Nouvel OVNI cinématographique de Quentin Dupieux, Réalité brouille la ligne entre quotidien et fiction avec un talent et une originalité typique du bonhomme.

« Kubrick mes couilles », l’une des répliques cultes clamées par Alain Chabat résume parfaitement l’attitude de Réalité, la dernière réalisation de Quentin Dupieux. Bien qu’il soit constamment en dehors des sentiers battus du cinéma conventionnel, le réalisateur n’est désormais plus à présenter. Après avoir réalisé des films avec un pneu serial killer (Rubber) ou des flics défoncés écoutant de l’électro à fond (Wrong Cops), le champion du surréalisme cinématographique français s’attaque directement au 7ème art avec Réalité où n’est pas forcément acteur, réalisateur, cameraman ou producteur qui croit être. Amateurs de mise en scène classique et d’intrigues conventionnelles, passez votre chemin car les images qui vont suivre pourront vous choquer. Bienvenues dans Réalité.

New Wave

Réalité illus1Jason est un cameraman un peu rêveur qui travaille sur le plateau d’une émission de cuisine qui fleure bon la naphtaline et la dépression. Mais il n’en a que faire car lui, ce dont il rêve, c’est réaliser son propre film. Pour ça, il prend rendez-vous avec un ancien collègue producteur, Bob Marshal. Ce dernier est bluffé par son pitch pourtant pas piqué des hannetons et, malgré ses excentricités, est prêt à signer. Seulement voila, il impose quand même une condition pour que le film de Jason soit tourné : il faut que ce dernier lui trouve le gémissement ultime, le cri de douleur parfait qui fera de son bébé un chef d’oeuvre oscarisé et acclamé par l’opinion. Seulement un son comme ça, c’est pas facile à trouver. Surtout quand la réalité autour de nous commence à s’effondrer.

Sales gosses

Réalité rayonne de talent. Que ça soit par sa mise en scène sobre et loufoque, avec un grain sépia typique de soleil de Californie que Dupieux semble tant apprécier. Le casting est tout autant brillant. Alain Chabat s’éclate comme jamais dans le rôle du réalisateur benêt exposant à qui veut son pitch de télévisions tueuses (le Cerveau est prêt à parier sa collection de pogs qu’il s’agit d’un script que le réalisateur garde sous le coude pour plus tard tellement ça sonne… lui quoi), Jonathan Lambert crève l’écran en producteur schizophrène, au point même parfois de faire de l’ombre à l’ancien Nul et Elodie Bouchez est plus insupportable que jamais en en psychologue cartésienne ne comprenant pas les délires sonores de son mari. Le reste de la galerie de personnages est aussi loufoque que l’ambiance et leurs « gueules » font d’eux des éléments incontournables. Seule grande absente du film, la musique, ce qui semble assez étrange quand on connait le passé de Mr Oizo.

Réalité illus3

Nolan à l’amende

Pour ce qui est du reste… C’est toujours coton de décrire un film de Quentin Dupieux. Entre fantasme et réel, délire et sérieux, critique et immense blague potache… L’univers de ses créations reste encore insondable et le Cerveau se garde bien d’émettre quelconque jugement de valeur sur la qualité générale de Réalité. Comme le reste de ses réalisations, c’est un métrage qui se vit et s’apprécie à chaud. Cependant, si le Cerveau devait s’aventurer un peu, Il trouve que comparé aux précédents films, Réalité pousse sa réflexion vraiment loin dans le rapport que chacun entretient avec n’importe quel monde imaginaire (ici les rêves, le cinéma et plus encore). Qu’on aille voir Réalité pour sa forme ou son fond, difficile de ressortir indifférent de la séance. Et c’est bien là, pour le Cerveau, la grande qualité du film et par extension du cinéma selon Dupieux.

réalité dupieuxQu’on apprécie ou non l’univers particulier de Quentin Dupieux (et vous l’aurez deviné chers Hannibals Lecteurs, le Cerveau fait amplement partie de la première catégorie), Réalité est un film à voir. Drôle, absurde, cohérent et intrigant, il brouille avec brio la perception du spectateur pour lui faire passer un moment inoubliable. Et, fait assez rare pour le souligner, Réalité reste encore le mieux placé pour parler de lui-même : il est comme « une crise d’eczéma mais à l’intérieur du crâne ». A savoir qu’on en ressort assez désorienté pour se gratter compulsivement la tête afin d’en trouver le sens. Le Cerveau cherche toujours mais ne s’en lasse définitivement pas.

Réalité : Bande-annonce

Crédits : ©Diaphana