En manque de film français déprimant avec des tromperies, de l’inceste, un nom à rallonge et autres originalités bien de chez nous ? Au Plus Près du Soleil est fait pour vous !

Il existe un monde parallèle au notre, régi par des règles étranges. Dans ce monde, la joie n’a pas sa place, racisme et tolérance se confondent et le maître mot est réalisme. Là-bas, les conflits sociaux sont légions et la misère quotidienne est retranscrite sans filtre ni musique, de peur d’échapper de la sacro-sainte réalité. Il prend ses racines dans notre propre Histoire et alors qu’il passait pour être une révolution à son époque, il s’est auto-alimenté au point de dangereusement s’ostraciser. Bien que maintenu sous respiration artificielle depuis quelques années par une tribu de fanatiques refusant d’admettre que son temps est révolu, des preuves de son existence nous parviennent encore comme le film dont on va parler aujourd’hui. Bienvenus dans le terrible monde du cinéma français.

Plus belle la vie

au plus près du soleil illus1Sophie est une juge d’instruction comme les autres, à savoir altruiste et épanouie, qui auditionne un jour Juliette, une jeune blonde un peu paumée mais dont l’air distingué touche particulièrement la juge puisqu’elle va la harceler à la limite du raisonnable. Après tout oui, Sophie est la « bobo-mère de famille-pas du tout psychotique » de base et Juliette a la dégaine d’une foraine de la fête à Neuneu. D’office, elles étaient faites pour être les meilleures amies du monde. Alors quand Sophie devine au fil de l’audition que ce stéréotype de cagole matinée de daddy issues est la mère biologique de son fils adoptif, son sang bleu marine ne fait qu’un tour. Heureusement que son mari Olivier (lui-même avocat et mâle donc logiquement plus rationnel sur ce genre de sujet, n’est ce pas ?) prend cette histoire avec du recul et l’invite à se destituer de l’affaire et à passer à autre chose. Ce que Sophie fait immédiatement. Ou pas. Parce que c’est une mère et que cette mijaurée devrait croupir en prison pour avoir mis au monde son fils si parfait. Désemparé, Olivier décide de rencontrer Juliette en secret pour l’aider parce que bon quand même, c’est pas super cool tout ce qui lui arrive. Mais comme Juliette est tout ce qu’on attend d’elle, elle devine que son mystérieux bienfaiteur est le mari de la tarée qui veut l’incarcérer et décide de lui mettre le grappin dessus. Pourquoi ? Parce que c’est rigolo de mettre en péril la vie de famille d’autrui apparemment ?

Pars vite et ne reviens pas parce que demain il pleut

Si après ce résumé saupoudré de sarcasmes et d’ironie vous ne l’aviez pas deviné chers Hannibals Lecteurs, Au Plus Près du Soleil est tout ce dont le Cerveau raffole : un drame français avec tous les codes scénaristiques qu’il sous-entend. Les personnages sont tous plus insipides les uns que les autres, à commencer par le couple principal. Sophie passe pour une hystérique du début à la fin, prenant de haut Juliette de par son parcours et sa dégaine, sans même chercher à savoir le pourquoi du comment elle en est arrivée là. Et lors de l’explication, la blonde a beau raconter une histoire potentiellement terrible d’un point de vu émotionnel, la juge ne fait pas preuve du moindre signe de sympathie. Alors certes, son job n’est pas de s’attendrir mais il s’agit quand même de la mère biologique de son fils ! Avouer à son fils de 18 ans qu’il a été adopté est une épreuve terrible mais dans le cadre du film, ça rend Sophie plus qu’insupportable. Juliette de son côté, bien que visiblement victime de tout ce qui lui arrive, prouve à travers son comportement manipulateur et insidieux qu’elle mérite quand même quelques taquets. Et Olivier dans tout ça ? C’est le personnage le plus appréciable jusqu’à ce qu’il tombe dans les filets de Juliette et passe pour le dernier des menteurs à compliquer le schmilblick avec de la surenchère de mensonges. Il reste potentiellement le fils qui à part être transparent les 3/4 du film rejoint les autres personnages quand il décide de coucher avec Juliette. Sa mère biologique oui. Français, le Cerveau vous dit.

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Film d’auteur

au plus près du soleil illus3En ce qui concerne la réalisation, difficile de faire plus français. Le Cerveau passera sur les acteurs en roue libre totale (ce qui doit exacerber le côté insupportable des personnages, donc l’un dans l’autre ça se rejoint) pour passer au cadrage. L’intention d’Yves Angelo de filmer ses acteurs en plan serré sur la majorité des scènes donne vite la nausée et rajoute au sentiment de regret du spectateur d’être dans la salle. Alors certes, film d’auteur, originalité de réalisation, émotion au centre du film etc. Mais comment apprécier un film si son but est de faire en sorte que tout ce qui en ressort est un manque d’empathie pour ce qui se passe et déconnecte le spectateur ? Après, la connexion pourrait se faire par la musique. C’est souvent comme ça qu’un réalisateur arrive à créer un lien émotionnel entre son film et son public. Fausse piste. Au Plus Près du Soleil ne comprend aucune musique extradiégétique (comprendre extérieure à l’action). Les seules qu’on peut entendre sont celles de l’autoradio ou d’orchestres de rue quand les personnages en rencontrent. C’est un choix de réalisation assumé par Angelo pour ne pas « flatter des émotions qui détournent le spectateur et modifient artificiellement ses sensations« . Donc au plus près du réel. Français, encore.

Derrière cette avalanche de critiques que le Cerveau assène à Au Plus Près du Soleil, il ne blâme pas complètement le film d’Yves Angelo. Il est symptomatique d’un système qui dure depuis trop longtemps. Les intentions sont bonnes mais il s’agit des mêmes qui pavent l’Enfer. Vouloir réaliser un film avec des originalités de cadres, de musiques, de personnages, c’est une chose. Les aligner sous couvert d’une démarche d’auteur qui va à l’encontre du film en est une autre. Ce qu’Au Plus Près du Soleil semble oublier (et en majeure partie la production française traditionnelle) c’est qu’un film n’est pas le réel. Du moment où l’action passe à travers l’oeil de la caméra, le jeu est faussé. Vouloir retranscrire le réel est quasiment impossible et dans les rares cas où ça réussit, quel intérêt ? Le cinéma est un art. Il est symbolique. Il représente le réel sans le calquer et quand bien même ? Un drame tel quel sans connexion émotionnelle est un instrument de torture. Le cinéma est fait pour ressentir de la joie, de la peur, de la détresse, être en empathie avec les péripéties que les personnages vivent, voire se sentir concerné. Suivre la vie d’autrui de façon aussi abrupte revient à du voyeurisme de bas étage. La réalité est déjà assez ennuyeuse comme ça pour qu’on la voit défiler sur grand écran.

Au Plus Près du Soleil : Bande -Annonce

Crédits : ©BAC Films