Les Misérables : C'est d'la faute à Hossein

Avec Les Misérables, Tom Hooper offre une adaptation excellente de la comédie musicale mais très mauvaise de l’oeuvre de Victor Hugo.

Les Misérables, oeuvre de Victor Hugo, adaptée et réadaptée à l’infini et au-delà, voit une nouvelle version débarquer sur nos écrans ce 13 février. Ici, c’est l’adaptation de la comédie musicale américaine, elle-même adaptée de la comédie musicale de Robert Hossein. Le chef d’orchestre dans cette version est le réalisateur Tom Hooper, connu surtout pour Le Discours d’un roi. Hooper respecte parfaitement la comédie musicale originale, beaucoup moins l’oeuvre. Son casting est parfait. On est bluffé par le talent double des acteurs. Si on n’avait aucun doute avant le film de la capacité de Russell Crowe, Hugh Jackman, Anne Hathaway ou encore Amanda Seyfried de jouer la comédie, on était plus dubitatifs quant à leur capacité de chanteurs.

Excellentes interprétations

En moins de deux chansons, ils nous rassurent. La voix et le talent sont là, ils savent tenir la note, voir la très haute note. Tous les acteurs offrent d’excellentes interprétations, sans fausse note. Les plus jeunes oreilles trop habituées à l’auto-tune, autre vocodeur et la reprise en studio pourront avoir quelques difficultés avec les tonalités parfois plus rauques, mais ô combien plus pures et naturelles, qu’empruntent Jackman et Crowe. Mais le choix d’enregistrer en direct les chansons marque une belle différence par rapport aux autres comédies musicales filmées. Le jeu des acteurs, les émotions qu’ils font passer sont plus authentiques et semblent plus sincères.

Hugh Jackman tire son épingle du jeu dans ce film. Que cela soit en bagnard ou en protecteur de Cosette, il interprète un des meilleurs Jean Valjean du cinéma, tour à tour perdu, déterminé, aimant ou combattant. A cet effet, l’ajout du titre Suddenly, inédit, est une des meilleures idées de ce long métrage.

Drame musical

Mais, cette comédie musicale, enfin plutôt drame musical parce qu’il faut avouer, on ne se marre pas souvent avec Les Misérables (comme c’était à prévoir), pèche par les choix du réalisateur. Les Misérables, on connait tous l’histoire. Étudiée en long, en large et en travers au lycée, l’oeuvre ne réserve aucune surprise.

Tom Hooper, en choisissant d’adapter surtout la comédie musicale et non le roman, retrouve les même défaut pour Les misérables. La subtilité de Victor Hugo est oubliée. La critique des conditions sociales n’est qu’à peine effleurée. Les personnages n’ont plus que deux dimensions, quand ils sont chanceux. Et les révolutionnaires ont droit à quelques scènes mais là encore, réduites à leur simple définition.

Victor se retourne dans sa tombe

Si bien qu’on est très loin de la passion que peut réveiller la lecture du roman de Victor Hugo. Certains passages paraissent même longs. Au point où on se surprend à demander à Russell Crowe d’arrêter de chanter et d’enfin sauter de son pont, de manière à assister aux retrouvailles entre Cosette et Marius au plus vite. De plus, les chansons, par ailleurs très belles mais aux mélodies souvent répétitives, accentuent la sensation de longueur du film. Enfin, Les Misérables, en roman, est déjà bien tragique. Alors en comédie musicale, avec ses chansons bien dramatiques, avec l’interprétation, pourtant excellente, qui va avec ajoute un couche de trop, si bien qu’on dépasse l’émouvant et rentre dans le pathétique trop lourd pour réveiller de véritables émotions. Ceci est aggravé par les trop nombreux plans en plongée ou contre-plongée choisis par Tom Hooper et des décors numériques trop évidents.

Même les Thénardier, qui permettent cependant à cette version de Les Misérables d’évoquer un quelconque intérêt durant le film, ne sont pas fidèles à l’œuvre originale. Ils sont drôles, ils sont décalés et sont de vrais opportunistes et de beaux salauds. Mais on est loin des monstres antipathiques qui vendent leurs enfants décrits par ce brave Victor, même si Sacha Baron-Cohen et Helena Bonham-Carter y mettent tout leur cœur.

Achetez le C.D

Les Misérables n’est pas pour les puristes et amoureux de l’œuvre de Victor Hugo. Les fans de la comédie musicale trouveront cependant leur compte. Le jeu et l’interprétation musicale des acteurs valent certainement le détour. Mais il est préférable d’acheter le C.D que d’aller voir le film.

Pour le moment, Les Misérables jouit de pas moins de 8 récompenses. Les trois récompenses pour meilleure actrice dans un second rôle pour Anne Hathaway sont largement méritées. De même pour Hugh Jackman avec son Golden Globes pour meilleur acteur. Que les Oscars les récompensent aussi ne serait pas volé. En revanche, le Cerveau émet de sérieux doutes pour les catégories meilleur film ou meilleurs décors.