Le Cerveau a pu voir L’interview qui tue, symbole anti-repression et anti-censure, pour un film qui est loin des idéaux qu’on lui prête. La critique.

Tout ça pour ça. Une phrase qui résumerait l’affaire qui a défrayé la chronique ce dernier mois. Une affaire de censure pour un film qui aurait totalement pu passer inaperçu si on ne lui avait pas attribué la dimension politique qu’il est loin d’avoir, et si la Corée du Nord et certains pirates ne lui avaient pas donné autant d’attention.

the-interview-movie-seth-rogen-james-franco-4-600x399Malgré une sortie exclusivement américaine en salles et sur les réseaux VOD, le Cerveau a pu voir L’interview qui tue, comédie qui atteint déjà plus d’un million de dollars au Box-Office et explosé les charts sur les plate-formes de téléchargement illégal. Pourtant L’interview qui tue est loin d’être le film de l’année. S’il restera dans les annales et s’il intéresse autant le monde, c’est certainement et sans aucun doute à cause de la cyberattaque de ses studios et des menaces qui en ont découlés. Et rien de plus.

L’interview qui ne nous tuera pas de rire

L’interview qui tue (d’ennui, de désespoir, de désolation….) est bien un film comme on s’y attendait : blagues salaces qui font avant tout rire ceux qui sont à la production du film, déconnade entre potes, célébration d’une bromance, boutades un peu scato, blagues en dessous de la ceinture, autour de l’homosexualité, stéréotypes… Bref, rien de bien fameux. L’interview qui tue est bien un film dans la lignée de ceux de son genre, de Scary Movie à C’est la Fin, en passant par Brüno ou The Dictator. Une intrigue improbable, deux guignols qui n’auraient jamais dû avoir cette responsabilité, pour un film qui divertit ses spectateurs tout en mettant leurs cerveaux en mode « veille ». Un film qui rend même Kim Jung Un presque sympa.

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On s’attendait aussi à une critique des médias et de l’évolution du traitement de l’information, majoritairement nivelée vers le bas et people, vu le postulat de départ : à savoir deux journalistes mandatés par la CIA pour assassiner un dictateur. Mais même cette thématique, somme toute facile, reste quasiment absente. L’interview qui tue reste quand même un film loin d’être désagréable, et on se marre pas mal, notamment avec les références incessantes au Seigneur des Anneaux du personnage de Franco. Mais il n’est pas le film qui méritait une escalade pareille et le lancement d’un affrontement cybernétique de cette ampleur.

Symbole malgré lui

the-interview-lizzy-caplan-james-franco-seth-rogen critique brain damagedUn film qui ne vole pas très haut et qu’on regarde sans vraiment regarder, parfois amusé, parfois dépité, mais surtout ahuri que ce film soit devenu le porte-étendard de la défense d’une liberté inaliénable : à savoir le droit d’expression, peu importe le sujet.

Oui, c’est bien un film peu recherché sans réel fond, qui est devenu un symbole des temps modernes, et ce, malgré lui. Un film qui a désormais une dimension qui le dépasse, chose peu prévisible puisque d’autres dans la même veine que celui-ci n’ont pas eu cet honneur, pourtant très satirique.

L’interview qui tue n’a même pas même l’honneur d’être une satire. On est loin du Dictateur de Chaplin (1940) c’est sûr, et bien en dessous de C’est la fin ou The DictatorPourtant L’interview qui tue est devenu un acte militant. Un symbole anti-censure, anti-totalitarisme et surtout un film à voir qui n’expliquera ni n’aidera à comprendre l’attaque contre Sony Pictures, attaque qui a fait trembler Hollywood et failli créer un précédent de censure contemporaine. Nous sommes rentrés dans l’ère où l’on a peur d’un film comique sans second degré, et pour lequel on serait capable de rentrer en guerre. Et ça, ça fait vraiment peur.

L’interview qui Tue : Bande annonce

Crédits photos : © Sony Pictures / Columbia