Synopsis

Londres, 1958, Paul Raymond ouvre le «Raymond Revue Bar», théâtre et club privé où apparaissent des femmes dénudées au grand dam de l’Angleterre conservatrice. Producteur de revues dansantes, il devient éditeur de «Men Only», magazine pour adulte qui connaît un succès instantané. Roi de Soho, il acquiert un à un les immeubles du quartier, jusqu’à devenir l’homme le plus riche du Royaume en 1992. S’il mène sa carrière avec brio, sa vie personnelle n’est pas en reste: Paul Raymond est partagé entre Jean, sa femme jalouse, Fiona, sa maîtresse et star de sa revue, et sa fille Debbie qui aimerait suivre les traces de son père.

Steve Coogan, roi de Sohoa very englishman 3

Mélanger drame, comédie et érotisme n’est pas chose aisée en l’espace d’un seul film. A Very Englishman (The Look of Love en VO), réalisé par Michael Winterbottom  (The Road to Guantanamo, La stratégie du choc) réussit cet exploit. Grâce à notamment l’interprétation irréprochable de Steve Coogan, qui a déjà tourné avec le réalisateur, on passe des rires à l’émotion en quelques secondes sans qu’on ressente la moindre gêne dans ce biopic du roi de Soho des années 50 à 90. Capable, aidé par les maquillages, d’interpréter le même homme sur une période de plus de 30 ans, il passe d’une gamme des sentiments à une autre sans jamais faillir. On voit en lui la tristesse du vieillard comme la joie de vivre de l’homme dans la fleur de l’âge qui accumule les maîtresses avec le consentement de son épouse.

a very englishman 4Sensualité et érotisme

Le processus narratif, s’il n’a rien d’original et reprend le principe de Citizen Kane, y contribue pour beaucoup. Le film débute par la mort par overdose de Debbie (Imogene Poots), la fille de Paul Raymond. Ce dernier regarde alors le reportage qui vient d’être tourné dans lequel lui et sa fille étaient interrogés. Au fur et à mesure du reportage, on découvre, par flashbacks, le rapport de Paul Raymond aux femmes. Mais loin de plonger dans le pathos, A Very Englishman réussit à alterner entre moments d’érotisme, d’humour et drame de manière intelligente. Les orgies en montrent beaucoup mais ne vont jamais dans le vulgaire, au mieux dans la malice. L’érotisme du long métrage est à l’image de ce que Paul Raymond affirmait faire dans sa revue Men Only : de l’érotisme et pas de la pornographie. Si on ajoute la musique funky très bien intégrée, l’effet est réussi.

Le conservatisme hypocrite d’une époquea-very-englishman-critique

L’humour, porté par Steve Coogan, est aussi très bien distribué : Paul Raymond avait un très grand sens de la répartie et les médias se régalaient en sa présence. Il savait se faire remarquer des caméras et était le roi des provocations. Si cet humour n’a plus rien de provocateur à nos jours, mis dans son contexte, A Very Englishman situe et retranscrit la moralité, le conservatisme d’une époque. Sans compter son hypocrisie : le prêtre interprété par David Walliams, que ceux qui ont vu Little Britain connaissent bien, en est parfaitement l’image. La conclusion de son histoire, dans les dernières minutes du film, est à mourir de rire.

Des drames personnels omniprésents

Mais avec ces éléments seuls, on aurait le sentiment de voir une comédie un peu gaillarde. C’est ici que le cadre narratif du film joue un rôle essentiel. La mort annoncée dès le début de Debbie introduit une gravité qui n’empêche pas d’apprécier la sensualité exacerbée et l’humour. Au contraire, on a ici le reflet de ce qu’est la vie elle-même : elle n’est pas que sensualité et humour, elle est aussi composée de drames auxquels on doit faire face. L’âge d’or de Paul Raymond, nommé en 1992 homme le plus riche du Royaume-Uni, est en effet l’époque de la massification des drogues dures, que ce soit l’héroïne ou la cocaïne. L’anecdote sur l’accouchement de sa fille, en fin de film, est même basée sur ce qui s’est vraiment passé.

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Le malheur que ce personnage historique remarquablement interprété par Steve Coogan est ainsi une leçon de vie : pour reprendre le cliché, l’argent ne fait pas le bonheur et même sa maîtresse Fiona le comprend. La mort de Debbie, campée par une Imogene Poots émouvante, est là pour le rappeler. La jeune actrice réussit à travers son personnage à montrer le côté obscur, la fragilité de cette société bouillonnante que Paul Raymond a toujours éludée, en véritable privilégié. Comme en écho, c’est le mois après la mort de sa fille qu’il est devenu l’homme le plus riche du royaume : ce hasard de calendrier est le symbole de cette double vie de Paul Raymond.

A Very Englishman réussit son pari : porter sur grand écran la vie du Hugh Hefner britannique et souligner ses zones d’ombre à partir du drame qui a marqué la fin de sa vie. Mais Michael Winterbottom ne s’en tient pas là et arrive à partir de ce drame à mettre en avant érotisme et humour sans qu’on oublie son propos.

A Very Englishman – Bande-annonce


Crédits photo ©Pretty Pictures