Critique du pilote de Will, série de l’été de la chaîne américaine TNT, inspirée par la jeunesse de Shakespeare
Quand est-ce que cette vague de surproduction télévisuelle va s’arrêter ? A l’heure de ce que tout le monde décrit comme un second « âge d’or » pour la Télévision, voici venu le temps des séries estivales. Celles du remplissage de l’été, saison où mêmes les sériephiles les plus investis lâchent leurs écrans pour profiter du soleil et de vacances loin du dur labeur de leur quotidien.
Alors qu’il y a quelques années, certains projets auraient avec certitude jamais vu le jour, en cette ère de surproduction sur des plateformes de diffusions diverses et variées, on propose ainsi et désormais des œuvres qui, en théorie, n’auraient jamais dû voir le jour. Un peu comme la dernière production de la chaîne TNT : Will.
Will… loin du véritable William
Poète, figure historique, maître du théâtre et de l’écriture, véritable témoin et décrypteur de la condition humaine, voici que la chaîne TNT propose sa vision de Shakespeare en série avec Will. Une réinvention de la vie du dramaturge qui continue à inspirer les artistes d’aujourd’hui (surtout dans les séries), où pléthore de scénariste sur grand ou petit écrans, n’hésitent pas à puiser leur inspiration chez ce génie du théâtre, auteur des pièces les plus grandes et les plus légendaires de l’histoire de l’humanité.
Il n’y a pas moins d’un mois que la chaîne abc, d’ailleurs, proposait elle aussi une revisite d’une de ses œuvres sous l’œil de Shonda Rhimes : Still Star Crossed. Une hérésie multiculturelle inspirée par la pièce du Maître : Romeo & Juliette. Will vient enfoncer le couteau dans la plaie et donner envie au Cerveau de crier : « Foutez la paix à Shakespeare une bonne fois pour toute ! »
Young Will
Will, c’est donc l’histoire du tout jeune William Shakespeare, qui abandonne épouse et enfants pour s’adonner à sa passion du théâtre. Le voici arrivé fraîchement à Londres – un Londres assez burlesque et beaucoup trop coloré (à l’image de la troupe qu’il va rallier) – qu’il se fait déjà alpager par un chenapan voleur, qui le mènera tout droit vers un théâtre. Ce même théâtre où ce dernier va commencer à écrire ses premières pièces.
Hérétique au bûcher
A la génèse de la gloire de Shakespeare en son temps vient se conjuguer une intrigue de guerre des religions, pour offrir un semblant de vraisemblance historique – certainement – et créer une autre intrigue adjacente à celle de Will qui commence sa carrière de poète et dramaturge.
Ainsi, un inquisiteur protestant lui voudra bien évidemment du mal dans la suite des épisodes, puisqu’il traque et torture les catholiques, sous les ordres de sa souveraine Elizabeth. Il se trouve – ça tombe bien, ou mal – que le pauvre Will est un catholique fervent croyant. Protestants apparaissent ainsi comme les ennemis attitrés de cette biographie et réinvention « pop » de l’histoire de Shakespeare.
Pop-Rock anachronique
Une série qui au-delà de vouloir rechercher visuellement un certain semblant de véracité historique, ose le mélange de chanson pop-rock, et ce dès la séquence d’arrivée à Londres pour notre protagoniste principal. Ainsi les Clashs retentissent avec la classique « london’s calling » de 1979 (plus cliché que ce titre quand on arrive à Londres, on ne peut pas mieux faire), dans une ville du 16ème ème siècle bruyante, pittoresque pour un anachronisme de mauvais goût sur fond de foule de figurants burlesques et risibles.
Cette obsession du rajeunissement et fantasme d’un Shakespeare beau jeune, fringant et séducteur (pour ne pas dire « beau-gosse ») n’était pas déjà vue dans le film Shakespeare in Love, peut-être que le Cerveau aurait été moins exaspéré par le héros ou même certains personnages secondaires. Notamment April, l’intérêt amoureux de notre héros. Il aurait même été indulgent face à une joute poétique dans une taverne, à la manière des battles de rappeurs dans les caves des années 90, au lieu de voir cette séquence comme une parodie nanardesque.
Infidèles !
Vous l’aurez compris, le Cerveau n’adhère vraiment pas à cette revisite « pimpée » pop-teen de l’histoire et du génie de Shakespeare. Comme une hérésie et un manque de respect au génie Shakespearien, Will est bien une série qui n’aurait jamais dû voir le jour.
Il faut arrêter de croire que la série historique peut-être revisitée à la « Reign » sauce CW sans que cela vire à la parodie. Reign a eu la chance d’avoir un semblant de profondeur et intérêt pour les jeunes spectatrices, notamment grâce au personnage féminin de Mary Stuart et même Catherine de Médicis.
Avec un nom aussi légendaire et charismatique que Shakeapeare on s’attend à beaucoup plus que ce que le Cerveau vient de voir. A défaut d’attirer une jeunesse qui n’a que peu d’intérêt pour le théatre, Will n’aide pas Shakespeare, pire, il pourrait même rebuter certain à l’idée de lire ou aller voir l’une de ses pièces, d’Hamlet à Richard III, en passant par Songe d’une Nuit d’été. Faites confiance au Cerveau, et passez votre chemin. Il y a des séries bien plus valorisantes et divertissantes à voir cet été que Will.
Crédit photos : ©TNT
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