L’auteur du Chat revient sur le devant de la scène graphique francophone pour asséner ses quatre vérités. Attention, ça pique.
Textes assassins et illustrations encrées à l’acide d’un humour perturbateur, le nouvel album de Philippe Geluck, Geluck enfonce le clou, est sorti le 25 octobre 2011. Radicalement plus engagé et dévastateur que les aventures du Chat, ce recueil dévoile le côté obscur du belge, né à l’époque de son travail pour Siné-Hebdo : « C’est dans Siné-Hebdo que j’avais redécouvert cette face cachée qui sommeillait en moi. Le journal s’est arrêté, mais pas moi ! Puis, je vais continuer à y contribuer dans Siné-Mensuel ! »
Le premier volume, Geluck se lâche, sorti 2 ans auparavant avec un tirage initial de 80.000 exemplaires et un bon accueil du public, a ouvert la voie à un nouveau mode d’expression du Bruxellois, permettant ainsi aux fans d’alterner d’une année sur l’autre entre le félin et ces albums qui réunissent à la fois l’écriture et le dessin.
Face à ceux qui l’accusent d’aller parfois trop loin, l’auteur clame son innocence avec l’humour qui le caractérise :
« Chaque nouveau livre est un test dans les limites que je tente de repousser. D’ailleurs, c’est souvent le lecteur qui m’interpelle en disant qu’il aime lorsque je me lâche complètement et que je ne devais pas hésiter, y aller encore plus fort ! J’ai donc accentué l’effort débuté dans Geluck se lâche. Mais il me faut le reconnaître au grand jour : dans mon moi le plus profond, je suis un brave type, un ange ! Mais ce sont mes lecteurs qui me demandent d’écrire des choses sordides, que je suis bien obligé de leur donner ! Même combat avec Voici ou Gala : le paparazzi est foncièrement un brave homme, mais à la place de belle photos de mariage ou de baptême, il est obligé de réaliser les clichés compromettants réclamés par les lecteurs ! Les gens sont ignobles… »
Mais ils sont également, selon lui, attirés par l’obscurité, les ténèbres au fond du coeur de chaque personne : « Avec Les Sopranos et autres, tu te prends à aimer de véritables ordures et à espérer que les bons du FBI ne les attrapent pas ! Ce mouvement est d’ailleurs postérieur à ce qui s’est passé dans l’art. Après le culte de la beauté, car l’art se devait de présenter de belles choses, le XXe siècle a accouché de dissonances, voire de culte de la laideur, que cela soit en peinture, en musique, etc. On ne cherche plus à présenter du beau, mais on désire surprendre, et tordre les canons antérieurs. Pour ma part, je ne veux écrire de manière absconse, mais j’utilise l’humour pour mieux stigmatiser certaines personnes ou actions que je déplore. »
Le texte a une place prépondérante dans cette oeuvre, traitant parfois d’évènements récents, en rapport avec l’actualité, ou encore avec un caractère plus universel, situé hors du temps. A ce sujet, Geluck s’explique : « Le dessin et l’écriture sont deux aspects très différents, l’instantanéité du premier et l’immersion progressive de la seconde. C’est comme la douche et le bain ! Le dessin est une douche qui vous saisit, tandis que le texte est un bon bain chaud dans lequel on peut rentrer et on peut traîner. Tous deux ont leur intérêt. Le dessin inclut aussi une distance, on sent moins que c’est moi qui parle, tandis que le texte, comme il est écrit à la première personne, reprend des méchancetés qui pourraient être plus facilement prises au premier degré.«
Un contact direct avec le lecteur, une introduction originale sous forme de pacte, un style plus direct et mordant que le premier épisode, Geluck enfonce le clou interpelle, comme un dialogue entre l’auteur et son public : « J’essaye d’écrire de manière alerte, même si ces textes ne peuvent être réellement lus à la radio ou la télé, car je ne les ai pas imaginés comme tels. Mais j’aime apostropher le lecteur ! D’ailleurs, mon maître Frédéric Dard me surprenait toujours en écrivant tel qu’il pouvait parler. »
Enfin, alors qu’il avait été lâchement abandonné, le Chat revient encore plus en forme pour prêter main forte à son maître.
Vous pourrez d’ailleurs vous en rendre compte dès le dessin de quatrième de couverture (voir le câlin, dans la galerie).
« Ce dessin avait été réalisé pour un autre objectif, mais des proches m’avaient partagé leurs sentiments. C’est donc une façon de célébrer nos noces d’or : on ne peut plus vivre l’un sans l’autre. Mais j’espère que je partirai avant lui ! «
En espérant que le matou revienne encore longtemps dans nos bibliothèques.
Crédit Photo : Philippe Geluck. Source : actuabd
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