Game of Thrones n’est pas une série Misogyne, bien au contraire !

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Retour sur une accusation beaucoup trop redondante sur Game of Thrones : la misogynie. Le Cerveau vous explique dans ce dossier, pourquoi la série n’est pas anti-féministe ni misogyne. 

Comme chaque année, le raz de marée Game of Thrones fait des ravages. Un tsunami du web que la presse spécialisée, ou non, s’approprie, par choix et non par dépit, pour répondre aux attentes des spectateurs qu’ils soient fans ou non, lecteurs des romans ou pas, pro ou anti-spoilers. Oui, soyons honnêtes, quand on est un média, notamment sur le web, ça paye d’écrire sur Game of Thrones, même si cela frise l’overdose.

Tout le monde écrit et parle de Game of Thrones. Comme si une pression sociale était de mise quand il s’agit d’une série aussi plébiscitée par le public. Chacun y va de sa chronique ou de son analyse : du simple recap d’épisode, aux résumés en gifs hilarant, en passant par l’analyse des thèmes et des motifs de la série, sa construction, sa lenteur, ses interviews exclusives ou ses chroniques pour ou contre la série.

Mais depuis deux ans, la série qui a bouleversé le paysage audiovisuel contemporain, par sa production bodybuildée et ses audiences record, tout comme son écriture qui renouvelle les séries, notamment celles de genres, est accusée de beaucoup de maux. On lui reproche d’être lente, violente, gore, raciste (accusation tirée par les cheveux n’est-ce pas ?) et même depuis quelques temps d’être : misogyne.

La misogynie. Une accusation facile lorsque les personnages féminins sont maltraités ou décriés dans une série. Le sexisme est arboré notamment quand ses créateurs et showrunners sont des hommes. Mais là dans Game of Thrones, la misogynie n’est pas une accusation valide.  Game of Thrones a ses défauts, sur beaucoup de sujets, mais pas celui du traitement des femmes. Bien au contraire, elle a remis la femme au pouvoir, la femme au premier plan, sous toutes ses formes et ses coutures, après un début du second millénaire un peu rétrograde pour les femmes à la télévision.

Méchant Seigneurs qui avilissent la femme

Game of Thrones est, avant d’être une série de tous les succès, un roman écrit par George R.R Martin. Un roman écrit par un écrivain anciennement journaliste et scénariste, fan de fantasy (notamment des écrits de Tolkien) et féru d’Histoire. L’auteur le dit lui-même, son épopée de fantasy est inspirée par la Guerre des Deux Roses au 15ème siècle, qui oppose deux grands clans anglais, les Lancaster et les York.

Inspiré par l’époque médiévale et soucieux du détail, Martin fait de Game of Thrones un grand roman de fantasy pour adultes, inspiré par des situations dramatiques dignes des grandes tragédies grecques (de l’inceste, au viol, en passant par la soumission des femmes, la folie de la religion…), un peu comme Tolkien a pu le faire dans un de ces romans les plus adultes : Les enfants de Hurin. On peut ainsi reconnaître des références à la mythologie antique, avec un parallélisme flagrant entre les prêtresses rouges et les pythies grecques, ou même l’obscurantisme des croisades avec la mouvance des Moineaux à Port réal.

Game of Thrones Saison 3 : la pub avec les fans - Une

Il est donc compréhensible que la description et construction des personnages féminins dans Game of Thrones soient archaïques, dans un souci de vraisemblance romanesque. Car oui, même si c’est une série de fiction et de fantasy, avec des grands loups et des dragons, des géants et des zombies des glaces, ces éléments fantastiques ne sont fantastiques que si des références à une certaine réalité historique sont inclus dans l’écriture de l’intrigue.

game-of-thrones-pop-cultureAinsi, rappelons-le, pour ce qui l’oublient, Game of Thrones est une série qui s’inspire de l’obscurantisme. Une époque où les femmes étaient une monnaie de transaction entre nobles et riches, afin de rallier leurs clans et richesses. Elles étaient souvent vouées à la prostitution si livrées à elles-mêmes et issues des classes les plus basses, mariées de force ou même échangées. La femme, on l’oublie assez souvent dans nos pays occidentaux, n’est libre que depuis moins d’un siècle, n’a le droit de vote que depuis le siècle dernier, mais surtout, n’est toujours pas l’égale de l’homme encore dans certains pays du monde. Donc oui,  la femme montrée dans Game of Thrones n’est qu’une pâle et faible illustration de ce que les femmes ont pu subir sous le joug des hommes depuis la nuit des temps, même si son intrigue relève de la pure fiction. Et non, la série n’a pas pour but de rabaisser ses personnages féminins ou prouver qu’elles sont en dessous des hommes.

La Femme dans Game of Thrones

Le Cerveau ne va pas radoter ou se répéter sur l’histoire des femmes, et des femmes fortes à la télévision. Il avait déjà fait un dossier sur ce sujet, à relire ou découvrir, sans hésitation. Un dossier qui revient sur la révolution Game of Thrones, série de fantasy, qui n’hésite pas de mettre à nouveau la femme, et la femme forte, à l’honneur.

Dans Game of Thrones, on est loin de la misogynie, mais elle est constamment remise en avant à chaque interview avec certaines actrices. La dernière en date à devoir répondre à cette accusation est l’actrice Nathalie Dormer, l’interprète de  Margaery. Avant elle, Emilia Clarke, qui elle a réfuté ces accusations, tout en réclamant une parité dans la nudité des personnages.

Pour la première fois dans une série de fantasy, les femmes, et toutes les catégories de femmes, sont mises en avant. Oui, quoi qu’on en dise, les femmes dans Game of Thrones sont les véritables héroïnes de la série et dépeintes sous toutes les coutures possibles et inimaginables. Mais il est vrai que parfois, quand elles sont en situation de crise, la violence qu’elles subissent peuvent avoir l’air d’être une injustice face au personnages masculins, puisque la narration est beaucoup trop rapide et ne prend pas le temps de s’attarder sur les répercussions des violences envers les femmes, les rétributions suivant ces violences, ou leurs conséquences sur les hommes.

La multiplicité des personnages et des intrigues ne permet déjà pas de développer assez les enjeux politiques, narratifs et fictionnels de la série vu son rythme et sa structure, quant à débattre des injustices envers les femmes… Cependant, prenons Sansa, victime de violences tant à King’s Landing que suite à son mariage avec l’ordure Bolton. Dans cette dernière saison, la jeune fille qui était une caricature d’enfant capricieuse et « chialeuse », est désormais une femme qui vit avec les conséquences de ce qu’elle a subit, de son histoire et héritage familial, qui s’impose comme une Lady pour récupérer son domaine, malgré ses douleurs.

Révolution Féministe

brienne vs the hound-propreDe Brienne, la femme chevalier au code d’honneur et la carrure imposante, en passant par la petite Arya, guerrière en devenir, Daenerys, une Reine d’honneur et de compassion, Cersei, la femme machiavélique, car oui les femmes ne sont pas que des anges, ou les femmes de Dorne, libres et guerrières…. Et on en passe ! Game of Thrones, tant la série que les romans, est une œuvre féministe, qui remet en avant les forces des femmes à une époque où ces dernières, comme le Cerveau le disait plus tôt, n’avaient pas de titre ou d’utilité autre que procréer et assurer la descendance d’un clan.

Dans Game of Thrones chaque femme essaie de jouer de ses positions pour être maître de son destin. On l’a vu une fois de plus avec Daenerys capturée par les Dothraki, soumise avant de se libérer et de prendre la tête de ce peuple barbare. On a pu le voir encore avec Arya, qui n’hésite pas à s’attirer les foudres des Sans Visages, ou Sansa, qui s’impose cette saison et prend part aux décisions militaires avec son frère, pour reprendre Winterfell. C’est même elle qui les sauvera, en choisissant de rallier l’Eyrie à sa cause en fin de bataille dans le dernier épisode, diffusé dimanche.

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Des femmes fortes et indépendantes, comme une volonté de réinventer l’Histoire de la part de George R.R. Martin. Ou tout simplement de rendre hommage aux grandes femmes de l’Histoire, comme Catherine de Medicis ou Marie Antoinette, Marie Stuart…. Game of Thrones montre une meilleure réalité historique de ce qu’était le moyen-âge dans ses cercles monarchiques et féodaux. La position des femmes au Moyen âge était plus complexe que ce qu’on imagine, elles étaient souvent un véritable pouvoir caché derrière les grandes figures masculines de l’Histoire.

Malgré tout, certains voient des « techniques narratives qui font triompher systématiquement les hommes ». En argumentant sur des séquences violentes de viols ou de nues, à leurs sens, gratuites et sans intérêts.

Le viol

Le viol. Voici un sujet complexe et difficile dans les arts audiovisuels. Un sujet qui touche avant tout les femmes, mais aussi les hommes. Dans Game of Thrones, le viol est un sujet récurrent, qui touche essentiellement les personnages féminins de la série dans des séquences assez dures, tant mentalement, que visuellement.

On pense au mariage forcé de Sansa à Ramsay Bolton, avec ce hors-champs mémorable sur le visage horrifié de Theon, comme un miroir des réactions des spectateurs devant leurs écrans. On pense aux femmes dans la demeure de Craster, soumises à la tyrannie des rebelles de la Garde de Nuit, usées comme marchandise. Game of Thrones s’est même conclue dans son pilote par une scène de viol : celui de Daenerys par Khal Drogo.

Mais la plus dure et la plus controversée reste celle de Jaime et Cersei devant le cadavre de leur fils. Une scène violente où la femme se débat avant d’accepter l’inévitable de la part de son amant. Une séquence qui rappelle que le viol peut aussi être commis par celui qu’on aime, au sein même d’une structure conjugale.

« Le viol c’est anti-féministe ! »

Des séquences que certaines féministes (nouvelle génération) dénoncent comme étant une preuve de la misogynie de la série. Depuis quand le viol est un argument misogyne ? De plus, il n’est pas l’apanage de cette série. On a pu le voir dans Bates Motel, Oulander, Les Soprano, Top of the Lake, Desperate Housewives (avec le viol d’un homme), The Magicians, ou Reign et Jessica Jones, pour ne citer que celles-ci. Et avant de dénoncer un quelconque effet de mode, toutes ces séquences ou références au viol ont une cohérence narrative et dénoncent une réalité que l’on doit voir. Mais surtout, ne sont pas choisies dans le simple but d’avilir la femme ou choquer le spectateur.

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Oui le viol est dur, le viol fait mal, surtout quand on est une femme devant un écran. Mais il est une réalité qui doit être montrée, discutée et acceptée, pour en finir avec ces violences. Chaque séquence de violence dans Game of Thrones vis-à-vis de la femme a ses conséquences narratives et psychologiques (on vous l’accorde, le Cerveau se serait bien passé de la séquence entre Jaimie et Cersei). Si dépeindre le viol dans une œuvre est un symbole de misogynie, alors le film Irréversible n’aurait jamais reçu l’accueil salué par la critique à sa sortie en 2002, et surtout ne marquerait pas un tournant dans l’histoire du cinéma : celui d’enfin traiter un sujet jusqu’ici tabou. Les Soprano serait, d’ailleurs, elle aussi, une série misogyne loin de la perfection qu’on lui incombe depuis qu’elle a quitté nos écrans.

Difficile à regarder, mais pas sexiste

Des scènes difficiles à regarder mais qui permettent justement d’ouvrir les yeux sur une réalité que les femmes subissent et peuvent subir. Le cinéma et la télévision, sont des fenêtres métaphoriques sur notre monde, et un moyen de vivre à travers des personnages et des intrigues fictives, des expériences que tout à chacun ne pourrait être amené à vivre. Et plus l’émotion et l’empathie sont exacerbées dans ces œuvres, plus l’expérience a son impact sur le spectateur.

Le mythique interprète de Joffrey, Jack Gleeson, avoue lui-même dans une interview qu’il a beaucoup de mal à regarder Game of Thrones, notamment ces séquences de violence envers les femmes. Surtout que son personnage psychopathe en a perpétré pas mal. Il l’avoue, la série est dure, et difficile à regarder – même pour lui – mais pas misogyne : « C’est une chose difficile de représenter la misogynie de cette façon. Je ne dirais pas que la série approuve implicitement la misogynie ou toutes autres sortes de violences faites aux femmes. »

De plus la série ne fait pas que dépeindre des violences envers les femmes. Elle a montré des violences tout aussi horribles avec les hommes, que ce soit avec la castration de Theon, ou les séquences de batailles osées, avec la Montagne ou le Limier face à Brienne, qui s’échangent sans vergogne des coups dans l’entrejambe. Certes, ces violences paraissent moins « gratuites » aux premiers abords mais reste des violences assez dures à regarder. Notamment concernant le personnage de Theon, réduit au rang d’animal par l’odieux Ramsay Bolton.

Empathie et éducation

GOT-JOFFREYDans la même interview au Daily Beats, Jack Glesson déclare aussi qu’« en tant qu’homme de 23 ans, je ne pourrais jamais imaginer ce que ressent une femme agressée sexuellement. Mais je pense que parfois il faut représenter des choses horribles à l’écran, même s’il s’agit d’un divertissement, car il faut exposer ces choses, parce qu’on ne verra pas cela ailleurs et permet l’empathie. Cela doit être très traumatisant et stressant de regarder ces scènes. »

Une déclaration qui souligne bien l’idée d’expérience et d’empathie. Non, Game of Thrones ne vulgarise pas le viol, bien au contraire. Parfois certaines séquences sont maladroitement amenées. Certes, elles créent leurs lot d’émules auprès des spectateurs, notamment sur les réseaux sociaux, mais elles sensibilisent, à moindre échelle, en montrant une réalité historique, mais aussi de notre temps. Oui, la femme peut-être violée, même dans notre société. Et oui, même dans notre monde contemporain, la femme est toujours considérée comme un objet. Le voir dans une série tel quel, n’est pas forcément banaliser le sujet, bien au contraire.

Game of Thrones saison 5 khaleesi  test blu-ray

A vouloir rechercher des polémiques dans certaines séries, il est facile de s’égarer et faire fausse route. Le féminisme est une notion bien plus complexe que celle de montrer la femme comme l’égale de l’homme ou sous son meilleur jour. C’est admettre la femme telle qu’elle est. Il existe des œuvres sexistes et misogynes à la télévision, qui réduisent la femme à des stéréotypes assez dévalorisant (comme House of Cards, Doctor Who, Sex and the City ou Scandal... par exemple), mais Game of Thrones n’en fait pas partie, loin de là. Elle est une série qui a offert une vitrine sans pareille à des personnages féminins de multiples variétés et permis à certaines de ses actrices d’être fières d’incarner des modèles de Femmes Fortes à la télévision. Ce n’est pas pour rien qu’une explosion de naissance d’Arya a été enregistrée depuis l’avènement de la série.

Game of Thrones a bon nombre de défauts, ce n’est pas le Cerveau qui dira le contraire, mais la misogynie n’en fait pas partie, qu’il n’en déplaise. Par contre si certains souhaitent s’attaquer au véritable sexisme et misogynie dans une série, le Cerveau propose Mad Men. Dans le genre winner catégorie avilissement de la femme, Don Draper est hors-compétition et largement gagnant !

Crédit photos :©HBO

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