Silence, le dernier film du géant du cinéma Martin Scorsese, sort aujourd’hui dans les salles. Un chef D’œuvre narratif et visuel, pour un véritable film humaniste et historique, avec la remise en question de la religion sous un angle novateur. La critique du Cerveau.

Depuis La dernière tentation du christ en 1988, qui avait fait scandale a son époque à sa sortie, Martin Scorsese ne s’est jamais attelé à traiter des thèmes et sujet délicats – et intimes –  comme la religion et la foi. Pourtant voici qu’il revient aujourd’hui avec Silence, une histoire de moines jésuites et de croyants loin de l’occident, entre doute et foi sans questions. Un long métrage de deux heures, poignant et prenant, qui prouve que même à 74 ans, le vieux cinéaste en a encore sous le coude et sait raconter des histoires humaines, fortes, mais surtout intelligentes et universelles.

L’Orient spirituel et inconnu

scrosese silence image une droiteXVIIème siècle, deux prêtres jésuites (Andrew Garfield et Adam Driver) se rendent au Japon pour retrouver leur mentor, le père Ferreira (Liam Neeson), disparu alors qu’il tentait de répandre les enseignements du catholicisme. Au terme d’un dangereux voyage, ils découvrent un pays où le christianisme est décrété illégal et ses fidèles persécutés. Ils devront mener dans la clandestinité cette quête périlleuse qui confrontera leur foi aux pires épreuves, celle de la douleur, de la remise en question, et de la prise de conscience, qui mènera à leur salvation.

Parler de religion aujourd’hui est plus qu’une affaire d’intimité. Elle est devenue le sujet de conflits géopolitiques et même terroristes. La foi est devenue un symbole communautaire et est même mise en avant par nos propres politiques. Mais la foi reste un sujet complexe à aborder, surtout de nos jours, entre ceux qui voient la religion comme une aliénation de l’homme, et ceux qui en ont besoin pour fonctionner dans cette société moderne. Pourtant, Scorsese se lance sur le sujet malgré la sensibilité que celui-ci pourrait générer auprès du spectateur. Un challenge  supplémentaire pour un film adapté du roman éponyme de Shūsaku Endō, écrivain et catholique japonais, chose rare.

Doute et remise en question

Entre mise en avant du doute et croyance inébranlable, débat philosophique et mystique, Silence, est parfois entre la souffrance et l’héroïsme sans faille. Un film sur la force humaine et mentale face aux moments les plus durs de la vie, ceux qui favorisent la remise en question de ses convictions les plus profondes, de son soi intérieur, de ce que l’on pensait être. Entre séquences de tortures immersives et prise de conscience humaniste, voire héroïque, Silence est un film sur l’individu bien plus que le divin.

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Que de questions torturent les personnages dans Silence. Notamment Rodrigues, qui est torturé par sa foi autant que s’il l’avait été par ceux qui pratiquent des tortures physiques à ses ouailles : Doit-il trahir sa foi pour sauver les autres et ceux qu’il guide ? Doit-il continuer à croire qu’une puissance divine lui viendra en aide et qu’un miracle se fera tel que sa foi le dicte ? La foi est-elle plutôt une affaire de valeurs et de libre-arbitre ? Que de questions posées pour Rodrigues, qui remettront en question ainsi le spectateur, dans un véritable voyage immersif et débat intérieur sur ses propres croyances, face à l’adversité et la douleur humaine.

Héroïsme et Individualisme

scrosese silence image une droite basCe qu’on aime de plus dans Silence, c’est la mise en avant des deux personnages principaux au-delà de ce qui les caractérise à travers leur fonction de prêcheur. Les deux hommes sont exposés non seulement à travers leur doute, mais aussi leur ego, à vouloir sauver les autres, non seulement car leur foi leur dicte d’agir pour le bien commun, mais aussi dans un but narcissique et nourri de fierté. La fierté de ne pas se laisser faire, de combattre l’horrible, non pour des raisons morales ou religieuses, mais avant tout pour son bien-être et développement personnel.

Car oui la religion n’est pas qu’une question de règles de bienséance, de vie et de moralité, elle est aussi une question d’individu. Toute personnes choisissant ou ayant besoin d’un cadre tel que la religion, renonce quelque-part à son individualité, voire identité, surtout lorsqu’on choisit de dédier sa vie à cette dernière. Et Silence, c’est le combat silencieux de ces deux prêtres avec eux-mêmes, pour reprendre le contrôle de leur identité, individualité. Un peu comme un voyage initiatique, cette mise en danger par l’environnement dans lequel ils sont, loin de leur cadre occidental et leur confort religieux, et ceux qui leurs veulent du mal, est un bienfait qui va les pousser à se découvrir et puiser en eux la force et le courage de douter, pour le bien des autres et de soi.

Une leçon de cinéma

Le plus fou dans Silence est sa maîtrise de l’image, d’une beauté et d’un lyrisme hallucinant. Les choix de la direction photographique dans le jeu de la brume, de la lumière et des couleurs, froides, chaudes, offre plus de spiritisme et de mysticisme dans la mise en scène des deux protagonistes principaux, interprétés par Adam Driver et Andrew Garfield. Le spectateur se laisse porter au gré de ses paysages, pittoresques, tout aussi immersifs que l’intrigue du film, en créant ainsi une espèce d’échange avec le spectateur sur des sujets et thèmes universels, dans un environnement tout aussi intimiste que ces thèmes.

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Créant ainsi une symbiose entre le fond et la forme, l’image et la narration dans certains plans, comme s’ils étaient l’incarnation des états tumultueux des protagonistes. Une véritable leçon de technique du cinéma. Rien que pour cette prouesse visuelle, où les plans forment partie intégrante de l’intrigue, Silence mérite d’être vu, pour une véritable leçon de cinéaste. Du Maitre Scorsese. Du génie, qui désormais, s’érige comme un grand sage du cinéma.

Silence : Bande Annonce VOST

Crédit photo :©Metropolitan Film