Yanick Paquette : Brainterview exclusive au Comic Con Paris

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Yanick Paquette de passage à Paris invité pour le Comic Con a pris le temps de s’asseoir avec le Cerveau, de parler de son métier et de l’énorme succès de Swamp Thing.    

A l’occasion du Comic Con Paris, Brain Damaged a rencontré Yanick Paquette, dessinateur depuis septembre dernier de l’un des titres du Relauch de DC Comics, Swamp Thing. Titre atypique, beaucoup plus proche de l’horreur que du comic à super-héros traditionnel, véritable succès dans les ventes son unicité a toujours plu au dessinateur.  Ce dernier s’est confié sur son rapport très particulier à ce personnage, origine de sa passion pour la bande dessinée dans une interview exclusive à Brain Damaged jeudi dernier. Pourquoi avoir choisi l’illustration comme carrière de choix, comment a-t-il travaillé sur Swamp Thing ? Quelle sont ses passions ? Une rencontre joviale pour une brainterview où le dessinateur se livre sans complexe.

Vous travaillez depuis 1994 dans le milieu. Qu’est-ce qui vous a donné envie de passer du constat « je sais bien dessiner » à faire le grand saut pour essayer d’en vivre ?

Initialement je me dirigeais vers des études en biologie, en entomologie pour être précis.  J’ai commencé mes études en biologie pour devenir entomologiste, étudier les insectes. J’avais une espèce de vision romantique, venue de l’enfance, de la collection d’insectes issus d’endroits tropicaux. Mais dans la réalité, c’est du « pest control », en gros comment concevoir des pesticides en étudiant  un certain animal qui met en danger cette récolte, etc. C’est plus de l’élaboration et de la gestion de l’écosystème  alors que je m’imaginais étudier pour devenir une sorte d’Indiana Jones. J’ai remis ça en question, j’ai pensé à faire de la musique aussi, de la musique classique. Mais la réalité m’a rattrapé. J’aime la musique baroque. La musique populaire ne faisait pas partie de mes options et je ne me sens pas spécialement à l’aise avec la musique contemporaine, d’avant-garde. Pour être subventionné au Canada, il faut prouver que l’on fait quelque chose de neuf, de l’avant-garde, ce qui n’est pas du tout ce que je fais. Il me restait la bande dessinée, option qui dans mon cas était la plus sûre,  pour avoir un certain revenu. Ce qui est un choix d’adolescent un peu inconscient quand même.

Avec-vous souffert d’une pression à travailler pour un des titres du Relaunch de DC Comics, qui allait forcément être scruté avec attention ? Et si oui comment la ressentiez-vous  ?

Au début de ma carrière, j’ai commencé à travailler pour des franchises de façon croissante. Je sais gérer la pression assez bien. Et habituellement quand j’ai des insécurités artistiques à ce niveau-là ça dépend de l’écrivain. J’ai travaillé avec Alan Moore chez DC et mes premières pages étaient un peu nerveuses parce ce que c’était Alan Moore. Même chose avec Batman Inc., même si je connaissais Grant avant et qu’on avait travaillé ensemble. Mais comme c’était le premier numéro de Batman, je sentais qu’il y avait une certaine attente de DC à ce moment-là. Dans le cas de Swamp Thing, personne ne l’attendait vraiment. J’avais des idées très précises de ce que je voulais faire avec et je savais que personne n’attendait quoi que ce soit de la série. J’avais beaucoup de plus de liberté qu’avec Batman.


Swamp Thing
a eu un succès croissant auprès des lecteurs. Vous y attendiez-vous ?

Je m’attendais un peu à un succès car je crois depuis longtemps en Swamp Thing. Pas forcément au personnage, mais depuis un certain temps, la passion du super-héros en spandex qui sauve les filles s’est essoufflée. Les super-héros ne sont pas mon genre de prédilection et Swamp Thing m’offrait la possibilité de faire de l’horreur poétique complètement différente de Flash. Je n’ai rien contre Francis Manapul et son Flash que j’aime beaucoup, mais c’est presque un autre genre littéraire. C’est comme si ça ouvrait la porte à autre chose que des super-héros  même si on interagit légèrement avec le reste de l’univers DC. C’est un genre beaucoup plus mature qui me ressemble beaucoup plus.

 Comment avez-vous approché ce personnage ?

Etrangement, Swamp Thing a été un élément important, charnière, de mon développement artistique. J’ai découvert Berni Wrightson avec les versions françaises de La foire aux monstres, une espèce d’album cartonné. J’avais accès à la bibliothèque locale et je lisais tout le matériel en français. J’y ai découvert Berni Wrightson et il est devenu presque instantanément mon artiste préféré et l’influence principale de mes premières années. Après, Swamp Thing est devenu mon livre de chevet pendant très longtemps. J’y ai pris plusieurs de mes valeurs en tant qu’artiste, à la fois en jouant sur les lumières, avec un amour de l’illustration classique.

Swamp Thing était donc une passion bien avant votre travail sur le projet de relaunch ?

Swamp Thing a été ma première passion en tant qu’artiste, et ma première passion littéraire a été les Swamp Thing d’Alan Moore qui m’ont démontré ce que pouvait être la bande dessinée plus largement, et pas seulement la bande dessinée américaine de super-héros qui peut être assez naïve. Il y a eu occasionnellement d’autres choses, mais c’est Alan Moore qui a fait exploser le cadre. Swamp Thing m’a revigoré, a renouvelé mon enthousiasme pour la bande dessinée nord-américaine. Maintenant c’est à moi de faire Swamp Thing. Et même quand je fais de la bande dessinée de super-héros plus standard, les racines de mes illustrations sont très classiques et Swamp Thing est plus dans cet univers-là. Ce n’est pas que Swamp Thing par Joe Madureira ne marcherait pas. Mais alors que tout le monde a dessiné Batman, qui peut être dessiné selon différents styles, Swamp Thing a toujours évolué dans un monde d’illustration graphique, luxuriant, classique, qui est mon monde graphique à moi aussi. C’est comme si je rentrais à la maison, c’est mon milieu. Quand on m’a proposé de faire Swamp Thing, j’ai senti cela non pas comme une pression comme mentionné plus haut, mais comme un honneur de participer à cet héritage. C’est pour ça que dans les premiers numéros j’ai mis les noms de ces artistes-là du passé qui m’ont influencé.

Avez-vous d’autres projets en dehors de Swamp Thing, ou restez-vous concentré dessus pour le moment ?

J’ai encore un an. Là je suis en train de travailler sur le cross-over avec Animal Man, qui m’emmène jusqu’au début de l’année prochaine. Ensuite, j’ai quelque chose d’autre de potentiel mais je ne peux pas en parler. C’est quelque chose qui m’excite mais on verra. C’est intéressant, c’est un autre format.

Propos recueillis par Asma El MardiCrédit photo : ©DR

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