Découvrez la critique du Cerveau  pour la seconde partie de la saga Dune, signée Denis Villeneuve 

C’était une saga réputée complexe et impossible à transposer à l’écran à sa juste valeur. Impossible pour sa grandeur, sa complexité, son aura sur la littérature et le genre depuis sa publication en 1965.  Une saga complexe, qui est inscrite depuis plusieurs décennies au panthéon de la SF : Dune de Frank Herbert.

Après un premier opus acclamé en 2022, Denis Villeneuve revient pour la seconde partie de sa trilogie Dune, avec une suite plus grandiloquente visuellement, mais pauvre dans son essence.

SF engagée et engageante… à l’origine

Dune est une œuvre à part, entre tragédie, space-opéra, mysticisme et discours engagé. Une œuvre psychologique et militante à la résonance particulière, pour ses thèmes et ses idées avant-gardiste pour son époque : la préservation de la nature, la course au profit, la dénonciation de l’agriculture de masse, le népotisme menant à la dictature, le despotisme religieux, l’appel à la résistance face aux grandes puissances et aux élites… Un discours pertinent, encore plus aujourd’hui à vue des évènements  actuels, qui fait réfléchir son lecteur comme jamais.

Suite un peu pauvre

Cette suite sur grande écran, malheureusement, continue à nourrir le mythe de l’incapacité à réellement pouvoir adapter Dune à hauteur de l’œuvre originelle.

Pour une œuvre sensée déconstruire les idées de la colonisation occidentale, entre fondamentalisme religieux et intérêts économiques, en dépeignant des protagonistes malsains à l’œuvre dans le pillage de ressources à travers la conquête et l’expansion impériale, Dune Partie 2, propose le strict minimum vis-à-vis de l’œuvre originale. Le minimum, en faveur d’un film dénué d’intérêt concret, si ce n’est le voyage et le divertissement.

Voyage initiatique : Partie 2

Exclusivement centrée sur le voyage initiatique de Paul Atreides auprès des Fremmens, son histoire d’amour avec Chani et son futur triangle amoureux, ainsi que ses intérêts vengeurs vis-à-vis des Harkonnens, au fil de ses deux heures trente, Dune Partie 2, manque cruellement de substance et d’émotion.

Un film rythmé par des batailles et autres explosions révolutionnaires, points de parcours d’apprentissage et de mise en place de l’ascension – tel un phoenix – de la Maison Atreides à travers son héritier Paul (Timothée Chalamet), l’intrigue de Dune Partie 2, à l’image du premier opus, reste assez maigre.

Réflexion absente pour enjeux classiques

Alors que le film aurait pu proposer, surtout avec les nouveaux conflits de ce 21 siècle, une réflexion profonde sur le capitalisme, notre système géopolitique et les répercussions de la colonisation, comme le veut la tradition en science-fiction, afin d’éveiller les consciences et perpétuer les aspirations de son auteur, le Dune de Denis Villeneuve reste encore dans cet opus, une œuvre superficielle au profit du grand spectacle.

Anesthésie narrative

Un spectacle que le réalisateur et son directeur de la photographie exécutent à la perfection, entre art contemporain et influence du vieux cinéma de Science-fiction (Kubrick, Ridley Scott ou George Lucas parmi tant d’autres), aux couleurs marquées et paysages arides. Une narration pauvre qui était excusable dans le premier opus, puisqu’il mettait en place l’intrigue et ceux qui la portent, moins dans cette suite.

Un peu comme dans le premier film, le spectateur est vite anesthésié par le manque d’implication et investissement dans l’intrigue des personnages principaux du film, malgré un meilleur rythme et plus d’action.

Empathie où es-tu ?

Un manque d’implication, qui s’explique par le manque de projection avec les personnages du film, dont le charisme n’est pas des plus marquants, pourtant tous interprétés par un casting dont le talent n’est plus à démontrer.

Les deux heures et demie de Dune 2 proposent un voyage entre explosions, combats à la dague ou l’épée, autres chevauchées à dos de lombric géant dans le désert, agrémentées de fondamentalisme religieux, sans le poids émotionnel nécessaire pour rendre cette histoire plus profonde et fédératrice.

Fondamentalisme nécessaire face à la barbarie autochtone

Un fondamentalisme qui se traduit sous deux formes : celui de la mère Atréides (Rebecca Ferguson) qui utilise son statut de Bene Gesserit au profit de l’ascension de son fils et la préservation de sa descendance, mais aussi le fondamentalisme d’une foi aveuglée par les prophéties des âges, un peu barbare, alimentant le besoin de résistance face à l’oppresseur.

Même la déshumanisation des peuples asservis n’est pas dénoncée correctement, évoquées à peine à travers le personnage Harkonnen interprété par Dave Bautista.

Œuvre militante, sans revendication

On aurait aimé un discours plus profond sur les méfaits du détournement des croyances, notamment à des fins géopolitiques et coloniales. Surtout dans un film ou la majorité des personnages qui le portent ne sont pas issus de la diversité.

Une diversité presque invisible, proposée comme une masse informe, avec en figure de proue un homme à la foi aveugle (interprété par Javier Bardem) qui ne mène cette résistance qu’à travers ses croyances, face à une Zendaya plus moderne, hostile aux prophéties, mais monolithique au possible.

Une diversité qui était pourtant le moteur de l’œuvre originelle, entre célébration de la résilience des peuples arabo-musulmans du Maghreb et du Moyen Orient, ou de sa sagesse face aux puissances coloniales.

Résilience et résistance qui font écho à la libération algérienne dont Herbert a repris le slogan dans son livre pour en faire celui des Fremmen. Le Mahdi, Lisan Al ghaib et autre dérivés de la langue arabe et concepts musulmans ne sont pas une licence poétique, mais un écho à ces mouvement décoloniaux dont Herbert a été témoin en son temps, avec son œil américain.

Changement climatique

Quant au discours écologiste – si ce n’est la préservation de l’eau présentée comme un héritage ancestral de la part des peuples autochtones d’Arrakis au-delà d’une nécessité, dans un but de reconstruction – pourtant majeur dans l’œuvre Dune, il est ici quasi inexistant. Comme si cette nécessité d’eau n’était pas le pur produit des agissements de l’Empire et autres Maisons pillant les épices de cette planète, mais un héritage ancestral mystique.

Sur le politique, les grandes maisons de l’Empire ne sont focalisées que sur le rendement et leurs manœuvres de pouvoir, histoire classique vue et revue, que ce soit dans Star Wars, ou même Game of Thrones pour ne citer que ces deux oeuvres, plébiscitées massivement par le public.

Dune au cinéma est devenue une simple histoire de vengeance assez manichéenne, peu subtile, évoquant les concepts originels hérités des multiples guerres de l’empire chrétien sans pour autant les assumer, comme l’expansion territoriale impériale sur plusieurs siècles, ou réellement réfléchir sur ces héritiers et élites qui perpétuent massacres et désolation sur d’autres peuples par profit et pouvoir, de génération en génération, comme le dénonce le roman.

Aucune discussion ne se tient sur les agissements ou la psychologie, les états, voire morale des personnages, avec des dialogues n’existant que dans le simple but de faire avancer l’intrigue globale.

Thématiques effleurées en faveur de l’esthétique

Si les thématiques de l’œuvre littéraire peuvent se voir en filigrane dans le film (même si peu, voire non-évoquées), notamment pour les spectateurs aguerris qui ont lu et compris l’œuvre de son auteur, il est décevant de voir que la seconde partie du film de Denis Villeneuve se cantonne au spectacle classique d’un film à gros budget hollywoodien.

Un blockbuster servi dans une technique comme nulle autre, avec une photographie à couper le souffle, une esthétique que seul son réalisateur peut produire, d’une beauté et élégance indéniable, mais dans une narration dénuée d’intérêt, que ce soit vis-à-vis des enjeux de ses personnages, ou des thématiques inhérentes à la franchise.

Il est bien dommage, pour une œuvre si actuelle, porté par un réalisateur à l’œil sans pareil, de ne pas mettre en avant ces thèmes en concordance avec sa caméra, pour en faire une œuvre intemporelle, cette fois ci, au 7ème art.

DUNE PARTIE 2 : Bande annonce


crédit photos : ©WARNER