Deuxième film de Scott Cooper, Les brasiers de la colère est un récit poignant d’une Amérique oubliée.

Les Etats-Unis, pour nous pauvres européens ignorants que nous sommes, c’est un pièce à deux facettes : d’un côté le faste et la luxure des côtes Est et Ouest avec les grandes villes internationales, et de l’autre les péquenauds rigolos racistes et rétrogrades du fond du Texas. Le rêve américain à son apogée et ceux qui bavent devant en l’alimentant de leurs fantasmes. Seulement ce rêve américain, il vient bien de quelque part. Si ce pays en est là aujourd’hui, c’est avant tout grâce à de grands esprits comme Ford qui inventèrent de nouveaux moyens de production pendant la révolution industrielle qui permirent aux Etats-Unis de s’enrichir, de devenir une terre d’avenir. Mais qu’en est-il de cet héritage ? Que reste-t-il de cette époque fondatrice de l’Amérique moderne ?

A tale of two sons

Les brasiers de la colère illus1

Dans une petit ville perdue dans la Rust Belt américaine, Russel et son frère Rodney essayent de joindre les deux bouts. Le premier travaille aux fourneaux industriels, tandis que le second est soldat dans l’armée. Malheureusement, un soir où Russel avait un peu trop bu, il a un accident de voiture dans lequel un père et son fils meurent. Rongé par cet événement, il se rend aux autorité et purge une longue peine de prison. Une fois sorti, il doit faire face à un quotidien qui a évolué sans lui : son père est mort, sa copine attend un enfant avec un autre et son frère est tombé en dépression.

D’ailleurs ce dernier a un étrange comportement. Ce que Russel ne sait pas, c’est que Rodney, pour échapper à ses hantise de la Guerre d’Irak et de son quotidien pourri, participe à des combats de free-fight clandestins organisés par le patron du commerce underground du coin, John. Quand le petit frère vient harceler ce dernier pour un ultime combat, les choses se compliquent avec DeGroat, le caractériel mafieux contre qui John organise des combats. Un jour, ne voyant pas son frère rentrer, Russel commence à s’inquiéter et mène son enquête avant de découvrir la vérité. Mais le grand frère au coeur d’or sera-t-il prêt à risquer sa liberté récemment recouvrer pour venger son inconscient de frère ? Mais a-t-il d’autres raisons de se battre de toute façon ?

Les brasiers de la colère illus2

Of Furnace and men

Avant d’être une banale histoire de vengeance, Les brasiers de la colère, c’est avant tout un projecteur. Une lumière qui vient mettre sur le devant de la scène les ouvriers de la Rust Belt américaine, cette région hautement et rapidement industrialisée au détriment du reste. Seulement, cette période étant désormais révolue, avec le secteur tertiaire en évolution, la main-mise de la Chine sur le secteur industriel etc, les habitants de ces régions se retrouvent désemparés. Pas assez éduqués pour la grande ville et un travail de cadre et plus de travail là où ils sont. Ou alors si, mais qui a envie de travailler aux souffleries alors qu’en ville on peut faire fortune ? C’est le dilemme face auquel se retrouvent les deux frères protagonistes de l’histoire. Russell, le grand frère, tempéré et simple, travaille aux fourneaux lui. Comme son père le faisait. Et quand il ressort de prison après s’être fait humilier et tabasser, il reprend son ancien poste. Non pas parce qu’il ne veut pas trouver mieux, mais parce qu’il sait qu’il ne peut pas. Et en acceptant cela, il devient le type au coeur sur la main, toujours présent et prêt à aider tout le monde. A l’inverse, son frère Rodney, vétéran d’Irak, ne tient plus. Il veut changer de décor, récolter les fruits de son engagement pour son pays qui les a tous laissé tomber et partir très loin. Coute que coute. Deux personnages victimes d’un système qui n’est plus adapté depuis bien longtemps à certains de ses habitants et qui les pousse aux genres de folies dans laquelle est tombée DeGroat.

Les brasiers de la colère illus3

Quand James rencontre Joe

Alors oui, certains diront que ce genre de film a été vu et revu. Que A single shot ou Joe pourraient très bien remplacer les Les brasiers de la colère tant son sujet est général. Et ces mauvaises langues n’auraient pas tout à fait tort. L’esthétique du film tout comme son intrigue n’est pas sans rappeler un film indépendant américain tourné dans la forêt en 3 jours. Cependant, chaque film est unique et le traitement des Brasiers de la colère, même s’il en révolutionne pas le genre et particulièrement touchant. Le cadrage et la simplicité de l’image n’est pas sans rappeler le style de James Gray. Que l’on y soit sensible ou pas, ici, cela fonctionne plutot bien. Le casting  aide aussi sûrement avec un Christian Bale du temps du Machinist, Woody Harrelson bien loin de son rôle de gros dur au coeur tendre de Zombieland et Zoe Saldana qui impressionne une fois de plus par ses talents d’actrice. Même Whitaker devient insupportable. Quand un film arrive à vous faire détester un personnage joué par un acteur que vous adorez, c’est que le film a réussi à vous transporter.

Les brasiers de la colère illus4

 ReVengeance

Seul petit hic qu’on pourrait relever dans Les brasiers de la colère, c’est le changement de direction que le film semble prendre dans son dernier tiers avec la disparition de Rodney. Russell, lui qui n’avait même pas eu la force d’abattre un cerf, se lance dans une chasse à l’homme effrénée pour retrouver DeGroat et le faire souffrir le plus possible. Evolution logique du personnage qui garde un bon fond malgré tout ce qui se prend depuis le début du film. Cependant, on bascule malheureusement dans une dimension plus hollywoodienne avec la traque, le désir de vengeance, le dilemme final… Autant au départ, les personnages semblaient réalistes, complets, cohérents. Autant vers la fin, on sent que des directives ont été données et que Cooper a tout fait pour assurer la transition en douceur même si on tombe dans quelque chose qui n’a plus la même saveur, plus le même message.

Bande-annonce Les brasiers de la colère (VOST) :

Crédits : ©Metropolitan FilmExport