Lesbienne et série : pourquoi ça ne fait pas bon ménage ?

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Depuis la mort très controversée de Lexa dans The 100, la question de la représentation des lesbiennes dans les séries revient sur le devant de la scène. Le Cerveau se penche donc sur cette polémique qui secoue les réseaux sociaux dernièrement.

Même si les lesbiennes sont présentes plus fréquemment dans nos chères séries télévisées, on remarque que les personnages ne sont que trop rarement développés. En seulement trois mois, l’année 2016 a déjà vu huit lesbiennes mourir dans des séries télévisées, dont les morts controversées de Lexa (The 100) et Denise (The Walking Dead) récemment. On peut donc se poser la question : pourquoi les lesbiennes sont-elles aussi mal représentées dans les séries télévisées ?

Une problématique aussi vieille que les séries TV !

Clexa-the-100-1453479866La première lesbienne a avoir été tué dans une série remonte à 1976, dans Executive Suite où Julie, alors qu’elle poursuivait la femme qu’elle aimait, a été renversée par une voiture. Et depuis 1976, c’est un total de 147 personnages féminins lesbiens ou bisexuels qui ont été victimes de leurs showrunners. Et ce phénomène est de plus en plus récurrent. Alors qu’en 2012, on déplore huit personnages décédés, en 2015 c’est un total de 24 lesbiennes, victimes de ce trope que l’on appelle The Dead Lesbian ou Bury Your Gays.

Un public LGBTQ qui se sent manipulé

Il est vrai que les représentations LGBTQ dans les séries télévisées ne sont que trop rarement développées. Bien souvent, les showrunners donnent beaucoup d’espoir à cette communauté en créant des personnages forts et intéressants à suivre, ce qui leur rapporte de l’audience et va entre autre permettre de renouveler une série, puisque la communauté LGBTQ représente un nombre conséquent de téléspectateurs et est très active sur les réseaux sociaux.

Mais lorsqu’un personnage LGBTQ est supprimé d’une série, c’est un sentiment d’abandon et de trahison qui saisit les fans. Dans un article, Variety rappelle les règles majeures pour réussir une série télévisée, dont celle-ci : “ne trompe pas les fans ou ne leur donne pas de faux espoirs”. Être trompé, spolié (et pas au sens spoiler… ) c’est exactement ce que ressentent les fans après la mort d’un personnage important, comme le prouve le tweet ci-dessous, qui résume le sentiment général de la communauté LGBT :

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Seulement, ce que n’imaginent pas forcément les showrunners en agissant ainsi, ce sont les conséquences et l’impact que cela engendre, comme une perte d’audience et de fans. Par exemple, dès le lendemain de l’épisode de The 100 “Thirteen”, où Lexa a été tuée, Jason Rothenberg a perdu plus de 10 000 followers sur Twitter.

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De plus, les audiences de The 100 ont chuté de 1.39 millions de téléspectateurs à 1.25 millions pour le huitième épisode, après la mort de Lexa. Les showrunners doivent comprendre que, face à une représentation LGBTQ aussi faible à la télévision et un taux de décès chez ces personnages aussi haut, tuer un personnage lesbien comme Lexa ou Denise affecte énormément cette communauté dans leur audience, communauté qui se sent délaissée et surtout très mal représentée systématiquement dans les série. Lexa aura été la goutte d’eau qui donne un peu plus de visibilité à un problème à l’écran que peu discuté ou mis en avant tant sur la toile que dans les médias.

Une question d’égalité et de soutien

Il est connu que les séries télévisées sont très regardées par les adolescents ou les jeunes adultes. À cet âge, la question de la sexualité peut être un problème. Malgré une société qui paraît de plus en plus tolérante, il reste tout de même difficile pour une personne LGBTQ de s’assumer. Hors, les séries télévisées devraient offrir un certain réconfort en représentant cette communauté de manière à encourager ceux qui se sentent « différent » à être eux même dans la société, en particulier les lesbiennes qui sont encore moins présentes dans les séries que les gays. Mais ce n’est absolument pas le cas.

Le trope télévisuel Bury Your Gays prouve que cette représentation n’est pas la bonne. Pour ces personnages, pas de happy-ending, pas de longues relations amoureuses, et sont rarement en position de force ou de pouvoir. Même s’il y a des exceptions comme Steph et Lena dans The Fosters, ces dernières sont bien trop rares et restent des cas isolés. Il est difficile de s’identifier à un personnage qui meurt au bout de deux saisons et qui n’est pas réellement développé par les showrunners de la série. Ce qui manque actuellement dans le paysage télévisuel, c’est une multiplication des représentations positives auxquelles les lesbiennes peuvent s’identifier. En gros aujourd’hui, tu peux être un personnage principal ou secondaire Bi ou Lesbien à la TV, avoir un travail cool, comme Callie ou Arizona dans Grey’s Anatomy, chirurgien ce n’est pas rien,  mais être en couple stable, c’est trop demander…. Ce qu’on note c’est que le verre n’a jamais été plein pour les femmes gay à la TV, si elles ont une position forte, elle ne peuvent pas être dans une position personnelle stable, et vice versa… A croire qu’elles sont interdite de stabilité, comme si leur orientation sexuelles forçait une instabilité quelconque à en croire les femmes dépeintes dans les séries…

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Vitrine du Monde

La télévision doit se rendre compte qu’elle a un devoir, celui de représenter de manière égale toutes les différences de l’être humain, y compris les différentes sexualités, surtout quand la société n’assume pas encore la diversité, encore moins sexuelle. La télévision doit être le porte-parole des minorités, dans un processus d’égalité, et les représenter comme il se doit, avec respect et attention. Pas seulement pour avoir une hausse d’audience sur une saison ou deux. Si certaines minorité ethniques commencent à s’imposer en télévision loin des stéréotypes raciaux qui leur étaient collés à l’écran (comme Ugly Betty, Black-ish, Jane the Virgin, Devious Maids) et les dépeignant comme tout un chacun, avec leurs vies, leurs amours et leur problèmes, pour les gay et lesbienne, il y a encore du chemin à faire.

D’après les dernières statistiques de GLAAD (Alliance Gay et Lesbienne contre la Diffamation), parmi les 884 personnages principaux à la télévision, seulement 4% (35 personnages) sont LGBTQ. De plus, il est fort probable que la plupart d’entre eux soient des hommes homosexuels, ce qui rendait le personnage de Lexa dans The 100 encore plus important aux yeux des jeunes fans en quête de rôle auquel s’identifier.

Une communauté soudée qui se fait entendre

En répolgbt-fans-deserve-betternse à ce queer-baiting, c’est à dire attirer l’audience par des personnages gay auxquels des spectateurs gays vont forcément s’attacher, les fans de séries se sont rassemblés pour faire entendre leur mécontentement. Sur Twitter, en particulier, le #LGBTfansdeservebetter était en TT Monde tout au long de la semaine qui a suivi la mort de Lexa. Mais la mobilisation ne s’est pas arrêté à un simple hashtag. Les fans ont décidé d’utiliser toute cette rage et cette déception pour la bonne cause avec une campagne de levée de fonds pour l’association The Trevor Project, qui travaille sur la prévention du suicide chez les jeunes LGBTQ.

Et le résultat est impressionant : plus de 60 000 dollars ont déjà été récoltés, et les dons ne s’arrêtent pas. Pour mobiliser un maximum de personnes, deux sites internets ont été mis en ligne (http://www.lgbtfansdeservebetter.com/ et http://wedeservedbetter.com/) par les fans de The 100 pour relayer la campagne et les informations concernant le phénomène du queer-baiting.

Face à une telle pression des internautes et des médias, le showrunner de The 100, Jason Rothenberg, a de nouveau réagi à la polémique dans une longue lettre adressée aux fans de la série. Il y explique comprendre les réactions qui ont suivi la mort de Lexa, mais ne s’excuse aucunement de ses choix. Il n’est pas sûre que cette tentative d’apaisement soit un réel succès, car le message des fans est très clair depuis le début de cette rébellion connectée : ils ne cautionnent plus ce trope télévisuel devenu trop récurrent. Il est temps que la télévision prenne réellement en compte la communauté LGBTQ, au risque de subir les foudres des téléspectateurs et des internautes, plus agacés que jamais par la situation.

Pour prendre conscience de l’ampleur du phénomène, le Cerveau vous laisse découvrir une vidéo qui reprend les morts de personnages LGBTQ dans les séries, avec le témoignage touchant d’un jeune homme en fond sonore (des sous-titres sont disponibles en anglais)

Crédit photo : Droits réservés

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