En salles le 30 août, Wind River, chapitre conclusif de la trilogie de Taylor Sheridan, tape dans les gencives et laisse un gout de métal tenace dans la bouche. Mais expliquons-nous un peu. La critique du Cerveau

Taylor Sheridan compte parmi les scénaristes les plus en vue du cinéma indépendant américain depuis quelques années, puisqu’on lui doit Sicario de Denis Villeneuve (en compétition officielle à Cannes en 2015) et Comancheria de David Mckenzie (4 nominations aux oscars 2017 dont meilleur scénario original et meilleur film). Or, ces deux films constituent, avec Wind River, une trilogie dense, complexe et brutale sur la frontière américaine moderne et ce qu’elle incarne pour l’histoire et le fonctionnement de l’Union.

wind river jeremy renner critique image 3Tantôt espace de passage, d’espoir, de confrontations ou d’isolement, la région frontalière est racontée par un scénariste, lui-même natif du Texas, comme le territoire oublié de la confédération américaine. Pour cet ultime chapitre, Taylor Sheridan passe derrière la caméra et porte son histoire comme on assume la responsabilité de la gravité de ce qu’on raconte. Alors, après Sicario et Comancheria qui se concentraient sur la frontière mexicaine et Texane, le réalisateur déplace son attention sur le Wyoming et la frontière canadienne, dans la réserve amérindienne de Wind River.

Désert blanc

En choisissant comme cadre un désert blanc et vert qui s’étend à perte de vue, le cinéaste choisit de construire ses personnages dans des conditions de vie si difficiles que rien ne semble pouvoir être doux et rassurant et où tout est une épreuve et un combat. Les familles se détachent, les rêves se défont et personne ne va nul part.

On y suit Cory Lambert (Jeremy Renner), un pisteur américain blond-blanc anciennement marié à une amérindienne, qui poursuit difficilement sa vie après une tragédie familiale. Dans le cadre de sa profession de pisteur de la réserve de Wind River, il découvre le corps sans vie d’une jeune femme native américaine, seule et pieds nus à 10km de la première habitation.

wind river jeremy renner critique image 4

Une jeune recrue du FBI, Jane Baner (Elizabeth Olsen) se voit confier l’enquête et demandera son aide à Cory Lambert, fortement lié à la communauté amérindienne et connaissant parfaitement l’immense étendue glacée qui servira de décors aux investigations.  Le cinéaste accompagnera alors le spectateur d’étendues givrées désolées, en habitations aussi délabrées que les familles qui les occupes, de la violence de la nature à la brutalité des hommes qui vivent sur ces terres.

Communauté brisée

Le film dresse sans trop épargner le spectateur, le portrait d’une communauté brisée par des conditions de vie bien trop difficiles, un climat fait pour personne et une jeunesse à la dérive. Sans complaisance et sans concession, le film n’épargne rien au public : ni les scènes difficiles, ni les réflexions impactantes qu’on emporte pendant longtemps après la séance.

wind river jeremy renner critique image 2

A l’image de ce drapeau américain à l’envers qui ouvre le film, Taylor Sheridan promène son spectateur dans une contrée qui n’est déjà plus tout à fait l’Amérique mais pas vraiment encore autre chose. Tout y est abrupt, hostile, trop grand, trop froid, trop loin. On notera également qu’à l’issue de la résolution, Wind River a l’intelligence et la décence de ne pas proposer de happy end factice et réconfortante pour le public.

Le film s’achève d’ailleurs sur un carton révélant que, s’il existe des statistiques sur les disparitions de personnes de toutes les origines, de tous les âges et de tous les milieux, ces données sont absolument inexistantes pour les jeunes femmes natives américaine. Et c’est surement là l’élément le plus glaçant de ce thriller polaire : la neige étouffe le bruit des pas de ceux qu’elle emporte.

Sioux Pride

wind river jeremy renner critique image 5On remarquera quand même que c’est un film sur la COMMUNAUTÉ AMÉRINDIENNE, avec un casting majoritairement AMÉRINDIEN (coucou le papa de Jacob de Twilight), dont l’action se déroule dans une RÉSERVE AMÉRIDIENNE, mais où les protagonistes sont néanmoins CAUCASIENS BLONDS AUX YEUX BLEUX, pour ne pas effrayer le pauvre spectateur CANNOIS. Qu’on se rassure : les victimes, elles, sont bel et bien natives américaines.

Cette réserve passée, et malgré une certaine réticence à la perspective d’un premier film réalisé par un scénariste, le métrage s’impose comme une réussite totale et nous laisse envisager de nouveaux projets aussi ambitieux que maîtrisés pour Taylor Sheridan. Une suite pour Sicario, intitulé Soldado, est d’ailleurs d’ores et déjà annoncée pour 2018. Et si on tenait une nouvelle voix sans concession du cinéma engagé Hollywoodien ?

Wind River : Bande Annonce

Crédit photos : ©Metropolitan Films