Dark Humans Rise

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La fusillade d’hier au Cinéma d’Aurora, près de Denver dans le Colorado a provoqué beaucoup de réactions. Il y a bien sûr, en premier, l’horreur, le choc, la compassion pour les victimes et leur famille. Le Cerveau et toute son équipe ce joignent bien sûr à ce sentiment.

Mais on compte de nombreuses autres réactions, qu’il faut dénoncer.

La moins pire étant celles des insensibles, avec leurs mauvaises blagues, l’humour noir outrancier, le très mauvais goût. C’est choquant, oui, mais chacun réagit à ce genre de tragédie comme il peut. Si l’humour peut les aider à accepter la réalité inacceptable, alors pourquoi pas. Ils ne sont cependant pas obligés d’en faire profiter tout le monde. Comme disait Pierre Desproges, lors de son réquisitoire contre Jean-Marie Le Pen dans Le tribunal des Flagrants Délires, « S’il est vrai que l’humour est la politesse du désespoir, s’il est vrai que le rire, sacrilège blasphématoire que les bigots de toutes les chapelles taxent de vulgarité et de mauvais goût, s’il est vrai que ce rire-là peut parfois désacraliser la bêtise, exorciser les chagrins véritables et fustiger les angoisses mortelles, alors, oui, on peut rire de tout, on doit rire de tout. De la guerre, de la misère et de la mort. » Il ajoute, cependant tout de suite que non, on ne peut pas rire avec tout le monde :  » Près d’un terroriste hystérique, je pouffe à peine », précisait-il.  Et croire que Facebook, et surtout Twitter sont des endroits où on peut contrôler qui nous lit et surtout ce qu’on lit est d’une naïveté qui démontre d’une incompréhension et méconnaissance effrayantes des réseaux sociaux.

Après les insensibles, nous avons droit aux égoïstes. L’équipe du film a annulé ses apparitions publiques à Paris vendredi, ainsi que l’avant-première prévue au Gaumont Marignan. Par respect pour les victimes, la Warner a suspendu toute forme de promotion. La déception des fans parisiens peut à la limite être compréhensible. La réaction en revanche de certains, prêts à insulter voire demander le remboursement à la Warner dépasse l’entendement. Ceux qui pleurent, non pas pour les victimes, mais pour leur 10 secondes de rencontre avec Christian Bale ou Christopher Nolan. Ceux-là auront d’autres occasions. L’équipe du film  n’arrêtera pas de faire des films. Ils n’arrêteront pas de faire des avant-premières à Paris. Ce n’est que partie remise. Pour les 12 victimes de la fusillade, en revanche….

Outre-Atlantique, ce sont les amoureux des armes à feux qui jettent la honte sur le genre humain. A peine le massacre révélé, que déjà ils défendent leur précieux second amendement. Leur fameux droit de détenir une arme. Ils prétendent que le suspect, James Holmes, aurait pu se procurer une arme illégalement tout aussi facilement. Ils ont peut-être raison. Là n’est pas la question. Mais était-ce vraiment le moment d’ouvrir ce genre de débats, quand le corps des victimes n’est pas encore froid, quand 9 personnes se battaient encore entre la vie et la mort ? Sans parler de ceux qui prétendent que des clients du cinéma armés auraient pu arrêter le massacre. Le Cerveau n’ose même pas imaginer le nombre de victimes supplémentaires dans un échange de tirs, dans une salle obscure remplie de gaz lacrymogène.

Et enfin, les ignorants, ceux qui font des amalgames. Des chaînes d’information en continu qui confondent Bane et le suspect. D’autres qui surnomment « Tuerie Batman » cette affaire. Et les derniers sous-entendent que c’est la faute de Batman et des films violents pour quiconque sait lire entre les lignes, se réjouissant de pouvoir « prouver » que les films violents, c’est mal.

Un discours, non seulement faux, mais surtout dangereux. Parce qui si on installe dans les esprits que l’unique cause de la violence est un film, un jeu vidéo ou un programme de télévision, alors ces tragédies continueront ainsi. Personne ne prêtera attention à des possibles signes avant-coureurs sous prétexte qu’une personne n’est pas exposée à la violence des écrans. On ne cherchera jamais une autre solution que de bannir la violence à la télévision pour arrêter ses tueries. Comme si les attentats n’existaient pas avant. Comme si les gens avaient attendu l’invention du cinéma pour s’entretuer…

Mais surtout, cela montre de l’irrespect pour les victimes. Faut-il rappeler que si elles étaient présentes à une séance de Minuit pour voir The Dark Knight Rises c’est qu’elles devaient être elles-mêmes fans de Batman ? Dire ou sous-entendre que le meurtrier a commis son geste en raison pour sa passion pour cet univers, c’est le mettre sur le même plan que ses victimes. C’est prétendre que ces personnes sont – pardon, étaient – elles aussi instables et susceptibles de commettre une telle ignominie.

Le Cerveau est ravagé. C’est peut-être pour ça qu’il a du mal. Mais il ne comprend pas vraiment tout ces gens là.

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