Bates Motel : Hitchcock violé (spoilers)

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2.0

Les préquelles sur les tueurs en séries mythiques ont le vent en poupe. Avant Hannibal, hier soir sur A&E a été diffusé Bates Motel, qui revient sur l’adolescence de Norman Bates, le tueur en série du Psychose d’Alfred Hitchcock. Verdict, pas si mal mais ça pourrait être mieux.

Produite par Carlton Cuse (Lost), Bates Motel est une préquelle pas comme les autres. Souvenez-vous, Psychose racontait l’histoire de Norman Bates, un tueur qui a passé presque l’ensemble de sa vie dans le motel de sa mère Norma, horriblement maltraité par celle-ci, qui le rabaissait constamment et le tenait éloigné des femmes et de la sexualité. Lorsque Norma rencontre un homme, Norman, fou de jalousie et de haine (vive le complexe d’Oedipe) les empoisonne tous les deux. Après cela Norman Bates sombre dans une folie meurtrière, toujours sous le joug psychologique de sa défunte mère, et se met à tuer les clientes de son Motel.

Bates Motel se focalise donc sur l’adolescence de Norman mais loin dès années 60 et plutôt à l’ère des tablettes et autres smartphones. Étrange concept, mais pourquoi pas ? Ici, on découvre Norman, 17 ans, et sa mère Norma, au décès du père qui va forcer cette famille à prendre un nouveau départ. Mère et fils déménagent dans une ville énigmatique au fin fond d’une Amérique banale, non sans rappeler l’atmosphère de Twin Peaks, ou le célèbre Maine de Stephen King voire Shining (surtout avec un plan de la voiture roulant au bord d’une falaise), pour s’installer dans ce motel. Une aubaine achetée aux enchères que l’ancien propriétaire des lieux n’accepte pas d’avoir perdu.

Rétro-vintage

Bates Motel se veut clairement comme un hommage à Hitchcock et l’un des films d’horreur les plus mythiques de l’histoire du Cinéma. Les décors de Psychose y ont été reconstruits dans le détail et avec un respect que même un puriste ne pourrait attaquer. La série joue ouvertement sur des airs vintages malgré la période dans laquelle son intrigue se déroule : un anachronisme remarqué avec l’atmosphère du motel, la voiture et la garde robe de Norma très sixties, et ces smartphones ou autres décapotables. Un choix discutable pour surement conquérir et fidéliser une audience déjà attachée à la désormais culte American Horror Story. Bates Motel propose une idée étrange qui fonctionne néanmoins à l’heure du hipster et de l’engouement pour le rétro-vintage. Entre l’hommage et la mécanique habituelle d’un pilote de série, Bates Motel peut laisser sceptique au visionnage de ce premier épisode. Tout est là pour rappeler l’univers du film d’Hitchcock, de la musique à certains plans séquences calqués sur certaines prises du film,  mais sans offrir quelque chose de véritablement différent en télévision.

Essai plus ou moins raté

Il est quand même intéressant de faire connaissance autrement avec ces personnages mythiques pour les cinéphiles et découvrir ici un premier chapitre de la genèse de ce futur psychopathe. Norman est aux premiers abords un adolescent innocent et obéissant dans la peau de Freddie Highmore (qu’on ne verra plus jamais comme le petit bout de chou de Charlie et la chocolaterie), qui a bien grandi mais qui reste toujours aussi attachant avec sa bouille angélique. L’histoire classique du gosse perverti par un facteur extérieur. Norma, la mère, dans la peau de Vera Farmiga est à la fois énigmatique et terrifiante entre la mère nourricière et la psychopathe à l’origine des élans psychotiques et meurtriers de son fils… une femme effrayante servie par la prestation d’une actrice dont le talent n’est plus à prouver.

Hors champ

Le plus gros reproche que l’on peut faire à ce pilote, c’est sa scène de viol, extrêmement violente et ne rendant aucun hommage au Maître de l’horreur avec cette orchestration bien loin de ce qu’Hitchcock aurait pu faire s’il avait eu les mains sur la mise en scène. Bien qu’essentielle dans le développement de l’intrigue qui nourrira les épisodes à venir (malins dans l’idée), sa fonction n’étant pas à être remise en cause.  Son exécution, elle, ne fonctionne pas.

Quand on fait une série qui cherche ouvertement à rendre hommage au maître d’un genre, surtout quand on parle d’Hitchcock, on attend un minimum de subtilité comme l’œuvre dont on s’inspire. Cette scène d’une violence assez rare en télévision puisque le viol n’y est traité que rarement et jamais montré de manière aussi crue (même dans American Horror Story qui a elle aussi eu droit a sa scène de viol implicite, où dans Private Practice avec le viol de Charlotte jamais montré). Le spectateur, ici, assiste au déroulement de toutes les étapes de ce crime, avec un hors champ quasi-absent jusqu’à l’acte (et encore). Hitchcock suggérait la peur, mais ne la montrait pas ce qui offrait plus d’intensité à certaines scènes soutenues par une puissance narrative et dramatique rarement égalées dans la gestion de la terreur à l’écran. Ici, on ne tente même pas de refaire l’exercice et générer de l’effroi, le vrai. On offre du voyeurisme pur sans finesse. Tout ce qu’on gagne c’est du dégoût et un malaise assez marqué. Dommage quand on s’inspire ouvertement de celui qui maîtrisait la peur en laissant ses spectateurs deviner les scènes les plus violentes de ses films.

A suivre

Avec une ville aux apparences énigmatiques et le carnet de dessins trouvé par Norman dans l’une des chambre de l’hôtel, Bates Motel fait la promesse d’un développement d’une intrigue fil rouge qui sera, fort à parier, teintée d’une dimension fantastique ou démoniaque. Si la suite arrête l’imitation forcée avec l’œuvre qui s’en inspire et s’offre un peu plus de profondeur, suivre l’évolution de Norman pourrait être intéressant. Surtout que la force de Bates Motel réside sans nul doute dans son casting de choix. On retiendra de ce pilote moyen qu’il exerce sa fonction première : celle d’exposer les personnages et l’environnement de ces derniers qui ont inspiré un génie du Cinéma il y a plus de 50 ans. Dommage que le maître n’ait pas son mot à dire, on aurait fortement aimé l’entendre.

Bates Motel (A&E) Trailer


Crédit photos : ©universal

 

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