Critique du film Qu’Allah Bénisse la France, première réalisation d’Abd Al Malik. Un long-métrage réussi qui plonge dans la jeunesse de son réalisateur.

Adapté du livre autobiographique de Abd Al Malik, «QU’ALLAH BÉNISSE LA FRANCE» raconte le parcours de Régis, enfant d’immigrés, noir, surdoué, élevé par sa mère catholique avec ses deux frères, dans une cité de Strasbourg.

quallah-benisse-la-france-parcours-atypique-histoire-universelle-2Dans Qu’Allah Bénisse la France, Abd Al Malik raconte ce qu’il a vécu en grandissant dans sa cité en banlieue Strasbourgeoise. On aurait pu penser que son film serait consensuel, voire lisse, avec cette image de gentil qu’il dégage aujourd’hui, de pacifiste mais son film est vrai, sans pour autant montrer une violence crue. Contrairement au non moins excellent british Ill Manors de Plan B, le film d’Abd Al Malik ne joue pas dans l’extrême violence. On est plus dans la suggestion. La caméra est pudique mais n’en n’est pas moins forte et réaliste. On y découvre le parcours atypique d’un homme qui même si cette histoire lui est propre, peut parler à beaucoup d’autres qui ont vécu ou vivent une situation similaire. Qu’allah Bénisse la France c’est le parcours initiatique d’un jeune homme qui aura été sauvé par sa passion alors qu’il aurait pu très mal terminer.

Une bonne adaptation

Abd Al Malik offre ici une bonne adaptation de son livre. Il a bien évidemment dû faire des choix pour montrer une histoire cohérente et fluide. La partie sur son enfance est coupée pour rentrer dans le vif du sujet, dans son adolescence, ses années de délinquance dans son quartier du Neuhof à Strasbourg, sa conversion à l’Islam et son amour pour la musique qui est un exutoire, et sa passion pour les lettres et la littérature. Parce que si Abd Al Malik était un jeune délinquant, c’était aussi un très bon élève, un jeune homme intelligent qui va faire des mots sa force. Il vivait donc deux vies presque dichotomiques qu’il a réussi à mener de front. Certain y verront une glorification de la délinquance mais c’est surtout sa vie qu’il raconte.

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Parfois scolaire

Il ne faut pas oublier que c’est un premier film. Un premier film qui est plein de bonnes intentions et qui par moment est un peu trop scolaire notamment dans la façon d’exposer certaines choses. Des parties sont romancées et certains dialogues sont un peu “donneurs de leçon” même s’ils ne sont pas infondés. On a aussi des ellipses assez frustrantes parce qu’au fond, on aurait aimé en voir plus sur les conséquences de certains événements. Et puis la relation avec Nawel est survolée. Si la jeune femme est présente, on ne la voit malheureusement pas évoluer. On ne sait pas ce qu’elle pense des activités de Regis/Malik. Même si on voit qu’ils sont intellectuellement liés et qu’il sont attiré l’un vers l’autre, leur histoire d’amour est survolée. Mais Qu’Allah Benisse la France n’est pas une comédie romantique, loin de là, on pardonnera donc ce choix elliptique, même si cette femme reste  une composante importante dans l’évolution d’Abd Al Malik.

Une réalisation propre

quallah-benisse-la-france-parcours-atypique-histoire-universelle-1Le noir et blanc fait entrer dans une atmosphère sombre et criante de réalisme. On pense bien sûr à La Haine de Matthieu Kassovitz, comme un hommage à celui qui l’a poussé à faire son film. On entre donc dans cette cité de manière sobre sans en faire trop dans le côté hyper artistique du noir et blanc. Sans spoiler, on a droit un plan fixe à un enterrement très bien pensé et puissant qui remet beaucoup de choses en perspective pour cette jeunesse qui s’engage sur des chemins sinueux. Du côté des acteurs, Marc Zinga (Engrenage) est une révélation. Il est complètement rentré dans la peau d’Abd Al Malik. Même si la ressemblance physique n’est pas évidente, le reste est bluffant. De la voix, au débit de parole mais aussi dans les mimiques et la gestuelle, l’acteur incarne l’artiste à merveille. La complicité avec Sabrina Ouazani est plutôt bonne et l’actrice rayonne à chaque fois qu’elle apparaît à l’écran.

Avec Qu’Allah Bénisse la France, le but d’Abd Al Malik est de montrer ce que c’est de grandir dans une cité dite difficile et de finir par atteindre ses objectifs même s’il aura fallu passer par des moyens pas très légaux. Il n’y a pas de grande morale, juste une vérité qui est la sienne. Il a voulu montrer son regard sur sa propre expérience et il a réussi. Même si par moment on frôle le ton moralisateur et que certains passages on un ton d’inachevé, le film est une bonne première réalisation qui arrive à éviter les clichés sur la banlieue et apporte un vrai regard sur une catégorie sociale. On attend désormais qu’Abd Al Malik revienne avec un second film qui le sortira de sa zone de confort et le portera vers d’autres horizons.

Qu’Allah Bénisse la France est donc un film à voir. On a cependant peur pour le succès du film qui se retrouve face au Hobbit 3 qui risque d’ameuter beaucoup plus de monde en salles.

Qu’allah Bénisse la France – Bande-annonce

Crédits ©Ad Vitam