Brainterview : Quentin Dupieux (Wrong Cops) – « J’ai juste envie de faire mes films »

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Quentin Dupieux a ouvert les portes de son univers loufoque au Cerveau pour la sortie de son prochain film Wrong Cops.

Voila un réalisateur peu commun. Avec maintenant 5 ovnis cinématographiques à son actifs, Quentin Dupieux (aka Mr Oizo pour les musicos) n’aime pas faire comme tout le monde. Enfin non, il préfère faire à sa façon. Ca se sent et ça s’apprécie dans son dernier film Wrong Cops. Rencontre avec un enfant terrible du 7ème art.

wrong cops posterQuelle a été l’origine du film ?

L’idée m’est venue sur le tournage de Wrong. J’avais adoré le personnage de Mark Burhnam. Ce flic insupportable… J’étais vachement attiré par ce genre là parce que j’étais en train de faire un film plus humain, plus gentil. Et on s’est dit sur le tournage, “et si on faisait Wrong Cops, un film qu’avec ce personnage ?”. L’idée a fait son chemin et spontanément j’ai rajouté d’autres flics.

Dans Wrong cops, les USA ont une place très importante. Est-ce une endroit qui vous attire ?

Los Angeles, c’est un peu un non-lieu, on est nulle part. C’est tellement la ville du cinéma. Il y a cette magie dans l’air. Si je transpose mes films en France, dans la Creuse par exemple, on sera obligé de les inscrire dans une réalité. Wrong Cops dans les Vosges, ça ferait “Les Gendarmes foufous dans les Vosges”. Ca serait la réalité des flics dans les Vosges. Alors que L.A, comme je vis là-bas depuis 3 ans, je suis imprégné malgré moi. Mais le but n’est pas de parler de ce pays. Celui d’avant, Wrong a été tourné au même endroit et pourtant on ne dirait pas. Alors que Paris, c’est inévitable ça se reconnait. Ca sera plus fort que toi, le décor prendra le dessus. Là-bas, on peut tout imaginer.

Brainterview Quentin Dupieux illus1Est ce un moyen de lier le cinéma et la musique ?

D’une certaine façon oui. J’ai toujours eu du mal à utiliser ma musique dans des films parce qu’elle n’est pas du tout cinématographique. C’est pour ça que j’ai toujours demandé à d’autres musiciens contrairement à moi qui suis un bricoleur. Pour Wrong Cops, j’ai voulu inscrire ma musique dans le film, ce qui n’est pas évident. Mais j’avais envie de faire au moins une fois dans ma vie un film aussi con que cette musique. Donc ça je l’ai fait, je vais pouvoir passer à autre chose. Sur le film que je viens de terminer qui s’appelle Réalité j’ai utilisé de la musique plus classe.

Est ce que les échecs que le personnage d’Eric subit sont inspirés de ce que vous avez vécu ?

Complètement. Au moment où j’ai sorti Flat Beat, c’était pas censé être un disque mais une musique pour une pub. Comme ça commençait à prendre, on s’est dit qu’il fallait peut-être sortir un disque. On a fait le tour de 5-10 labels et c’était embarrassant à chaque fois. Donc je suis retourné sur mon label et heureusement c’est eux qui ont profité de mon succès.

Brainterview Quentin Dupieux eric judor

En parlant du personnage d’Eric, comment a-t-il été créé ?

J’ai commencé par écrire des chapitres centrés sur chaque flic. C’étaient tous des horreurs. Je pense qu’a un moment j’ai eu besoin de donner un peu de cœur et surtout de surprendre la mécanique du film : ok c’est tous des nazes mais y’en a un qui a un but. Après, je vous dis ça avec le recul. Sur le moment c’est venu spontanément, j’avais besoin de créer un autre genre de naze.

Vous dîtes qu’en tant que musicien vous êtes bricoleur, est-ce le cas aussi au cinéma ?

C’est exactement pareil sauf que je suis plus légitime parce que ça fait 15 ans que j’en fais et c’est ça qui me plait. J’ai pas du tout envie de devenir un professionnel. J’ai juste envie de faire mes films comme je fais ma musique. Je dis que je suis bricoleur en musique uniquement parce que je suis très limité là-dedans et c’est ça qui me plait aussi. J’adore cette petite zone de création. J’ai déjà essayé de bosser avec un vraie méthode mais c’est pas mon truc. Donc on peut dire que je suis un bricoleur dans les 2 disciplines. Mais le vrai truc qui m’habite depuis très longtemps c’est le cinéma.

Michel Gondry se dit aussi bricoleur du cinéma. Est-ce que vous le considérez comme une source d’inspiration ?

J’ai déjà croisé Michel 3 ou 4 fois. C’est effectivement un magicien assez dingue mais lui a fait l’effort de se confronter au monde professionnel, ce que je respecte énormément. Il y a des choix à faire dans la vie, il faut savoir de quoi être capable et être bon dans son domaine. Je suis bien dans ma petit zone. Je n’ai pas d’autres rêves que de faire ce que je suis en train de faire.

wrong cops illus1Certaines scènes font  penser à Mad Max. Quelles ont été vos influences ?

Ca fait depuis mon adolescence que je n’ai pas revu Mad Max mais on peut dire ça. C’est à ce moment là qu’on s’imprègne. Personnellement ce sont des films comme Duel ou Raising Arizona. Je suis autant inspiré par des trucs que j’aime que par des trucs que j’aime pas. Après, le spectateur fait aussi son boulot. Avant que Wrong ne sorte je disais “s’il vous plait pas, c’est de votre faute”. Pas genre “vous êtes cons”, mais “si vous regardez le film et que vous n’aimez pas, c’est parce que vous en avez décidé ainsi”. Il suffit d’avoir envie de l’aimer pour que ça marche. Je vois le film de Riad Sattouf qui est vraiment bien mais il a pris tellement de risques que c’est facile de lui tirer dessus.

Justement, en parlant de Riad Sattouf, vous sentez vous proche de ce genre de cinéma ?

Ça me plaît beaucoup plus que les films français de base. Un mec qui se jette à l’eau et qui essaye de faire SON film plutôt qu’un truc qui va plaire à tout le monde, ça me touche beaucoup. Je connais un peu Riad Sattouf, je vois son univers et je me dis ça fait du bien de voir que je ne suis pas le seul.

C’est vrai que Jacky… et Wrong Cops se rapprochent parce qu’ils ne ressemblent… à rien justement.

Il y a des gens qui n’aiment pas si ça ne fait pas référence à quelque chose qu’ils connaissent déjà. Mais le système n’est pas fait pour ça. C’est une industrie avant tout donc on met en avant les films qui marchent. C’est la loi du marché. Jacky, pas sur que ça soit un gros chiffre de l’année. Il n’aura sûrement pas son deuxième tour. Un film comme Wrong Cops ne devrait pas exister. Il n’est pas financé du tout. Autant ceux d’avant oui, vaguement soutenus par Canal +. Celui là, personne. Le premier chapitre ayant été tourné comme un pilote aurait pu séduire mais personne n’a voulu se lancer dans l’aventure. C’est un film miracle.

En parlant de pilotes et d’industrie frileuse, vous n’avez pas pensé à faire une série ?

C’était l’idée de départ. J’avais fait ce premier chapitre, je me suis dit que j’allais en faire 6 autres de 15min et ça ferait un film où chaque jour de la semaine serait un flic différent. Ca rendait super bien mais quand j’ai tout mis bout à bout, c’était très ennuyeux. Ca faisait série mais ça rendait mal dans une salle de cinéma. C’est à ce moment là que j’ai recomposé le montage pour en faire un film.

Brainterview Quentin Dupieux marilyn mansonC’est la personnalité de Marilyn Manson qui vous a poussé à le caster ou son image publique ?

C’est lui qui m’a contacté parce qu’il était fan de Rubber. Il m’a dit “écris moi un rôle, fait ce que tu veux”. J’ai trouvé ça tellement touchant que je lui ai écrit ce rôle d’ado un peu attardé mental. C’est un véritable acteur, un vrai comédien.

Existera-t-il un Director’s Cut ?

C’est le Director’s Cut. Il nous reste encore les épisodes tels qu’ils étaient montés. Au moment de la sortie digitale, on verra ce qui sera le mieux mais on pourra acheter les épisodes un par un.

Eric Judor est un acteur qui est récurent chez vous. Vous conseille-t-il ?

Pas du tout. Il arrive bien à se mettre dans la peau du comédien et vient que pour ça. J’aime bien l’idée chacun sa place. Pour qu’un acteur soit au meilleur de sa forme, il doit être complètement au service du film.

Comment écrivez-vous vos films ?

Je n’ai pas de méthodes. Ca vient, ça vient pas. Il m’arrive de tracer pendant 15 jours et à la fin je laisse reposer. Parfois c’est des notes à la main que je retrouve plus tard. Mais quand on décide de faire un film, il y a toujours un moment intense de concentration pour faire de ces notes un scénario.

Crédits : ©DR

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