’à la française alors ?

Pas forcément à l’américaine, mais fortement comme font la plupart des pays d’Europe, ou asiatiques. Mon plus grand regret est d’entendre des gens dire que la science-fiction est un genre typiquement anglo-saxon alors qu’en Asie vous avez une quantité impressionnante de séries qui sont des séries de genre avec des histoires d’apocalypses, de vaisseaux, de créatures… Nous sous prétexte qu’on a peur des Anglo-saxons on s’empêche d’aller sur ce terrain. On peut raconter ce type d’histoire à notre façon, en étant assez franc avec ce qu’on fait. On parle à un public global et pas seulement un public français c’est ce qui faut qu’on comprenne. Notre peur elle a toujours été qu’en France, quand on produit, c’est soit pour l’Access, soit pour le prime alors que dans tous les autres pays du monde on produit pour d’autres cases comme les secondes parties de soirées ou même la 3ème. En France, on ne pense pas à ces cases là car on se dit que c’est trop segmentant au niveau de l’audience. Moi je pense que le segmentant peut être intéressant, avec ce public précis et une cible précise. Et ce même public, existe aussi au-delà de nos frontières, on peut le toucher avec ce genre de production.

Si la série fonctionne, peut-on envisager qu’elle ne soit produite qu’en France et non à l’internationale ?

La série quoi qu’il advienne gardera sa dimension internationale. Même si elle a une production à 80 % française. On a un potentiel. Le but avoué sur Métal est de créer l’expérience française sur une série de ce genre : qu’on améliore notre façon de travailler, apprenne à mieux utiliser le budget, progresser sur la production et créer une base technique qui permettra à d’autres de développer un autre projet de cette envergure. Commencer à empiler les choses pour que plus tard on puisse lancer d’autres projets qui fonctionnent avec un pool de personnes qui ont déjà acquit des compétences dans les domaines qui touchent à ce genre. Une énergie positive qui permette de faire des long-métrages de genre franco–français de qualité.

Pour vous, Metal Hurlant ouvre les portes à un nouveau genre dans la production fiction TV française ?

On démarre maintenant dans la science-fiction et on espère que les gens vont apprécier. Mais ce qu’il ne faut pas oublier c’est qu’il faut du temps pour maîtriser un genre. Ce qu’on oublie par exemple c’est que pour une série comme Battlestar Galactica, qui est un culte, ce sont des anciens de Star Trek qui ont travaillé dessus, et que ces gens-là ont appris sur Star Trek beaucoup avant de faire de Battlestar Galactica le chef d’œuvre de science-fiction qu’elle est. Nous, on est encore dans les années 50 et on démarre avec Metal Hurlant. Forcément on va apprendre beaucoup de choses avec cette première série de Hard SF française, qui propose pour la première fois à l’image de vrais aliens, des vaisseaux, sans les suggérer. Avec Métal Hurlant on assume la SF et c’est cool quoi ! On est loin des slogans de certaines chaines comme « des héros plus proches de vous » et plus dans le héros iconifié et plus cool, qui changent de ce qu’on voit généralement sur le PAF.

Retrouvez Métal Hurlant Chronicles Sur France 4, le 27 octobre prochain à 23h05.

Photos : ©anadore pour Brain Damaged 2012/©WeProd/France 4

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