Après une attente longue de 7 ans, Pourquoi j’ai pas mangé mon père, le film d’animation réalisé par Jamel Debbouze sort en salles pour le meilleur mais surtout pour le pire.

L’animation en France, c’est encore un sujet un peu tabou. Malgré les quelques tentatives récentes plutôt bonnes comme Astérix et le Domaine des Dieux ou plutôt mauvaises comme Les 108 Rois Démons, la diaspora des experts de la 3D vers les territoires anglo-saxons pèse lourdement sur l’industrie française et ça finit par se ressentir. Alors quand un projet comme Pourquoi j’ai pas mangé mon père sort, le scepticisme est de mise. 7 ans de production et de réalisation, une technologie de pointe à maîtriser, une adaptation de roman assez compliquée, les défis à relever sont nombreux. Et le résultat est assez décevant mais pour de toutes autres raisons.

A la conquête du monde

Pourquoi j'ai pas mangé mon père illus3Edouard est un simien différent des autres de sa tribu. Orphelin de naissance, il a été recueilli et élevé par Ian, un simien albinos un peu simplet. Handicapé de la main droite et plus chétif que la normale, il a du apprendre à utiliser son cerveau pour survivre dans leur arbre, notamment sans se balancer de lianes en lianes. Grâce à ses talents, il s’attire les attentions du roi Siméon. Mais après qu’une de ses inventions ait dysfonctionné, le roi a frôlé la mort et Edouard et contraint à l’exil dans le Carnivorium, à savoir le sol où se trouvent les animaux chasseurs. Refusant que l’un des leurs meurt aussi bêtement, Siméon descend le rejoindre et alors qu’il livre son dernier souffle après avoir protégé Edouard, il lui révèle qu’il est son fils aîné. Cette révélation n’est pas du goût de Vania, le petit frère d’Edouard et jusque là roi en devenir.

Histoire(s)

Ce résumé un peu succinct de Pourquoi j’ai pas mangé mon père n’est malheureusement pas à même de raconter toutes les intrigues et sous-intrigues qui le jalonnent. Succession, évolution, amour, problèmes de société, de famille… Le nombre de sujets parcourus par le film est énorme et semble parfois partir dans tous les sens. Mais cette impression vient du fait que la majorité des scénarii auxquels le spectateur de base a à faire est une répétition ou une réinterprétation d’une formule déjà existante. Ici, le développement prend des chemins détournés tout en restant dans son ton et sa cohérence (par exemple, pourquoi Edouard marche sur deux pattes ? Sa patte blessée l’empêche de courir sur le sol comme un simien donc il s’adapte. Parfait couplage entre acteur et sujet). Grande force de Pourquoi j’ai pas mangé mon père, la multiplicité des thèmes abordés parlera à tout le monde.

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Chaînon manquant

Entrons enfin dans le vif du sujet et de ce qui fait de Pourquoi j’ai pas mangé mon père une exception en France : la motion capture et la performance capture. Ces deux procédés sont utilisés par les américains depuis un certain temps pour numériser respectivement les mouvements et les expressions des acteurs. Le Seigneur des Anneaux, Avatar, Tron Legacy… Les exemples sont nombreux. Et en France, c’est la première fois qu’un film est entièrement réalisé en couplant ces techniques. Maintenant, en ce qui concerne le résultat… Il est assez inégal. Certains personnages font parfaitement la synthèse entre expressions humaines et comportement de singes. Mais d’autres, comme Edouard par exemple, nous renvoie à l’époque où KD2A était présenté par un Donkey Kong en image de synthèse. Certes, Edouard est censé être un australopithèque donc différent des autres mais là, on est pas loin de la vallée de l’étrange tellement il oscille entre humain et singe.

Samerlipopette

Pourquoi j'ai pas mangé mon père illus1Et nous voila enfin devant le problème majeur et pourtant paradoxal de Pourquoi j’ai pas mangé mon père : Jamel. Pourtant le Cerveau est fan de lui depuis ses débuts. Mais là, trop c’est trop. Le comédien s’est fait connaitre grâce à ses mimiques exagérées et ses bafouillages amusants qui à l’époque faisaient rire. 15 ans plus tard, voir qu’il n’a pas changé de registre et qu’il fait toujours les mêmes blagues, c’est un peu lourd. Surtout que les moeurs ont changé depuis le temps et certaines vannes peuvent faire un peu limite. Ajoutons à ce personnage celui de Vladimir qui est un vibrant hommage à Louis de Funès mais très très vite insupportable par la multiplication des mimiques et ce qui était un bon film d’animation novateur dans le fond se retrouve avec une forme qui lui porte énormément préjudice.

Quand le Cerveau a vu la bande annonce de Pourquoi j’ai pas mangé mon père pour la première fois, Il s’attendait au pire. A croire qu’elle a été faite par un stagiaire car le film est une bonne surprise malgré l’influence que Jamel a pu avoir sur l’intégralité, tant sur l’écriture que sur sa performance. Jamais vraiment drôle, parfois émouvant, Pourquoi j’ai pas mangé mon père reste malgré tout une bonne tentative qu’il est rageant de voir catégoriser ainsi vu le potentiel.

Pourquoi j’ai pas mangé mon père : Bande-annonce

Crédits : ©Pathé