Comme leurs homologues anglophones, la critique française est divisée à propos du film de Peter Jackson Le Hobbit : Un voyage inattendu.
Mercredi prochain Le Hobbit : Un voyage inattendu, débarque enfin sur les écrans français après une attente de plusieurs années. Si la presse anglo-saxonne est divisée sur le long métrage, la presse française l’est tout autant entre ceux qui voient là un très bon film parfaitement équilibré et ceux qui critiquent sa longueur ou bien encore le passage à la 3D. Bilan de la réception du Hobbit par la presse française.
Les conquis
Brain Damaged : « Il est facile d’aller voir Le Hobbit : un voyage inattendu prédisposé à être blasé sans s’attendre à grand-chose vu l’exploit réalisé en 2001 lors de la sortie du premier opus du Seigneur des Anneaux. Nombreux sont ceux qui clameront le manque de nouveauté ou la simplicité de l’histoire. Mais qu’on ne se m’éprenne, aucune déception n’est à prévoir pour ce premier volet de la trilogie. Peter Jackson réussit l’exploit de maintenir la barre très haut. L’univers et l’esthétique qui ont conquis le spectateur et l’Académie des Oscars il y a dix ans sont de retour, tout en gardant l’émotion et l’innocence caractérisés dans l’esprit de la franchise cinématographique ou littéraire. Prises de vue en décors naturels et effets numériques fluides et contrôlés, la Terre du Milieu imaginée par J.R.R Tolkien reprend vie sur grand écran dans le moindre détail et une intensité inimitable… »
L’Express : « Que la surprise soit moins impressionnante que celle advenue en 2001, lorsqu’est sorti La Communauté de l’anneau, on est d’accord. Il est facile de jouer au grincheux blasé et au cinéphile vétéran. Pas ici. Quand le genre continue à être porté à ce niveau, quand ce type de film renvoie à la poubelle les avatars du genre, il faut dire bravo. Oui, c’est un peu long à démarrer, oui, certaines scènes d’actions ressemblent à un jeu vidéo – juste retour des choses cela dit, puisque les jeux vidéo s’inspirent des récits initiatiques – oui, Jackson prend son temps au point d’avoir réalisé trois films au lieu des deux prévus initialement, oui la 3D ne sert à rien – là, d’accord, c’est nul – mais assister à ce spectacle là une fois par an, oui aussi. Et merci. »
Le Figaro : « Que ceux qui n’ont jamais lu le livre Bilbo le Hobbit se rassurent. Il n’est pas nécessaire d’être un fan de Tolkien pour apprécier l’adaptation de Peter Jackson, Bilbo le Hobbit: un voyage inattendu. Vu la critique anglo-saxonne, qui déplore un film trop dense et détaillé, on pensait que Peter Jackson avait réalisé une adaptation qui plairait surtout aux fans. Mais non. Le cinéaste se veut pédagogue dans ce premier épisode de la trilogie. Tous les détails du passé, qui amènent Bilbo et les Nains à partir vers l’Erebor, sont donnés de manière simple, sans pour autant trahir l’univers de Tolkien. L’intrigue de Bilbo le Hobbit, qui peut être compliquée par certains aspects, est allégée grâce à de nombreuses scènes d’action et un humour qui tombe toujours à pic. Les non-initiés des oeuvres de l’écrivain y trouvent largement leur compte et ne seront pas déçus du voyage.«
LCI/TF1 : « Il ne manque rien au « Hobbit » et certainement pas les apparitions distillées des acteurs emblématiques de la franchise (Ian Holm, Elijah Wood, Hugo Weaving, Cate Blanchett, Christopher Lee). En créant du lien entre ses oeuvres précédentes avec subtilité, le cinéaste néo-zélandais trouve un juste équilibre entre références, clins d’œil et liberté de ton. Une fois de plus magnifiée par la partition d’Howard Shore, cette œuvre parfaitement rythmée bénéficie surtout de la présence de Gollum (Andy Serkis), l’esprit le plus torturé de la Terre du Milieu. Sa scène avec Bilbon (la meilleure du film ?), est un modèle d’angoisse et d’humour, deux facettes qui symbolisent à merveille cet épisode emmené par la fraîcheur de Martin Freeman et la classe de Ian McKellen. Ce qu’on retiendra surtout de ce très long-métrage, c’est la virtuosité d’un metteur en scène qui parvient à rendre fluide et passionnant un récit d’une grande densité. Peter Jackson reste l’un des grands conteurs du septième art et sa nouvelle trilogie porte toutes les promesses d’un nouvel enchantement majeur. »
Telerama : « La topographie de la Terre du Milieu, avec ses patelins et reliefs aux noms plus excentriques que ceux de Haute-Corse, la diversité des créatures et leur lignée commentée – le chef de troupe est un fils de roi nain, ce qui justifie qu’il n’ait pas, à la différence de tous les autres, le nez d’Achille Talon – forment un lexique dans lequel on prend plaisir à se perdre. C’est la force de l’univers tolkiénien. Et une fois qu’on est parti sur la route, ça dépote, avec combats contre trolls (bouffeurs de nains), escalades entre des géants de pierre en colère (belle séquence – peut-être ce qui reste du script de Guillermo Del Toro), bastons diverses contres des orques (et leur roi, qui ressemble au roi des singes dans Le Livre de la jungle). La fuite dans la ville souterraine des orques est d’ailleurs le morceau de bravoure de cet épisode 1. (…) Avec, bien sûr, la rencontre entre Bilbon jeune Hobbit de plus en plus téméraire, et Gollum, la créature visqueuse du fond de la terre. Beau dialogue, sans doute tiré intégralement du livre, où les deux jouent aux devinettes – et Andy Serkis interprète Gollum comme s’il était le frère d’Anthony Perkins dans Psychose. La séquence se clôt sur la première apparition de l’anneau… On est donc en territoire connu, et le plaisir naît de retrouver de vieux potes qui, comme dans Le Retour des sept mercenaires, font à peu près ce qu’ils ont toujours fait : crapahuter sur une terre peu hospitalière, et tenter de sauver le monde l’épée à la main. Il faudra attendre un an, puis encore un autre, pour voir la suite, et on sait qu’un jour, si Sauron ne nous a pas avalé d’ici là, on finira par voir les trois films à la suite en Blu-ray sur notre télé 3D. On a presque hâte d’y être… »
Lyricis : « En somme, Le Hobbit est une introduction grandiose et réussie d’une trilogie qui, dans son style qui lui sera propre, s’annonce aussi somptueuse que sa grande sœur. Le film baigne dans la bande son toujours aussi puissante et évocatrice d’Howard Shore. On ne peut qu’être transi devant ce film plein d’amour et de plaisir, d’amour de l’œuvre originale et de plaisir de tourner, qui nous transporte une nouvelle fois dans cette mythologie si belle, si dépaysante. Martin Freeman est un Bilbon saisissant de justesse, touchant de par son caractère et son évolution, et l’ombre planante de Ian McKellen enveloppe le tout de justesse et de cohérence. »
Les avis mitigés
Ecran Large : « Et c’est bien là que les scénaristes ont trouvé toute la parade pour justifier la mise en place de cette nouvelle saga fleuve. En parallèle du récit principal, ils en profitent pour élaborer une menace plus grande et assurer ainsi la transition avec le récit majeur de la guerre de l’Anneau. On est bien loin des ambitions faussement grandiloquentes de La menace fantôme pour gonfler un récit qui n’en demandait pas tant. L’utilisation de l’orque Azog par exemple, dès cette première partie, offre une réelle menace. Jackson et ses scénaristes, en piochant avec intelligence dans la mythologie foisonnante créée par Tolkien, offrent une vision prometteuse de l’univers de l’auteur transposé au cinéma. La vision globale de la (future) trilogie permettra de rendre réellement compte de leur interprétation et surtout, de sentir dans quelle mesure Guillermo del Toro a orienté certains choix. On pourra juste ergoter sur le caméo un peu longuet d’Elijah Wood (pas du tout raccord avec ses dix ans de plus) ainsi que sur l’apparition intempestive d’un magicien visiblement sous LSD, même si ces éléments ne font qu’égayer le folklore Tolkiennien. Les éternels détracteurs de l’épopée trouveront toujours de quoi râler (oui, ils marchent toujours autant, et alors !), mais par leur ambition, Peter Jackson et son équipe ont trouvé de quoi magnifier un conte pour enfants et lui donner un souffle épique et une ampleur qui se retrouvent dans chaque scène. Si ce voyage était inattendu pour ce bougre de Bilbon, il risque fort bien de ne pas l’être pour les aficionados du Seigneur des anneaux, qui tiennent là, LEUR grand rendez-vous cinématographique de ces prochaines années. »
Tout le ciné : « Si Ian McKellen (Gandalf) et Martin Freeman (Bilbon), quoique largement sous-exploités, portent à eux seuls le film, la troupe des nains qui compose la galerie des personnages secondaires à peine introduits reste tout à fait insignifiante. Richard Armitage (Thorin) peine à incarner un Viggo Mortensen du pauvre, tandis que ses acolytes ne sont que le terne reflet d’un John Rhys-Davies et du Gimli haut en couleur qu’il avait su incarner. On retient à peine les noms, on ne sort pas en se disant : et toi, t’aurais voulu être lequel ?(…) Dix ans presque ont passé depuis Le Retour du Roi (2003), et Peter Jackson n’a pas renouvelé son style d’un iota. Le plan plongeant, les travelling à tire-larigot, la musique en renfort, les cascades totalement improbables en 3D en veux-tu en voilà, tout cela flaire le ringard qui n’est pas certain de convaincre la nouvelle génération de spectateurs qui a vu passé depuis Christopher Nolan ( The Dark Knight) et d’autres qui, comme Sam Mendes ( Skyfall) le faisait remarquer : ont changé la donne en mettant le jeu à un autre niveau. Peter Jackson a un train de retard, peut-il mieux faire ? »
Premiere : « L’imagerie est belle, le character design fabuleux, mais, dans son ensemble, Un voyage inattendu ressemble tellement à La Communauté de l’anneau (y compris dans son storytelling) que la simple comparaison écrase ce nouveau film à l’avantage évident du premier. Peter Jackson s’est laissé corrompre par la formule magique de la fantasy 2.0 qu’il avait lui-même inventée en 2001. Le roman Bilbon promettait pourtant un traitement plus undertone du monde de Tolkien, vu tout entier (ou presque) du point de vue innocent et aventurier de son héros. (…) « Où est passé le Hobbit aventureux que j’ai connu ? » demande Gandalf à Bilbon au début du film. L’ennui gagnant le spectateur, la question qui se pose est plutôt : où est passé le Peter Jackson qui se lançait à la conquête de la Terre du Milieu après avoir mis en boîte Brain Dead et Créatures célestes ? Et où est la véritable nouveauté de ce Voyage soi-disant inattendu ? C’est le HFR (« high frame rate »), procédé révolutionnaire qui permet de voir le film en 48 images/seconde au lieu des traditionnelles 24. A cause des réactions US très mitigées, ou simplement pour des raisons techniques, la Warner s’est contentée de montrer le film en 24 images/seconde (avec une 3D juste passable). Il faudra donc attendre la sortie du film mercredi prochain pour juger -en IMAX HFR tant qu’à faire- l’enjeu véritable de cette Quête. »
Jeux actu : « Irréprochable artistiquement, surpassant même sur ce point la trilogie LOTR, The Hobbit n’en demeure pas moins frustrant dans sa narration, se posant clairement comme la première partie d’une trilogie, ce qui en fait aujourd’hui sa faiblesse et probablement, demain, son incommensurable force. »
Ecran Noir : « Cette histoire de Hobbit et ses 13 nains ne produit rien d’original et s’annonce plus plat dramatiquement. Si le spectacle divertit efficacement, si l’ambition est bien présente, il est reste loin du choc du premier épisode du Seigneur des Anneaux. Là, pour le coup, ce serait davantage Star Wars la référence, avec une deuxième trilogie loin d’être convaincante. Mais attendons les suites pour juger de l’ensemble. »
Les déçus
Cine Obs : « « Voyage inattendu » tu parles d’une bonne blague : après avoir pondu en dix ans et trois films de trois heures chacun la charte du geekisme des années 2000, Peter Jackson rouvre donc sa grosse crémerie. Pour trois films encore, identiques aux précédents (c’est sûr) et on en prend le pari, conformes à la future trilogie qui verra fatalement le jour si celle-ci cartonne – la nullité totale de ce « Hobbit » 1 ne devrait pas l’empêcher de remplir les salles à la pelleteuse. Un désamorçage s’impose dès maintenant : on n’a rien contre Peter Jackson, dont on a aimé les films mal élevés des débuts (« Braindead ») et le « King Kong » qu’il tourna en pleine gloriole, ni contre les geeks ou leurs fétiches tolkienniens. Seulement voilà, on n’aime pas « The Hobbit », la dérive de nabab boutiquier George-Lucasienne de Jackson, son esthétique de réclame Volvic transgénique, ses vues en hélicoptère tournoyantes mais dénuées du moindre souffle lyrique, ses acteurs déformés par des prothèses grotesques, son côté Jérôme Bosch en plastique, sa frigidité pré pubère – pas une femme au casting, même en figuration, hormis trente secondes de Cate Blanchett qui rode en robe de chambre près d’une assemblée de vieillards discutant autour d’une table de jardin. »
Crédits photo ©New Line Cinema/Warner Bros 2012
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