Retour aujourd’hui sur un film majeur de la fin des années 80, ou du moins pour les bambins que certains étaient à cette époque : Princess Bride de Rob Reiner.
Dans les années 80, quand on était un jeune homme en pleine construction, à savoir fort au baseball, viril d’un poil sur le torse et cool parce qu’on avait un walkman, on avait aussi un petit côté sensible. Mais pas trop hein, on faisait du roller. Attention. Un petit côté sensible qui se traduisait d’habitude par de petits plaisirs coupables comme des films d’aventures avec un prince et une princesse, des péripéties, de l’action, de la vengeance, des épées etc. Sauf qu’à part les mièvreries Disney pour filles, il n’y avait pas grand chose à se mettre sous la dent. Il y avait bien Dark Crystal de Frank Oz sorti en 1982 ou Legend de Ridley Scott en 1985. Oui, c’est vrai. Bon. Mais est ce que dans les autres films, il y avait une fermière qui devient une princesse, un catcheur pro, un escrimeur espagnol, des pirates, des sorciers, des monstres en animatronic et un sicilien nerveux ? Et tout ça rien que dans les deux premiers chapitres de l’histoire ?
Il était une fois
Bref récapitulatif pour les méconnaisseurs : Princess Bride est un film de Rob Reiner (Quand Harry recontre Sally, Des Hommes d’honneur…) sorti en 1987. Il est l’adaptation du livre éponyme de William Goldman. Livre d’ailleurs que l’on retrouve dans le film puisqu’il commence par l’arrivée d’un grand-père (Peter Falk) venu voir son petit-fils (Fred Savage) alité. Malgré les réticences du convalescent, le vieil homme en commence la lecture. L’histoire débute par la naissance de l’amour entre la bergère Bouton d’Or (Robin Wright) et le palefrenier Wesltey (Cary Elwes). Ce dernier n’ayant sou pour subvenir aux besoins de sa belle, part à l’aventure pour trouver fortune. 5 années passent et desespérée de retrouver son aimé, Bouton d’Or accepte d’épouser le prince du Royaume, Humperdinck (Chris Sarandon).
Sauf qu’un jour, la belle se fait kidnapper par 3 brigands répondant aux noms d’Inigo Montoya, un escrimeur clamant vengeance, (Mandy Patinkin), Fezzik, un géant au coeur tendre (Andre the Giant) et Vizzini, un sicilien malicieux (Wallace Shawn). Ils sont vite défaits par un mystérieux homme en noir qui secourt Bouton d’Or avant de révéler son identité : Westley. Ce dernier n’a pas été tué par le vil pirate Roberts comme tout le monde le pensait mais est devenu son héritier.
Le cast de Princess Bride réuni 25 ans plus tardLes deux amants fuient à travers champs mais tombent nez à nez avec Humperdinck qui lui aussi était parti à la recherche de sa promise. Le prince ramène sa femme en devenir au chateau, tandis que Westley est laissé aux bons soins du sadique conseiller à 11 doigts du prince. Inigo et Fezzik arrivent à temps pour sauver le palefrenier et tous les trois, ils partent pour le château : Wesltey pour sauver Bouton d’Or, Inigo pour tuer l’homme à 11 doigts et Fezzik pour les aider.
Un conte moderne
Alors oui, la pléthore de films pour enfants de l’époque aurait pu faire en sorte que Princess Bride passe inaperçu. Et pourtant, il est resté dans les mémoires et est commémoré de nos jours comme un monument obscur de la culture geek. Mais pourquoi ? De loin, ça ressemble à une histoire de princesses comme les autres, avec un preux chevalier, une demoiselle en détresse et un vilain prince. Quelle est donc la « secret sauce » de Princess Bride ?
En tout premier lieu, il s’agit bien évidemment de sa mise en scène et de son écriture. Les personnages sont, comme écrit plus haut, des stéréotypes ambulants. Nous avons la bergère niaise qui devient princesse, Bouton d’Or, l’amant gaulé comme Ken et au regard 2BE3, Westley, le vilain prince brun (parce que les gentils sont blonds, normal), Humperdinck, le gentil géant Fezzik et l’intrépide aventurier en quête de vengeance familiale Inigo. Toute cette bande de joyeux lurons vont vivre moult péripéties mais… N’importe comment. Sans tomber dans le comique de situation pur et simple qui consisterait à détruire tous les codes du genre pour en faire une énorme parodie, Princess Bride caresse ses clichés dans le sens du poil et les utilise sciemment pour appuyer son écriture. Un détournement de contes de fées qui le rend cool et amusant, tout en gardant un côté touchant et sensible.
Hipster Bride
S’il subsiste de nombreux reliquats de Princess Bride de nos jours, c’est que le décalage entre le genre exploité et la façon dont il a été réalisé, instaurait les prémices de la culture geek, avant qu’elle soit cool. Dans les années 80, être un nerd ou un geek, c’était pas vraiment la même joie qu’aujourd’hui, il faut le rappeler. Non, cette catégorie de la population était méprisée car nulle en sport, enfermée dans ses univers imaginaires avec des dragons, des sabres lasers et autres hoverboard. Les références qu’on a aujourd’hui étaient tout autant décriées car c’était le matériaux de base. Star Wars était cohérent et sérieux dans son univers, Jurassic Park aussi ainsi que Retour vers le futur. Princess Bride donnait une autre grille de lecture en parodiant subtilement un genre qui était encore émergeant : la Fantasy.
La puissance de la référence
Autre point de base important : la référence. Pour les aficionados, lorsqu’on prononce Princess Bride, un sourire en coin se dessine sur leur visage et alors qu’une virile moustache suivie d’une somptueuse coupe du mulet leur pousse subitement, ils déclament solennellement : « Yé m’appelle Inigo Montoya. Tou a toué mon pèrrre. Préparre toi à mourrir. » Maxime devenue culte et reprise à de nombreuses occasions, notamment sur les internets comme Meme et même dans How I Met Your Mothe,r dans le troisième épisode de sa dernière saison.
Sacré hispanique à l’épée dansante, Inigo n’est pas le seul à faire de Pincess Bride le film référence qu’il est aujourd’hui. Outre les petites phrases, un film doit son héritage aussi à ses situations et son ambiance. On pense notamment aux combats que Wesltey doit livrer contre les trois brigands, combats qui sont plus de l’amusement qu’autre chose tellement ils sont absurdes. Point culminant de cette séquence : la réflexion alambiquée de Vizzini, cerveau sicilien de la bande, qui passe 5 bonnes minutes à faire tout un chemin de pensée pour savoir dans quel verre Westley a mis le poison. Scène désormais culte et qui permettait dans la cour de récré de se jouer des moins intellectuels qui voulaient voler votre goûter.
Héritage
Si un film devient réellement une référence, c’est parce que son message continue à traverser les âges. Et il se trouve que pour Princess Bride, même s’il n’est pas au niveau des canons du genre cités plus hauts, force est de constater que de nombreuses oeuvres s’en inspirent ou y font référence de façon plus ou moins subtile. Si on voulait trouver le pendant « contemporain » (le film n’a que 28 ans), on pourrait aisément faire le lien avec Shrek. Un personnage de conte de fées qui d’ordinaire est méchant, est en fait gentil et sensible alors que le Prince ou la Marraine la bonne fée ne sont que de vilains complotistes. Bon là, on a un exemple assez extrême avec une série de films qui noie le spectateur sous un tsunami de références pop de manière outrancière. Malgré cela, on sent tout de même l’inspiration : reprendre un genre dit classique et jouer avec les codes de notre époque pour le remettre au gout du jour.
Princess Bride, ce n’est donc pas qu’une vulgaire histoire de capes et d’épées, de princes et de princesses. C’est avant tout un film témoin de son époque, conscient de son genre et pilier inconscient de la culture geek contemporaine. Bourré de références et de codes aujourd’hui utilisés par tout le monde, il est le chevalier de l’ombre qui, incompris à son époque, resurgit de temps en temps pour nous rappeler d’où la majeure partie de la production actuelle vient. Malgré son âge et sa réalisation un peu dépassé, c’est un bonheur de le revoir et de se rappeler que malgré les tendances, Princess Bride était réellement en avance sur son temps.
Crédits : ©DR
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