David Shwimmer nous a livré ce qui, à la vue de la bande annonce, paraissait être un film poignant. Verdict : bien au-delà du récit dramatique, le film se veut comme une allégorie de la rupture du monde de l’enfance et de l’innocence, vers la brutalité de l’âge adulte.

Présenté au festival de Toronto de 2010  et à Deauville, nommé dans quatre catégories et acclamé par la critique, Trust est un film à saluer. Preuve qu’on peut avoir été acteur de comédie pendant plus de dix ans, prêter sa voix à des animaux animés qui dansent avec des limuriens rastas, et être capable d’offrir un film aux antipodes de ce qu’on peut attendre d’un artiste tel que David Schwimmer. Avec une thématique aussi lourde, dur d’imaginer notre bon vieux Ross Geller derrière la caméra. Pourtant ça marche !

Trust, « confiance » en français, raconte le drame d’une petite famille de banlieue qui se retrouve confrontée à la pédophilie. Annie (Liana Liberato), 14 ans, est persuadée d’avoir rencontrée l’ado rêvé online, un certain Charlie, même âge, très mignon. Lorsqu’elle finit par le rencontrer, Charlie s’avère être un homme d’âge mûr qui abusera d’elle…

La fin de l’innocence

Contrairement à ce que l’on pourrait croire, Trust est bien loin du pathos et de la violence pure. Un sujet délicat pour un film qui finalement est trés poétique. David Schwimmer nous offre une vision de la pédophilie sans sombrer dans la sensibilité ou des scènes de colères comme l’ont peut l’imaginer. Une description très réaliste de cette pédophilie moderne, 2.0, tout en sensibilité, froide et sans violence. Un paradoxe lourd en profondeur et réalisme. Et même si le spectateur  se sentira à coup sûr animé par des sentiments de haine et de dégoût. Par la même haine du violeur que peut l’être le  père d’Annie (Clive Owen). Le film ne transmet pas le malaise comme d’autres films comme Irréversible, pourtant sur le même sujet.

Un véritable drame, comme un docu-fiction sans l’être dans le style, Trust ne veut pas faire pleurer dans les chaumières mais plutôt raconter un parcours initiatique sur la fin d’une innocence. Trust ne connaitra pas de moment forts à proprement parler, mais portera le spectateur sur l’émotion, tout en finesse sans heurter profondément sa sensibilité, pour se focaliser sur la victime et son ressenti, ainsi que sa famille.

Un parcours initiatique

En rien moralisateur, David Shwimmer a voulu raconter un parcours initiatique et le passage abrupt de l’adolescence à l’âge adulte quand un drame survient au coeur de toute une famille. Et même si la lenteur du scénario peut pousser certains à juger le film comme mauvais ou mou, cette lenteur se veut comme une pointe de douceur dans le récit de la victime. Annie pense tomber amoureuse d’un jeune homme à travers son écran, comme toute jeune fille de son âge. La réalité la rattrape quand elle rencontre celui qu’elle imaginait comme un étudiant basketteur mais qui est en réalité un homme mûr aux intentions pas très nettes. Au lieu de se focaliser sur la nature psychotique et les déviances du pédophile, c’est le personnage d’Annie qui est mis en avant. Cette jeune adolescente qui croit pour la première fois en l’amour, qui n’a pas envie de le perdre, quitte à se laisser avoir par les belles paroles de celui qui a abusé de sa candeur et sa jeunesse. Tout au long du film, on suivra cette adolescente qui finira par comprendre qu’elle a subit l’irréparable, perdu non seulement son innocence, été abusée par un homme qui a déjà sévit dans le passé et détruit d’autres jeunes filles. Quant les autres expérimentent « un premier amour » dévastateur, elle entrera dans l’âge adulte par la force de ce drame réellement dévastateur.

Un malaise social

Certaines images parsemées ici et là dans le film rappellent étrangement le thème du sexe ou de la pornographie. Le père d’Annie est Chef de projet dans le monde de la publicité. Sa campagne du moment ? Une série de photos très suggestives pour une marque de vêtements à cible majoritairement jeunes. Comme un rappel du malaise de notre société qui surcommercialise le sexe. Une métaphore qui se veut clairement comme une dénonciation de certaines dérives malsaines de notre société.

Avec Trust, Schwimmer réussit son pari, celui de nous sensibiliser à une situation dramatique propre au 21e siècle. Une véritable juxtaposition entre ce qui est jugé comme étant mal et dangereux par les adultes et la difficulté pour Annie de comprendre ce qui lui est arrivé. Ce qui à ses yeux n’est pas si grave. Une dure peinture des jeunes générations d’aujourd’hui, entourées par des images à la limite de la pornographie, prônant la liberté sexuelle, que ce soit sur internet, dans les magazines, la mode ou bien la télévision. Un « vigilant movie » plus dans la poésie que la dramatisation pure, qui force le respect, surtout quand on sait que derrière la caméra, c’est un ancien acteur de sitcom comique qui mène le combat tout en poésie.

Crédit photo : Metropolitan FilmExport