Après quelques années où critiques et fans n’ont eu de cesse de lui tomber dessus, Tim Burton tente maladroitement de régler ses comptes avec Big Eyes.

Depuis le suicide artistique collectif qu’était Alice aux pays des merveilles, dire que l’ex-génial Tim Burton était en perte de vitesse serait un doux euphémisme. Le Live Action n’étant pas son fort, surtout quand il est adapté d’une intrigue ou d’une oeuvre loin de son monde et ses univers gothiques, comme Dark Shadows, pour ne citer que celui là, Tim Burton semble avoir perdu son mojo, la magie qui a fait de lui un réalisateur de renom, cultissime et reconnaissable. Seul Frankenweenie sortait un peu du lot, même si l’avis n’était pas unanime, l’univers du réalisateur offrait un peu de magie dans son dernier long métrage d’animation. Mais qu’à cela ne tienne, le réalisateur en a assez qu’on lui casse du sucre sur le dos et revient en grande pompe avec… Un biopic ? Sur une obscure peintre des années 50 ? Circonspection. Loin de son genre de prédilection. Le Cerveau avait comme un doute.

Dans le bouillon

big eyes plus gros que le ventre illus3Margaret Ulbrich est malheureuse en ménage. Elle décide donc de quitter son mari en secret en emmenant sa fille Jane avec elle. Toutes deux s’installent à San Francisco pour recommencer à zéro. Sauf que dans les années 50, être une femme divorcée, professionnellement, ça fait un peu tache sur le CV. Mais Margaret n’en a que faire, n’importe quel petit boulot lui ira tant qu’elle aura de quoi subvenir aux besoins de Jane et qu’elle pourra exercer sa passion : la peinture. C’est d’ailleurs grâce à son art qu’elle rencontre Walter Keane, lui aussi peintre amateur. Tous deux vivent une idylle et afin d’éviter de perdre la garde de sa fille, Margaret Ulbrich devient Margaret Keane. Walter démarche les galeries d’art pour exposer leurs oeuvres à tous les deux. Mais il se trouve que les enfants aux yeux tristes et surdimensionnés de Margaret plaisent plus que les scènes parisiennes de son mari. Qu’à cela ne tienne, il a l’idée de s’attribuer les « Big eyes », au détriment du sentiment de sa femme. Mais ça n’est que le début des ennuis pour la pauvre Madame Keane.

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En face des trous

La bande-annonce promettait un retour du fantastique, à l’univers comico-macabre tant apprécié de Tim Burton. Il n’en est rien. Cela durera dix secondes avant le retour à un conformisme conventionnel, lisse et décevant pour Tim Burton. Heureusement que les performances d’Amy Adams et de Christoph Waltz viennent donner un peu de profondeur à un film kitsh et creux. Burton étant un ami proche de Margaret Keane, cela explique certainement son désir d’adapter son histoire sur grand écran. Cependant, certains messages du film laissent à penser que n’est pas la seule raison.

Louche

big eyes plus gros que le ventre illus2Dans le film, un critique d’art du nom de John Canaday attaque Walter Keane pour sa fresque offerte au siège de l’ONU qu’il juge beaucoup trop « Keane, beaucoup trop kitsch ». Canaday est d’ailleurs placé dans le rôle de l’antagoniste aux côtés d’autres comme Jason Schwartzman dans le rôle d’un propriétaire de galerie huppée jugeant le travail des Keane médiocre. Il y a ici une claire critique de la bourgeoisie bien pensante déterminant ce qui est Art et ce qui ne l’est pas, ajoutée au personnage de Margaret qui se retrouve détroussée de ses oeuvres par son marketeux de mari

Une critique qui est peut-être justifiée mais qui passe mal, surtout que Big Eyes est le film le plus impersonnel et aseptisé du réalisateur. La dissonance entre le discours du film et la réalité de Tim Burton est presque embarrassante. Surtout que le réalisateur n’a jamais hésité à faire des films de commandes. Ses plus râtés, d’ailleurs.

En soi, Big Eyes est un bon film, avec ses moments drôles, ses moments tristes, de bons acteurs et une réalisation classique peu désagréable. Cependant, quand on connait le talent du réalisateur derrière, il est normal de s’attendre à autre chose qu’un biopic léché que n’importe qui d’autre aurait pu réaliser. Ajoutez à ça un léger sentiment de règlement de compte persistant et Big Eyes ne semble plus aussi charmant qu’il en a l’air.

Big Eyes : Bande annonce

Crédits : ©Studio Canal