Septième film en compétition cette année à Gerardmer, The Voices a su conquérir le public et le jury mais aussi le Cerveau grâce à son univers totalement barré, morbide et édulcoré.

Quand on vous dit Ryan Reynolds, vous pensez quoi ? Mauvais acteur ou pire acteur au monde ? Jusque là le Cerveau hésitait encore. Puis vint Marjane Satrapi. La réalisatrice de Persépolis a su, en 1h47, faire oublier au Cerveau Green Lantern ou sa prestation de Deadpool dans X-Men Origins : Wolverine. Non seulement ça, mais elle est arrivée aussi à créer un film fantastique hilarant, où morale et perception du monde sont des notions floues que l’on balaye volontiers d’un revers de la main, pour le simple plaisir de partager la folie de Reynolds, avec, fait rare, un véritable « feel-good movie » horrifique.

My name is Jerry

The Voices illus2Bienvenue dans la petite ville de Milton. Un endroit paisible et fabuleux où l’usine de fabrication de baignoires fait le bonheur des habitants. On y retrouve Jerry, employé joyeux quelque peu benêt. Ce dernier est d’ailleurs fou amoureux de sa sublime collègue, l’anglaise de la compta, Fiona. Bien que distante, il ne désespère pas. Du moins c’est ce qu’il raconte à son chat Mr Moustache et Bosco son chien. Le premier passe le plus clair de son temps à l’insulter avec un accent écossais tandis que le second est nettement plus encourageant… Attendez, des animaux qui parlent ? Pourtant Jerry a juré à sa psy qu’il prenait ses cachets et qu’il n’entendait plus de voix…

Lanterne rouge

Le miracle de ce film dont le Cerveau ne revient toujours pas, c’est d’avoir trouvé un rôle dans lequel Ryan Reynolds est à l’honneur, loin des comics et autres comédies romantiques. Une rôle aux antipodes de ce qu’on lui connaît, bien que l’idiot du village soit une des choses qu’il sache bien faire. L’acteur arrive à toucher le spectateur dans sa candeur morbide et son refus chronique d’affronter le monde réel. Car oui, le monde de Milton n’est pas si rose qu’il n’y parait.

Douce Folie

Le réel génie de The Voices réside dans son parti pris. Ici, pas de serial killer poursuivant des ados dans les bois ou de malédiction à base de cimetière indien. Satrapi entraîne le spectateur directement dans la tête de Jerry qui, ne prenant pas ses pilules, vit dans un monde rêvé où tout est beau et où ses animaux le conseillent. Mais au moment où il les prend, l’horrible réalité reprend le pas. Le spectateur et Jerry découvrent avec effroi que cette innocence est due à son instabilité mentale, une schizophrénie mal gérée. Et quand vient le moment fatidique où il commet son premier meurtre par accident, le refus du monde réel se fera encore plus violent et Jerry sombrera dans une spirale infernale… Malgré lui ?

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30 millions de psychopathes

La caution de Jerry pour continuer ses délires et tueries est aussi absurde qu’hilarante. En effet, sa folie lui faisant croire que ses animaux de compagnie lui parlent, ses réactions pendant le film vont lui être dictées soit par Bosco, représentant la voix de la raison et de la sagesse, soit par Mr Moustache avec son cynisme et ses manoeuvres malsaines de manipulation. Quoi de plus cynique qu’un chat n’est ce pas ? Et ça marche du tonnerre ! Malgré les propos parfois douteux émis par le chat, l’écriture fait en sorte que les discours de ce dernier soient une source intarissable de fous rires. Ainsi, Jerry passe pour un innocent suiveur, une victime des circonstances, alors qu’il agit en fonction de ce que lui disent ses animaux. il est utile de mentionner que Reynolds excelle dans ces 3 rôles, puisqu’il double lui-même le chat et le chien.

hqdefaultCe qu’on aime dans The Voices, c’est que pour une fois, le focus se fait uniquement du point de vue du tueur, pour lequel le spectateur va avoir beaucoup de compassion dès les premières secondes. Le meurtre est-il un choix pour ceux qui les commettent, surtout lorsqu’il est le résultat d’une maladie psychotique ? Comment gère-t-on ces actions malsaines ? Un serial-killer peut-il ressentir des remords ou est-il l’incarnation du Mal comme la société laisse croire ? Ont-ils au moins une notion du bien et du mal ? Autant de questions qui n’ont jamais eu de réelles réponses, de Psychose en passant par Freddy les griffes de la nuit jusqu’à Saw.  The Voices offrira ses réponses avec beaucoup de légéreté et beaucoup d’humanité, au délà du rire. Et ça marche !

Feel good and kill people

The Voices est sûrement le plus étrange des feel good movie de ces dernières années. Entre Tucker and Dale et Joyeuses Funérailles, il possède toutes les qualités d’une comédie à la morale douteuse et saura autant ravir les amateurs de films de genre par son traitement unique que le grand public par son humour décapant et ses scènes absurdes (oui, il y a même un Elvis coréen à un moment). Et si ça semble étrange que le Cerveau fasse l’apologie d’un film sur un serial killer, c’est sûrement parce que The Voices aura réussi son pari : troubler les repères moraux du spectateur. Ou alors parce qu’Il est déjà un psychopathe depuis longtemps. Mais ça, c’est une autre histoire.

The Voices : Bande annonce


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