Riad Sattouf nous présente sa nouvelle comédie, Jacky au royaume des filles. Idée intéressante sur le papier pour un résultat… Euh… Étrange ?

On n’y coupera pas cette année non plus, le cinéma français revêt ses plus belles tartes à la crème pour nous faire rire à s’en claquer les cuisses. De la bonne comédie à la française comme on les aime, avec message social en toile de fond et situations vaudevillesques à ne plus savoir qu’en faire. Alors qui avons-nous cette année pour représenter le genre ? Riad Sattouf ? Le réalisateur des Beaux Gosses ? Voila un bon gage de qualité pour visiter les bas-fonds du graveleux franchouillard. Le sujet ? Le sexisme ? Ah…

This is a woman’s world

Dans le magnifique pays de Bubunne, le pouvoir est tenu par les femmes. La Colonelle contrôle la gente masculine d’une poigne de fer, en leur faisant porter des sortes de burqa, en leur refusant l’accès à l’éducation et en les forçant à rester chez eux. Parmi ces hommes brimés, il y a Jacky. Vivant chez sa mère dans un petit village, il n’a qu’un rêve, épouser la fille de la Colonelle. Et quelle n’est pas sa joie quand il apprend que cette dernière organise une grande fête à la capitale pour choisir son futur “Grand couillon”. Il s’embarque donc dans un voyage au cours duquel il fera face au sexisme quotidien et devra apprendre à être un homme pour survivre dans ce monde de femmes.

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Le film débute sur un plan de Jacky (Vincent Lacoste) se masturbant devant une photo de la fille de la Colonelle (Charlotte Gainsbourg). Déjà, le cadre est donné. Amis de la poésie, passez votre chemin. Léger sourire de surprise pour les premières images. Long silence gêné pour les minutes suivantes. Cette scène est assez symptomatique du reste du film puisque certaines peuvent être drôles, mais on bascule ensuite dans dimension dramatique qui vient fausser la comédie. On se retrouve donc entre deux genres, partagés entre l’empathie pour ce pauvre Jacky et le rire  tombant à plat rapidement. Un film comique qui n’est pas drôle ? Avant-garde ou essai raté ? Révolution ou mascarade ? SPOILER ALERT : c’est juste raté.

Molière, dur aujourd’hui

L’idée d’inverser les genres au sein d’une société matriarcale est séduisante. Les hommes restent voilés à la maison pour faire la cuisine, sont harcelés par les femmes, n’ont pas le droit d’apprendre à écrire… Voila des intentions prometteuses. Surtout si c’est drôle. Seulement voila, l’humour, c’est un art plus complexe qu’il n’y parait. La comédie franchouillarde en particulier. Sur quoi reposent ces films qui nous ont tant fait rire ? C’est assez simple sur le papier : une confrontation entre deux classes sociales aux codes et aux mentalités différentes dont en ressort un décalage comique. Ajoutez à ça des situations improbables, quelques accents ou expressions exotiques et vous obtenez une comédie française acceptable. Et ça on le sait depuis Molière, initiateur de ces codes. Les Visiteurs, Camping, Le Père Noël est une ordure, Bienvenue chez les Ch’tis, La Grande Vadrouille… Les adaptations contemporaines de ces principes sont légions. Et là, adapté au conte de Cendrillon à l’envers, hé bien… Ça ne marche pas. Ne serait-ce que parce que le matériau de base n’est pas drôle mais à vocation dramatique (à part peut être Gusgus mais nous ,là, on l’a pas vu). Il s’agit peut être d’un malentendu après tout. Au lieu de le présenter comme une comédie, il aurait peut être mieux fallu en faire un drame. Surtout quand on voit l’environnement du film.

Jacky au royaume des filles illus2Cheb Khà l’aide

L’univers dépeint dans Jacky au Royaume des filles est une sorte de “Maghrébie à la française”, une vision stéréotypée d’un pays musulman, avec tout ce que cela implique. Pourquoi pas. Mais quand, à la critique du sexisme se mêle une critique religieuse et politique, on commence à grincer des dents. A force de vouloir tirer dans tous les coins, le réalisateur se perd dans son argumentaire et va même jusqu’à se contredire parfois. Ce n’est pas parce qu’on est dans un cadre humoristique qu’on peut tout se permettre. On peut offrir une réflexion par la parodie sur la condition du pays dans lequel on est (ou on diffuse le film puisque c’est de ça dont il s’agit ici). Grimer la culture d’un autre pays gratuitement, c’est limite.

Décalage horreur

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Nous avons donc un univers où tout le monde se connaît et aucune confrontation culturelle ne peut se faire. Et pourtant, les autres codes sont là : un nouveau langage aux sonorités ridicules et des situations au comique facile. Mais comme personne ne s’en étonne à l’écran, l’effet est le même dans la salle. Et il en va de même avec l’intention de départ qui est de mettre les hommes à la place des femmes et inversement. Une fois de plus, le réalisateur ne va pas au bout de la démarche et laisse de traits de caractères qui peuvent être considérés comme inhérent au genre. Voila de nouveau un postulat déterministe assez dérangeant Et c’est parfois dommage puisque le film possède de vraies bonnes idées peu développées dans d’autres films, notamment la scène de viol de Jacky par des policières ou la fille de la boutique qui le harcèle devant sa fenêtre le soir. Mais c’est rattrapé par sa trop grande ambition et sa mauvaise maîtrise du sujet comme le montre le twist final, qui vient réduire à néant le jeu de déguisements fort intéressant initié en milieu de film.

Jacky au Royaume des filles aurait pu être un bon petit film sympa s’il ne souffrait pas de la maladresse de son réalisateur. Le manque de parti pris sur le sujet principal et l’implication dans des détails plus secondaires en font une mauvaise comédie bas du front qui peine à extorquer un sourire aux moins neurasthéniques.

Bande-annonce Jacky au royaume des filles

Crédits : ©Pathé Productions